En ce moment

    28/12/2010

    Malgré la grande précarité des Roms, la presse indienne s'en prend à Sarko

    La galère des Roms, de New Delhi à Paris

    Par Willy Pierre

    Chassés de France au 21e siècle, Les Roms auraient pourtant commencé à peupler l'Europe dès le 12ème siècle. Reportage sur un peuple au passé millénaire qui trouverait ses racines en Inde avec Willy et Aakash pour StreetPress et Upinde TV.

    Dans les méandres des quartiers de la capitale indienne, on en croise partout. Tous revêtent cet air innocent. Et ils en jouent aussi facilement qu’ils prennent un air grave, certainement pour mieux vous soutirer le sou. Certainement aussi, parce qu’ils vivent dans une misère folle.

    Pauvre à tout faire

    Les Roms d’Inde, appelés ici gypsies, peuplent les quartiers les plus pauvres et reculés de Delhi, insalubres, sans eau potable ni électricité. Au beau milieu de la circulation, les enfants accostent les grosses voitures, tapant à la fenêtre, pour réclamer l’aumône en échange d’un petit spectacle de rue improvisé. Des très jeunes demoiselles, qui semblent débarrassées de toute ossature, se livrent à des numéros de contorsionnistes, pendant que de jeunes musiciens, qui se dessinent une moustache pour faire sourire les « vieux », jouent de la guitare en vous souriant…

    En partenariat avec Upinde TV
    Plus d’informations sur le site du projet Upinde

    A Delhi, au milieu des 22 millions d’habitants, la précarité des gypsies est extrême. On les voit dormir sous des taules, dans des tentes précaires dressées avec des matériaux récupérés dans des poubelles, ou dans le plus petit apparat, à même le sol. Leurs conditions sont très difficiles, et dans cette misère extrême, ils semblent être les plus touchés des « intouchables ».

    « Quand on a plus de travail, on change d’endroit »

    Pappu Singh est ferronnier à Delhi. Originaire du Rajasthan, il est fataliste quand au sort de sa communauté. « Les Gypsies vivront comme des Gypsies jusqu’à leur mort. Il n’y a aucune chance d’évoluer. Mon grand-père était gypsie, mon père l’était, je le suis et mes enfants le seront aussi » explique-t-il, las. Pour Pappu, être un gypsie est avant tout un mode de vie : « Je change de travail peut-être 10 fois dans l’année, et autant de fois de villes. Quand on a plus de travail, on change d’endroit. »

    Quand on parle de la situation des Roms, gypsies, gitans ou gens du voyage en Europe à Pappu, il semble dubitatif. Pour lui, le problème de ces peuples aux origines souvent liées est le même partout : « Où qu’on se rende, on a du mal à se loger, à se nourrir et à travailler. Et je suis sûr que les gypsies d’Europe font les mêmes choses que nous pour gagner de l’argent, et qu’ils sont au plus bas de la société. » Malgré tout, Pappu trouve encore la force de nous esquisser un large sourire avant de conclure : « Vous savez, j’ai vu beaucoup de pays, et je m’estime tout de même heureux d’être un gypsie.»

    Des métiers impurs

    C’est au Nord-Est de l’Inde, dans le Pendjab, que ce peuple nomade semble trouver son origine. Les Gypsies y auraient longtemps exercé des métiers considérés comme impurs, mais nécessaires à la société : bouchers, équarrisseurs, tanneurs, bûcherons, fossoyeurs, éboueurs, chiffonniers, ferronniers ou encore saltimbanques. Appréciés pour leur culture musicale, ils auraient finalement quitté le pays autour de l’an 1000. Une sorte d’immense troupe de comédiens (qui pourrait être comparée à une troupe de cirque telle qu’on la connaît), musiciens et autres artistes originaires du Nord de l’Inde auraient été offerts au Roi de Perse pour le divertir.

    Trois questions à Ravindra Nath, Rom originaire des plaines du Nord de l’Inde

    Comment survivez-vous à Delhi ?

    J’ai 4 enfants, et nous vivons depuis bientôt 5 ans à Delhi. Nous collectons des sacs en plastiques, des emballages, des bouts de ferraille, etc. Tous ce qu’on trouve dans les poubelles et qu’on peut vendre pour nous nourrir. Mais il arrive qu’on ne trouve rien, et qu’on passe des jours sans rien manger !

