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    21/05/2015

    Plus fort que les investisseurs azéris

    Au Royaume-Uni, les coopératives de supporters ont sauvé le foot semi-pro

    Par Barré

    Pendant que les fans du FC Nantes ou de Saint-Étienne rêvent d’un plan « socios », 31 équipes évoluant dans les divisions britanniques sont détenues par leurs supporters. Et en plus ça marche, racontent nos partenaires du magazine Barré.

    « On crie que nous sommes à chier, mais ce sont nous les propriétaires ! » Dans son édition de décembre 2014, le mensuel anglais de référence Four Four Two (FFT) consacrait un dossier sur Exeter City, club de D4 anglaise détenu par ses fans depuis onze ans, faisant des Grecians la première équipe professionnelle du pays à adopter cet actionnariat.

    A l’époque, l’historique premier adversaire de la Seleçao lors d’une tournée en Amérique du Sud en 1914, est en ruine. Pourtant, le board (la direction) a tout tenté, même de nommer comme directeur Uri Geller, illusionniste et surtout charlatan en tout genre (télépathie, pouvoir mystique, illumination). Ce dernier, ami de Michael Jackson, a une idée : faire venir le King de la Pop à St James Park, l’antre d’Exeter, dans le sud-ouest de l’Angleterre.

    Le 14 juin 2002, près de 10.000 personnes se massent pour voir Michael Jackson parader avec un maillot du club, devenir membre du board et prononcer un discours sur l’amour :

    « Hello to you wonderful people of Exeter ! […] Maintenant, dites à la personne à côté de vous que vous vous inquiétez pour elle. Dites-lui que vous l’aimez. C’est ça qui fera la différence. Ensemble, nous pouvons changer le monde. »

    Heureusement les fans tiennent la baraque

    Hélas, ça ne changera rien du tout aux affres des rouge et blanc, descendus en Conference (D5) et sauvés d’une faillite par le « Exeter City Supporters Trust ». Son fonctionnement est simple, comme l’explique à FFT Laurence Overend, le président du groupe depuis 2012 :

    « Nous sommes une démocratie. Les fans ont le droit de vote. Chaque membre peut devenir président. Les membres du trust payent juste £2 par mois. Nous n’avons pas augmenté la cotisation car nous ne voulons exclure personne. Nous nous rappelons des activités criminelles des précédents propriétaires. »

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    Fergus Gillies, responsable du club shop de Brechin City en Ecosse / Crédits : Barré

    Aujourd’hui en D4, Exeter est toutefois plombé par des finances rachitiques, souffrant même d’un embargo en matière de transferts cet été. « Le board de ce club est putain d’inutile », tranche un « diehard » fan comme le magazine l’appelle, Chris Holmes. En mettant l’accent sur la formation et le beau jeu avec Paul Tisdale comme manager depuis juin 2006, les Grecians ne font pas rêver mais survivent dans les affres des divisions inférieures et professionnelles anglaises. Et pas question pour les fans de hurler sur le prix des places ou les abonnements puisque ce sont eux qui décident de ces questions. Pour applaudir les exploits du bon vieux Matt Oakley (37 ans), ancien international espoir des Three Lions passionné par les… piranhas, il vous en coûtera pour un adulte de £17 à £25, soit 22 à 30 euros environ ! Rassurez-vous, cette politique tarifaire est dans la moyenne des billets en D4 anglaise, une division de 24 équipes complétement professionnelles dont les rencontres, diffusées nationalement à la télé, attirent des milliers de spectateurs chaque week-end. Exeter a d’ailleurs la treizième affluence de la saison avec 3.738 personnes en moyenne. Loin des 15.185 de Portsmouth, sans doute le club le plus célèbre à appartenir à ses fans.

    Un modèle qui fait école

    Aujourd’hui, 31 équipes évoluant en Angleterre [2] sont détenues par leurs fans. Parmi elles, quatre évoluent en League Two (D4) et sont donc complétement pros : Portsmouth, Wycombe, Exeter et l’AFC Wimbledon. Une autre formation est quasiment professionnelle, Chester FC (D5), renaissance de feu Chester City. Cette mouvance, la plus commune parmi les clubs possédés par les fans, est appelée en Angleterre « phoenix club ». Parmi eux, l’AFC Wimbledon est le plus célèbre. En 2002, ses amoureux s’étaient mobilisés pour recréer leur équipe surnommée les Dons, suite à sa délocalisation dans la ville nouvelle de Milton Keynes (à plus d’une heure et demie de Wimbledon, dans l’ouest de Londres). Adieu Wimbledon qui allait devenir le MK Dons et bienvenue à l’AFC Wimbledon qui repartait en D9 ! Pour leur premier match amical à l’époque, 4.657 spectateurs étaient présents ! La ferveur ne s’est pas évaporée et les « vrais Dons » ont depuis retrouvé leur statut professionnel, se maintenant aisément en D4 l’an passé avec une moyenne de 4.135 spectateurs malgré la concurrence des autres clubs londoniens.

    Séduits par ce succès et inspirés par les millions de dette effacés par les fans de Portsmouth, permettant à leur club de survivre à une mort certaine, de nombreux fans à travers le pays ont voulu embrasser ce destin. Surtout que depuis l’émergence de la Premier League mondialisée (1992), les droits TV ont augmenté et une véritable bulle spéculative a secoué le football anglais, attirant des badauds mal intentionnés et une course à l’armement dangereuse pour des petites équipes.

    Suite à la crise financière et à la faillite du diffuseur irlandais Setanta (qui a surtout touché les clubs écossais et de D5 anglaise), de nombreux clubs ont périclité dans les divisions inférieures. Qu’ils s’agissent d’une équipe professionnelle historique comme Darlington, reprise par les fans sous le nom de Darlington 1883 et qui assure 999 spectateurs en moyenne en D8, ou d’escouades semi-professionnelles comme Fisher Athletic, devenu Fisher FC (D9).

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    Les guichets de Motherwell, Ecosse / Crédits : Barré

    L’Angleterre, le pays du football

    Pour parvenir à une telle réussite, il faut bien comprendre le gouffre qui sépare le Royaume-Uni de ses voisins européens en matière de football. Si l’Allemagne, voire l’Espagne, suscite l’adhésion de milliers de fans jusqu’en D3 ou D4, les cas restent moins communs qu’en Angleterre où le football est semi-professionnel jusqu’en D9. Un club comme Maidstone en D7, par exemple, assure 1.743 spectateurs en moyenne avec un billet à £10 pour les adultes.

    Bien entendu, les Stones du Kent restent une exception, mais pas moins de 12 clubs sur 22 de Conference South (D6) réunissent plus de 500 personnes à chaque match. Vous pouvez acheter avant chaque rencontre un programme de match (environ £2 à ce niveau), avec des interviews du manager, du capitaine et d’un joueur, ainsi que des informations sur l’adversaire. Le merchandising des clubs marche également à ce niveau, du traditionnel maillot à divers goodies ou livres.

    Cowdenbeath, club semi-professionnel de D2 écossaise ayant longtemps végété en D3 et D4, a d’ailleurs été connu dans tout le Royaume-Uni grâce à un de ses fans, Ron Ferguson, qui a écrit Black Diamonds & The Blue Brazil ainsi que Helicopter Dreams, la quête du Saint Graal. Le Graal en question étant un titre de D4 amené par hélicoptère et remis par Gordon Brown, l’ancien Premier Ministre et amoureux de ce club épique jouant à Central Park, un stade entouré par une piste de stock-car !

    Pour lire la suite de l’article, c’est dans le premier numéro de Barré que ça se passe

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