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« Le gouvernement fait preuve d’un deux poids deux mesures quand il s’agit de lutter contre les méchants violents de gauche par rapport aux méchants violents de droite ! »
Dans sa ligne de mire, les « groupes antifas ». Avec 38 autres députés de droite, Yanick Moreau a déposé mercredi dernier une proposition de loi pour « élargir les conditions de dissolution des associations ou groupements de fait tels que les groupes antifas ».
Mais qu’ont fait les quelques centaines de militants antifascistes, pour se manger cette proposition de loi ? Pour le député Jacques Myard (UMP), qui cosigne la proposition de loi, c’est l’affaire Méric et la mort du jeune antifa (qui s’était soldée par la dissolution de 3 mouvements d’extrême droite à l’été 2013) qui pose question.
« La vérité de l’affaire Méric, c’est qu’il y a eu des provocs des deux côtés. Mais le gouvernement n’a interdit que les mouvements extrémistes d’un bord. Alors que de l’autre côté c’est pas mieux. » affirme-t-il.
Team manif pour tous
La proposition de loi anti-antifas est en fait un joli coup de la team « Manif pour tous » à l’Assemblée. « Le gouvernement a été l’auteur de violences à l’égard des manifestants de la Manif pour tous et beaucoup plus indulgent après les événements du Trocadéro », s’agace Yannick Moreau.
Vidéo Yannick Moreau interpelle Manuel Valls
Pour le député qui a défilé dans les rangs de la Manif pour tous, « la volonté de répression du gouvernement est à géométrie variable ».
Mais pourquoi une proposition spécifique pour les groupes antifas ? « C’est à la suite de Nantes », répond Yannick Moreau : en février dernier,une manif contre l’aéroport Notre-Dame-des-Landes vire à la guérilla urbaine entre 300 « black blocks » et les forces de l’ordre. Quelques jours plus tard, au parlement, le député taxe Manuel Valls de laxisme face aux groupes d’extrême gauche. Le ministre de l’Intérieur lui répond dare-dare en pointant du doigt un député UMP, membre de mouvements d’extrême droite pendant ses années étudiantes. Gros boxon sur les bancs de l’Assemblée, les députés UMP refuseront de siéger le lendemain.
Problème, dans la manif de Nantes il n’y avait pas de cortège antifasciste ! Mais les chasseurs de skins s’amusent d’être la cible des députés UMP: « Pour eux, les antifas, c’est pareil que l’ultragauche, les autonomes, les anarchistes ou les blacks blocs… ils comprennent pas », rigole un jeune du Collectif antifasciste Paris Banlieue.
Du côté de l’Action Antifasciste, on reçoit la proposition de loi comme de « l’affichage politique ». « Mais c’est un non-événement, on ne va pas répondre et alimenter le buzz lancé par la droite de l’UMP », répond à StreetPress un militant de 24 ans, qui note que « les groupes d’extrême droite dissous en 2013 ont toujours leurs locaux et leurs sites web ».
Députés antifas
La proposition de loi visant à dissoudre les groupes antifas cible les mouvements « qui portent atteinte à l’intégrité des forces de police » ou qui dégradent des biens privés. Mais si le député Guy Teissier, cosignataire de la proposition de loi, est un ancien para membre des mouvements d’extrême droite, d’autres cosignataires ont aussi appartenu à des groupes qui maniaient le manche de pioche… mais de l’autre côté.
Car avant d’atterrir à l’Assemblée, le mouvement pour la dissolution des groupes antifas est apparu dans l’extrême droite dure, et notamment dans les rangs des catholiques intégristes de l’Agrif à l’automne dernier. Drôle, c’est cette même mouvance qui a outé le député Meyer Habib (lui aussi cosignataire de la proposition de loi), en racontant comment en 1988 il avait participé à l’attaque du défilé nationaliste et royaliste en hommage à Jeanne d’Arc. Les gros bras du Bétar, dont il faisait partie, avaient attaqué la manif d’extrême droite à coups de manches de pioches, d’étoiles ninja et de poings américains. Blessant au passage 2 fonctionnaires de police dans la bagarre.