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    03/07/2015

    A Hellinikon, 250 volontaires bossent gratos

    Dans les cliniques sociales grecques, open médocs et médecins bénévoles

    Par Marie Astier , Simon Geneste

    En Grèce, quand on perd son boulot, on perd aussi sa Sécu. Pour faire face à la crise humanitaire, des cliniques sociales se sont créées à travers tout le pays. On est allé faire un tour à celle d'Hellinikon à côté d'Athènes.

    Hellinikon, près d’Athènes – Le petit bâtiment, de plain-pied, paraît à peine plus solide qu’un préfabriqué. Pourtant une fois la porte d’entrée franchie, on se croirait dans n’importe quel centre médical. Sauf qu’ici les soins sont gratuits.

    Ça arrange bien Mariana. La petite brune à la peau claire vient de se trouver un petit boulot, mais son patron ne paye pas l’assurance maladie. Une pratique illégale, mais courante. « Je dois faire vacciner mes deux enfants », explique-t-elle d’une voix timide. Elle vient pour la première fois et s’excuse presque d’être là. Près d’elle, au mur, une affichette informe les patients des règles de fonctionnement de la clinique.

    « Notre devise : on ne laissera personne seul face à la crise ».

    Et aussi : les soins sont ouverts « aux chômeurs et aux personnes pauvres sans couverture sociale ou ayant un revenu très bas ».

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    Une clinique qui ressemble à une cabane / Crédits : Marie Astier

    « Même dans le plus cher des hôpitaux, je ne serais pas aussi bien traitée »

    Georgia, elle, vient chercher des médicaments pour le cœur de son mari. Son épicerie a fait faillite, faute de clients. Désormais, le couple vit avec la retraite de Georgia : 560 euros par mois, dont 240 euros partent en loyer. « La première fois que je suis venue ici, tout était parfait, se rappelle-t-elle. Tout le monde était tellement gentil, efficace. Même dans le plus cher des hôpitaux, je ne serais pas aussi bien traitée. » Ça lui a donné envie de participer. Tous les mardis soir, elle vient faire le ménage : « Cela me donne de l’espoir, les gens s’entraident. »

    « Les Grecs hésitent à venir dans une clinique sociale, ils ont honte. Puis quand ils arrivent ils sont surpris. Ils n’attendent pas des heures… et ils sont bien soignés », commente le docteur Maria Menenakou. L’un des fondateurs du département dentaire de la clinique précise : « Nous avons toutes les spécialités : pédiatres, orthodontistes, chirurgiens-dentistes, etc. ». Et pour ce qui est de sa spé, les malades arrivent souvent en sale état :

    « Même la Sécu ne couvre pas les frais dentaires. Les gens ne vont chez le dentiste qu’en cas d’extrême urgence et choisissent le traitement le moins cher : se faire retirer la dent. »

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    A Hellinikon, 250 bénévoles se bougent pour faire tourner la clinique / Crédits : Marie Astier

    La clinique traite aussi beaucoup de maladies chroniques : « Les gens viennent quand ils sont obligés de prendre des médicaments mais ne peuvent plus les payer, comme les diabétiques ». Elle voit aussi défiler beaucoup d’enfants, surtout de migrants.

    Autogestion

    En tout, 250 bénévoles font tourner la boutique. Parmi eux 115 médecins, thérapeutes, dentistes ou pharmaciens. En 3 ans, 35.000 consultations ont eu lieu dans ces murs.

    Le papa de la clinique, c’est Giorgos Vichas. Au printemps 2011, ce cardiologue repère le bâtiment et appelle le maire de la commune qui lui donne rendez-vous le lendemain. « Mais j’étais tout seul ! », raconte-t-il. Qu’à cela ne tienne, il rassemble un collectif de médecins qui décident de porter le projet avec lui. « Finalement on était une dizaine, on a eu l’air sérieux et il nous a laissé le bâtiment. » Après des premières semaines à observer la salle d’attente vide, les patients se pointent.

    « Trois mois plus tard, les gens ont commencé à arriver, puis ça n’a jamais désempli. »

    Depuis,la structure n’est liée à aucune ONG et ne reçoit aucun argent de l’État. Elle est complétement autogérée. Chaque mois, une assemblée réunit tous les bénévoles pour décider en commun des conditions d’admission, des besoins ou des problèmes de gestion. Seule source de revenus de la clinique : un grand vide grenier organisé 2 fois par ans qui sert à payer, en gros, le papier et les crayons. Comme 39 autres cliniques grecques, Hellinikon ne tourne que grâce aux dons.

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    Grâce aux dons, la pharmacie de la clinique d'Hellinikon est bien pleine / Crédits : Marie Astier

    Les medocs aussi sont gratos

    C’est Christos Sideris, responsable du service communication, qui se charge de la visite. Dans chaque salle de consultation, un petit bureau impersonnel et du matériel médical. La salle de cardiologie « a été équipée par des donateurs d’Hambourg, en Allemagne. » Le cabinet dentaire, « par un dentiste qui partait à la retraite ». Celui de gynécologie « permet de suivre les grossesses jusqu’au quatrième mois », se félicite le bénévole.

    Les couloirs sont encombrés d’étagères : lait infantile, couches, antiseptiques. Dans un recoin, Christos pousse une petite porte. Elle s’ouvre sur la plus grande pièce de la clinique : la pharmacie. Les petites boîtes colorées empilées sur des étagères qui vont du sol au plafond classées par ordre alphabétique. « Tout vient de dons, assure-t-il. Notre site internet indique nos besoins. » Dans un coin, il désigne un tas de sacs remplis de médicaments. Il poursuit : « On va les trier, puis on écrit en grosses lettres les dates d’expiration. Chez nous, on fait en sorte que rien ne périme. » Tout en haut des étagères, les médicaments « en trop » sont stockés. « On les donne à d’autres cliniques, explique Christos. Il nous est même arrivé de donner des médicaments anti-cancer à l’hôpital public ! »

    Parce qu’à Hellinikon, on traite aussi les patients atteints de cancer : la clinique en a déjà pris en charge environ 200. Oncologue à la retraite, Katerina Papagkika s’occupe d’eux. Les médicaments, qui peuvent coûter plusieurs milliers d’euros, leur sont fournis gratuitement. Pour le reste, elle a conclu un partenariat avec un hôpital public d’Athènes. « Les médecins et les infirmières acceptent de faire les chimios ou les opérations bénévolement après leurs heures de service », détaille-t-elle. Le système est le même pour toutes les maladies et opérations qui ne peuvent pas être prises en charge à Hellinikon.

    Pas une alternative au service public

    Soigner gratuitement n’est pas le seul acte de résistance de la clinique. Le bâtiment se situe sur une ex-base militaire américaine et jouxte l’ancien aéroport d’Athènes. Un immense terrain qui va être vendu par l’État grec à des promoteurs immobiliers. Avant la crise, il devait accueillir un grand parc métropolitain. Désormais, les promoteurs veulent y construire hôtels et marina de luxe réservés aux riches touristes. « Nous nous battons à la fois contre la destruction du système de santé public et contre la vente des biens de la Grèce au plus offrant », affirme Giorgos Vichas, le fondateur de la clinique.

    Mais attention, pas question pour la clinique de se poser en alternative au public. « En Europe, on est en train de détruire les systèmes de santé publics, dénonce l’oncologue Katerina Papagkika. Nous pensons au contraire qu’on en a besoin. Cette clinique née de la crise pour ne pas laisser les gens mourir. » L’élection du parti de gauche radicale Syriza fin janvier lui donne espoir car « ils prévoient de réorganiser le système de santé. » Les médecins l’affirment en cœur : « Le jour où l’on n’aura plus de patients à Hellinikon, ce sera fantastique. »

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