    Mais ceci n’est que l’un des nombreux mythes qui entoure l’histoire de ce peuple de nomades. Des légendes qui fascinent, et un mystère que bon nombre de gypsies semblent vouloir conserver. Cependant, dès le XVème siècle, Manouches, Bohémiens, Gitans, Tsiganes, Romanichels, et autres Sintis seront chassés partout en Europe. Longtemps protégés par l’Eglise, ils seront finalement pointés du doigt, accusés de tous les maux, emprisonnés expulsés ou envoyés en galère, car leur nomadisme et leur aspect marginal, inquiète.

    Pour Nicolas Sarkozy, « tous les chemins mènent aux Roms »

    En Inde, la presse n’aura cessé de pointer du doigt la décision du Président français. Elle aura saisi cette occasion pour rappeler aussi qu’on «déplace cette population «sans se soucier de leur sort», y compris à Delhi, «alors qu’on s’apprête à accueillir les jeux du Commonwealth», comme le déclare le mensuel The Caravan. The Hindu aura apprécié la fermeté de l’Union européenne. Selon le journal, cela peut-être vu comme un signe «d’intégration de ces citoyens européens plutôt qu’à leur stigmatisation».

    Comparé à la « déportation des juifs » par The Caravan, le mensuel indien dit même avoir compris clairement la volonté de Sarkozy : «rallier les votes de l’extrême droite, car il ne pourra pas être réélu sans leur soutien». Selon le même journal, la politique de la France à l’égard des Roms a « toujours été un échec ». Un échec, qui, selon le mensuel
    , remonte aux années 1990 : « les municipalités françaises ont échoué à mettre à disposition des Roms des infrastructures équipées de toilettes et d’eau courante ». Cela expliquerait donc leurs conditions de vie «déplorables», et aussi, leur «impossible sédentarisation».

    12 millions, ici et nulle part

    Une population exempte de la vie sédentaire, dans des sociétés modernes bien rangées… Un peuple fragile, tant il s’expose à la misère, à la marginalisation, tant il évolue peu. Et pourtant les derniers recensements auraient montré qu’ils ne sont que 2% à être encore nomades en Europe… Les Gitans et autres Roms seraient donc partout et nulle part à la fois… Souhaitons un meilleur sort à la « plus grande minorité du monde » (quelques 12 millions!), que celui de faire simplement l’objet d’une stèle, d’ici quelques années, au Musée du Quai Branly…

    Est-ce que cette situation est la même pour tous les Roms en Inde ?

    Oui, tous les Roms sont très pauvres. Mais certains sont fiers d’être des Roms. Pourtant, on nous traite comme des insectes, pas comme des humains. Au bout d’un certain temps, tu vas commencer à vraiment croire que tu es un insecte. On ne peut rien s’acheter, on porte les mêmes vêtements toute la semaine.

    Quel regard les gens portent-ils sur vous ?

    Si tu ne te trouves pas vite du travail, tu peux avoir des problèmes, surtout avec la police. Moi, je n’ai pas réussi à trouver un travail alors que c’est pour ça que je suis venu à Delhi. J’ai vu que des gens ramassaient un tas de choses dans les poubelles que l’on pouvait vendre ensuite. Alors je n’ai pas eu le choix, et je me suis mis à faire pareil. Et j’ai dis à ma famille, si tu veux vivre, tu dois faire ça.

    Quels sont les autres moyens qu’utilisent les Roms pour faire de l’argent ?

    Nous utilisons nos savoirs-faire ancestraux pour faire des statuettes, de l’artisanat, de la ferronnerie. Et on vend ça aux touristes. D’autres font de la musique, les enfants font des spectacles dans la rue et demandent de l’argent aux passants. On utilise les talents qu’on a, on fait le maximum pour vivre et nourrir nos familles.

    Le journalisme de qualité coûte cher. Nous avons besoin de vous.

    Nous pensons que l’information doit être accessible à chacun, quel que soient ses moyens. C’est pourquoi StreetPress est et restera gratuit. Mais produire une information de qualité prend du temps et coûte cher. StreetPress, c'est une équipe de 13 journalistes permanents, auxquels s'ajoute plusieurs dizaines de pigistes, photographes et illustrateurs.
    Soutenez StreetPress, faites un don à partir de 1 euro 💪🙏

    Je soutiens StreetPress  
    mode payements

    NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
    ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER