En ce moment

    22/09/2014

    « Chez lui, ça défile ! Et ça retombe sur les commerçants du quartier »

    Le restaurant corse « La Main d'Or » s'inquiète de l'expulsion de son voisin Dieudonné

    Par Robin D'Angelo

    Depuis 23 ans, le restaurant corse La Main d'Or sert les spectateurs du théâtre voisin. Mais mardi 23 septembre, Dieudonné pourrait bien être expulsé du théâtre. Le patron est inquiet : il risque de perdre une partie de sa clientèle.

    « Hey ! Moi je te dis que tu es dedans ! Avec la belote, tu ne la fais pas ! » Dans l’arrière-salle de la Main d’Or, le ton monte à la table de belote. Autour du patron Hyacinthe, 70 ans, une fine équipe tape le carton. A cette heure-ci de l’après-midi, le restaurant corse est encore vide. Comme chaque jour, un groupe de papys grisonnants joue aux cartes dans une obscure petite pièce, à l’abri des regards.

    « Ça, des coups de fils de gens qui croient appeler chez Dieudonné, on en reçoit 4 par jour ! » s’amuse Hyacinthe, le patron de la Main d’Or, avec son accent corse à couper au couteau. Son restaurant, situé impasse de la Main d’Or (Paris 12e), est voisin du théâtre de Dieudonné, dont il partage le même nom. Et à l’écouter, la cohabitation se passe plutôt bien :

    « Tous les jours, ils viennent nous prendre de la glace pour leur bar. Dieudonné, il ne dérange pas. »

    Corsica nazione

    Ouvert en 1992 par les frères Raffiani, la Main d’Or se vante d’avoir été le premier restaurant corse à Paris. Cabri braisé, desserts au brocciu, charcuterie : côté cuisine, Hyacinthe, aussi maire du petit village de Vivario en Haute-Corse, connaît ses classiques. Dieudonné, lui, s’est installé dans le théâtre voisin en 1999. En 15 ans de vie commune, les Corses ont eu le temps de partager quelques figatelli avec le staff de l’humoriste antisioniste. Plusieurs fois, ils ont même été invités au théâtre. « Mais on n’a jamais eu le temps d’y aller », regrette François – dit « Francé » en VO – employé depuis 15 ans. « Dieudonné, il n’est pas bavard. Il vient une vingtaine de minutes : “Bonjour”, “au revoir” et puis c’est tout. »

    https://backend.streetpress.com/sites/default/files/baniere.jpg

    Le patron Hyacinthe, 70 ans / Crédits : Robin d'Angelo

    Polémiques et CRS

    Depuis plusieurs mois, Dieudo est invisible. Que ce soit au restaurant ou à l’entrée du passage de la Main d’Or. « Avant, on le voyait garer sa moto et passer devant nous. Là, ça fait bien longtemps », témoigne Francé, la quarantaine et natif de l’île de Beauté. Au restaurant la Main d’Or, on explique que l’humoriste se fait discret depuis le mois de janvier 2014. A l’époque, le spectacle Le Mur vient d’être interdit et des camions de CRS bloquent les entrées du passage de la Main d’Or.

    Mais jusqu’ici, les restaurateurs n’avaient jamais déploré le moindre problème. Francé insiste :

    « Attention ! Son public ce n’est pas que des bouges-de-là et des casquettes ! Il y a aussi des BCBG. »

    Avant de livrer son interprétation des ennuis de Dieudonné :

    « C’est depuis que le Crif est allé dîner avec Valls ! Parce que vous savez, sa femme elle est juive, et il parait que c’est elle qui lui a demandé de s’attaquer à lui. »

    L’argent n’a pas d’odeur

    Le 23 septembre prochain, la justice rendra sa décision en appel quant à l’expulsion de Dieudonné, demandée par le propriétaire de son théâtre. En bon petit commerçant, Hyacinthe a un avis bien tranché sur la question :

    « Moi, je préfère qu’il y ait dans le théâtre un garçon qui travaille comme Dieudonné, que quelqu’un qui parte au bout de quelques années comme les autres. »

    C’est que le restaurant de la Main d’Or peut compter sur les retombées économiques des spectacles du compositeur de Shoananas. Les services de 19h et 22h – c’est-à-dire avant chaque one-man-show – accueillent tous les jours des spectateurs. Et les polémiques ne font qu’augmenter le nombre de clients. « Dieudonné a beaucoup plus de spectateurs qu’avant. Chez lui, ça défile ! Et ça retombe sur les commerçants du quartier » décrit Hyacinthe. Francé, d’humeur rigolarde, renchérit :

    « Quand il y avait les manifestations contre Valls, ce sont eux qui ont fait tourner les caisses. Si seulement ils pouvaient faire ça plus souvent ! »

    Avant de citer Patrick Timsit :

    « Comme le dit cet humoriste : 30% de ma clientèle est raciste. Mais je ne vais pas me passer d’eux ! ».

    Le journalisme de qualité coûte cher. Nous avons besoin de vous.

    Nous pensons que l’information doit être accessible à chacun, quel que soient ses moyens. C’est pourquoi StreetPress est et restera gratuit. Mais produire une information de qualité prend du temps et coûte cher. StreetPress, c'est une équipe de 13 journalistes permanents, auxquels s'ajoute plusieurs dizaines de pigistes, photographes et illustrateurs.
    Soutenez StreetPress, faites un don à partir de 1 euro 💪🙏

    Je soutiens StreetPress  
    mode payements

    NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
    ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER