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    31/10/2013

    Des chantiers de Jérusalem aux galeries parisiennes

    A Paris, le photographe palestinien Raed Bawayah organise un salon de la photo

    Par Elsa Bastien

    C'est une histoire sortie d'un film : Tous les matins, le palestinien Raed Bawayah devait rejoindre Israël en clandestin pour y suivre des cours de photos. Aujourd'hui, c'est un professionnel reconnu et il organise un salon de la p

    Raed Bawayah a une bonne crève mais il est tout de même au taquet à la veille de l’ouverture du salon photo qu’il a monté. La quatrième image, c’est un nouveau salon annuel en plein Paris, à l’espace des Blancs Manteaux (Paris 4e). Cette première édition réunit quarante photographes, de 23 pays différents, et doit s’achever le 5 novembre. Les photos de la jeunesse égyptienne de Zaza Bertrand côtoient celles en noir et blanc de Piotr Zbierski, un photographe polonais qui est allé traîner ses guêtres en Europe de l’Est et en Inde. Meri Koutaniemi, finlandaise, a ramené des clichés dérangeants de gays et de travestis malades du Sida au Mexique. « Je me souviens d’avoir un jour montré mes photos un peu naïvement dans des galeries qui m’ont répondu qu’elles voulaient des photos contemporaines », explique Read pour justifier son choix d’avoir ouvert son propre salon. Raed aime la photo « à l’ancienne », type photodocumentaire. Ce dont on se rend vite compte à l’espace des Blancs Manteaux.

    Japonais Sa vocation à lui est née un peu par hasard. A dix ans, le jeune garçon, qui vit avec sa mère et ses huit frères et sœurs en Cisjordanie, commence à travailler. Le vendredi et pendant les vacances, il cueille des fruits dans une exploitation israélienne, puis vend des raisins dans les rues de Jérusalem. C’est en observant les grappes de touristes mitraillant la Ville Sainte que débute sa passion pour la photographie. En 2000, alors ouvrier de chantier de 28 ans, il décide de faire, enfin, ce qui lui plaît. Il lâche tout et se présente à Naggar School, une école d’art israélienne. « Ma mère était très en colère. Elle ne comprenait pas que je quitte mon travail ». Plutôt que de suivre son conseil – « va prendre des photos de mariages ! »- il demande à rencontrer le directeur de l’école de photo.

    Intifada Sauf qu’au moment où il entre à l’école, la seconde Intifada éclate à Jérusalem. Pour un Palestinien, il est devenu impossible de se rendre en Israël. Aussi Raed n’a ni portfolio, ni appareil photo. Avi Sabag, le directeur de l’école, lui donne quand même sa chance :

    « C’était un risque à prendre ensemble. Il n’avait aucune connaissance en photographie ou en histoire de l’art, mais il était très motivé et ambitieux. »

    Il donne un appareil photo à celui qui n’en a jamais touché :

    « Il était le premier Palestinien à étudier dans une école d’art israélienne. A l’époque, j’ai eu envie de le soutenir, dans une période très tendue entre juifs et arabes. »

    Check Point Pour rejoindre Jérusalem de Qatanna, son village natal de presque 8.000 habitants, Raed doit « traverser trois montagnes ». Chaque matin, il quitte la maison familiale à 5 heure, parcourt une dizaine de kilomètres et se cache dans l’aube pour traverser la frontière israélo-palestinienne. L’ex-ouvrier devenu étudiant d’art doit tout de même continuer à travailler pour vivre. Après les cours, il fait des ménages, puis rentre dans son village, louvoyant dans les rues de Jérusalem pour éviter les contrôles.

    Mais un jour, un check-point volant le surprend. Menotté, il est emmené en prison, où il restera deux semaines. Durant son incarcération, il côtoie des travailleurs palestiniens clandestins – lui seul est étudiant. A sa sortie, il réalise l’expo ID 925596611, référence au numéro de sa carte d’identité. La série est exposée à la Galerie Espace d’Art à Tel Aviv, ainsi que dans des centres culturels français en Israël et Palestine.

    Sucess story Un an plus tard, Raed Bawayah réalise une série de photos sur l’hôpital psychiatrique de Bethlehem. Peu après, il postule, et gagne, une bourse de la Cité Internationale des Arts à Paris, où il est reçu en résidence. « Je suis têtu, si je veux quelque chose, je le fais ».

    Les reconnaissances s’égrènent au fil des années : Des commandes de la mairie de Paris, des expositions diverses et nombreuses, et des prix. En 2007, son exposition « Vivre en Palestine » est montrée au festival de photojournalisme « Visa pour l’image » à Perpignan. Deux ans plus tard, c’est pour les « Rencontres d’Arles » que son travail est sélectionné par Agnès de Gouvion Saint Cyr et en 2012, il est lauréat du prix de la photographie de La Fondation des Treilles. Aujourd’hui il vit à Paris et organise son propre salon de la photo. Sa famille et ses chèvres lui manquent, mais il est à l’aise dans sa ville d’adoption.

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