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    14/08/2013

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    «Paye Ta Shnek», le blog où les filles racontent le harcèlement de rue

    Par Emilie Tôn

    Après qu'un dragueur lourd-dingue ait pourchassé Anaïs sur 2 km dans la rue, elle décide de lancer le blog «Paye Ta Shnek». Un recueil de témoignages sur les réflexions subies par les filles dans la rue, qui très vite fait le buzz.

    Paye Ta Shnek (« paye ta chatte » en alsacien) est un blog participatif dans lequel les filles peuvent rapporter les phrases qu’on leur a adressées dans la rue pour tenter de les séduire « ou… euh… les agresser, plus ou moins ».

    Difficile pour Anaïs Bourdet, à l’origine de ce tumblr, de trouver les mots face à un tel acharnement. Tout a commencé l’été dernier. Elle vient de voir la vidéo de Sophie Peeters, qui filmait les réflexions des hommes à l’encontre du sexe opposé dans les rues de Bruxelles, quand elle est poursuivie en voiture sur deux kilomètres. « Un mec m’avait fait des avances au feu rouge, j’avais pas relevé. » Un peu choquée, elle fait part de cette angoissante expérience à ses amies : « On s’est rendues compte qu’on avait toutes vécu des anecdotes drôles ou sordides avec des inconnus dans la rue. » Lui vient alors l’idée d’en faire un « best-of » en ligne.


    font color=grey>Anaïs Bourdet, à l’origine de ce tumblr

    Buzz Au départ, elle poste ses propres histoires avant de proposer à une dizaine de copines d’y mettre les leurs et de faire tourner le blog. Rapidement, le nombre de contributrices augmente et, avant même qu’Anaïs ne s’en rende compte, c’est le buzz. Pour cette jeune graphiste de 28 ans, le succès s’explique par le ras-le-bol : « Y’avait un trop plein à déverser. Au commencement du blog, certaines filles postaient cinq à dix anecdotes d’un coup ! » Un an plus tard, elles sont 4000 à lui avoir écrit.

    Les réflexions vont de la tentative (ratée) de romantisme : « Quand je regarde ton cul, j’y vois mon avenir. Et franchement il est radieux ! » à l’agression verbale : « Mhh t’as un beau p’tit cul de salope toi, j’y enfoncerais bien ma bite. Eh tu pourrais répondre connasse ! ». En passant par la proposition indécente avec un taux de réussite définitivement égal à zéro : « Bonjour mademoiselle, vous êtes très jolie. Je penserai à vous en me branlant ce soir, sauf si vous voulez participer bien entendu, vous serez la bienvenue. »

    Y’avait un trop plein à déverser. Au commencement du blog, certaines filles postaient cinq à dix anecdotes d’un coup !

    Réactions Ses amis « mecs » tombent des nus quand ils découvrent le blog. « Ils n’avaient pas conscience que ça pouvait être aussi insistant et oppressant. En même temps c’est difficile à imaginer tant qu’on ne l’a pas sous les yeux. » Certains d’entre eux revoient même leurs techniques d’approche dans la rue, de peur d’être comparé aux loosers dont les tentatives désespérées jonchent le blog. « Ils impriment le fait que c’est flippant de se faire aborder comme ça dans la rue. »

    De mauvaises réactions, Anaïs en a reçues aussi. Il y a quelques jours encore, elle reçoit un e-mail de la part d’un individu en colère. Il l’accuse de bouleverser l’ordre mondial en contribuant à la diminution de la population, rien que ça. « Il m’a dit que je puais la mort et que les femmes n’étaient intéressées que par les hommes qui avaient du fric, peu importe la prose. » Mais les messages de soutien sont plus réguliers : « le blog a pas mal été relayé par des asso’ comme Osez le féminisme. »

    Ils n’avaient pas conscience que ça pouvait être aussi insistant et oppressant.

    Féminisme Et si sa démarche n’était pas forcément militante au départ, elle l’est devenue avec le ras-le-bol. Anaïs compte sur l’intelligence des gens pour comprendre que « ces boulets, c’est une minorité parmi les hommes, mais une minorité beaucoup trop visible. » Preuve d’une société machiste dans laquelle « un certain nombre de mecs essaient encore d’asseoir leur supériorité sur la femme », le blog n’a pas fini d’être partagé.

    Il y a un mois, Paye Ta Shnek est aussi devenu un livre. Financé par 222 internautes-donateurs grâce à la plate-forme de crowdfunding KissKissBankBank, le livre a été imprimé à 1000 exemplaires. Dans sa préface, les avocates Leila Hamzaoui et Valence Borgia expliquent que demander une clope à une jeune fille contre « un bisou, un strip-tease, une levrette » est interdit par la loi. « Elles ont démontré que le harcèlement de rue est condamnable mais qu’il n’y a jamais eu de précédent », preuve de la banalisation de ces réflexions. « Les femmes ne pensent même plus à s’en défendre » explique Anaïs. Et de rappeler notamment que « Hé mademoiselle ! T’es tellement bonne, j’ai envie de te lécher le cul ! », constitue un délit d’injure à caractère sexiste. Selon les avocates, l’arsenal juridique n’a jamais été employé dans ce cadre. Pourtant, pour un « Je te vois, ça y est, je vais passer le reste de la journée à me masturber sur toi ! », on peut encourir jusqu’à 2500 euros d’amende.

    bqhidden. C’est une minorité parmi les hommes, mais une minorité beaucoup trop visible.

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