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« L’entreprise est manifestement dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, se trouve en conséquence en état de cessation des paiements »
Criblé de dettes, le patron fait éditer « Minute » par une autre de ses sociétés
Ardoise effacée
La procédure de liquidation judiciaire est donc prononcée en mars dernier, les 6 salariés sont remerciés, et le tribunal nomme un liquidateur judiciaire, dont le rôle est de vendre les actifs de l’entreprise pour, dans la mesure du possible, rembourser les créanciers. Surprise : Malgré la liquidation judiciaire, « Minute » continue à paraître, mais sous la houlette d’une autre société, la SEJMV propriété… du même Jean-Marie Molitor ! Son ardoise auprès des créanciers et de l’Etat effacée, le patron de presse repart au combat tout beau tout propre, c’est presque trop beau et trop facile.
Causeur
« C’est au liquidateur de faire son job et de regarder comment l’actif [le titre du journal, ndlr] a été transféré d’une société à une autre » dirigée par le même gérant, s’interroge un avocat qui a suivi le dossier. Mais, joint par StreetPress, Jean-Marie Molitor s’explique : la marque « Minute » n’appartenait pas à la SACEN, donc il « peut continuer à l’exploiter en propre via une autre société ». A qui appartient la marque ? « A une personne qui veut bien que l’on continue à l’éditer. Mais à vous de trouver ! ». En fait… la marque « Minute » a été déposée en 1999 par Catherine Barnay, une ancienne des Jeunesses patriotiques et sociales de Roger Holeindre, d’ Ordre Nouveau et du PFN et désormais… directrice artistique de la revue « Causeur ». Sauf que la marque, dont l’enregistrement n’a pas été renouvelé, n’est de fait « plus en vigueur », indiquent à StreetPress les services de l’INPI. Si le cabinet de Manuel Valls veut faire interdire « Minute », il ne lui reste plus qu’une chose à faire… déposer la marque !
La marque «Minute» appartenait à la directrice artistique du magazine «Causeur»… mais n’a pas été renouvelée !
Autre surprise : « Minute » continue à être imprimé par la société Roto Presse Numeris, celle-là même à qui il devait plus de 200.000 euros. Sympa, l’imprimeur ! « Il a continué à nous imprimer malgré les pertes, et puis après on s’arrange, nous confie Jean-Marie Molitor. Mais c’est pas une obligation de parler de lui… ». Le cabinet du liquidateur judiciaire, Me Courtoux, n’a pas répondu à nos sollicitations courriels et téléphoniques. Le mystère de l’imprimeur banané qui continue à imprimer restera entier.

Le meilleur des couvs de Minute, à retrouver par ici / Crédits : Impression écran
Voir le jugement du tribunal de commerce en PDF

Derrière le buzz, la crise
Mis en liquidation judiciaire, « Minute » n’a plus la banane depuis plusieurs années. Les années 1960, pendant lesquelles le journal vendait 250.000 exemplaires par semaine sont bien loin. Petit à petit, le titre passe de mains en mains et devient réservé à un lectorat plus restreint de la droite nationale. Déjà en liquidation judiciaire en 1999, « Minute » est racheté par Jean-Marie Molitor en 2002.
Et ni le buzz des Unes sur le « lobby gay au FN » ou la banane de Taubira, ni les annonces du journal qui assure continuer à tirer à « 40.000 exemplaires » ne semblent pouvoir sortir « Minute » de la spirale du déclin. « Ah, ça je ne vous donnerai pas mes chiffres de vente », rétorque à StreetPress Jean-Marie Molitor, qui admet que les ventes de l’hebdo « stagnent » : « c’est linéaire ». Le journal aurait à présent « 3 salariés », mais « le principal coût ce sont les commissions que l’on doit verser à Presstalis [qui distribue les journaux dans les kiosques, ndlr] ». En effet, « plus vous avez [d’exemplaires] invendus, moins vous gagnez ! ». Et « vous savez, les charges d’un journal, c’est aussi les frais de routage, les charges, les taxes, les ceci, les cela… Et puis les procès. »