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    09/09/2015

    Mehrnoush Aliaghaei redécouvre Téhéran après 16 ans d'exil

    Une cinéaste iranienne raconte son retour au pays

    Par Aurite Kouts

    Après avoir vécu entre la France et les Etats-Unis, la cinéaste Mehrnoush Aliaghaei retourne s’installer en Iran. Vêtements proches du corps, couples main dans la main et dealer, elle nous raconte les changements de Téhéran.

    Juin 2015 – Mehrnoush Aliaghaei pose ses valises en Iran. Un retour pour la cinéaste qui est née et a grandi à Téhéran, avec ses 2 frères et des parents professeurs. A 18 piges toute la famille prend l’avion, direction New York.

    « Après le lycée en 1999 j’ai quitté le pays avec ma famille pour aller vivre aux Etats Unis. Mes parents avaient fait leurs études là-bas et ont toujours voulu quitter le pays après la révolution et la guerre Iran-Irak. Ils ont eu beaucoup de mal à obtenir un visa mais ils voulaient absolument qu’on ait un meilleur futur en dehors du pays. »

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    En juin 2015, alors que son film, “Sheherazade“, vient de remporter le prix du meilleur court métrage américain au “Champs Elysées Film Festival“ à Paris, Mehrnoush a fait le choix de revenir vivre à Téhéran et d’y tourner son premier long métrage.
    En 16 ans, la ville a changé. « Le coût de la vie a beaucoup augmenté. Ici, les loyers sont presque aussi chers qu’à New York ! » Et le pays semble s’ouvrir :

    « Toute une culture autour du café s’est développée. C’est un peu comme à Brooklyn. »

    Les jeunes femmes de Téhéran

    « La différence la plus criante pour moi, entre 1999 et aujourd’hui, c’est la façon dont s’habillent les jeunes femmes à Téhéran.

    Il y a seize ans, on ne pouvait rien montrer. Les manteaux étaient fermés et les manches longues. Porter des habits près du corps ou des sandales était interdit. C’était très strict. Quand j’allais à l’école on ne pouvait même pas mettre des chaussettes blanches, il faillait porter des chaussettes noires, pas de couleur.

    Maintenant, les filles s’habillent de plus en plus librement, avec des couleurs, des habits très proches du corps, des collants ou des sandales. J’en vois même qui se baladent avec des bracelets sur leurs chevilles. Et leur manteau n’est pas complètement fermé… Il arrive même qu’elles laissent leur foulard retomber sur leurs épaules. (Par exemple, elles sont assises dans un café ou en même en train de conduire et si leur foulard tombe, elles ne vont pas le remettre comme il faut toute suite, elles vont attendre quelques minutes). On ne pouvait jamais voir ce genre de scènes il y a 16 ans. Dans les jours qui ont suivi la signature de l’accord sur le nucléaire, j’ai même pu voir des femmes sans leur foulard !

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    Avec son film “Sheherazade", la cinéaste a remporté le prix du meilleur court métrage américain au “Champs Elysées Film Festival“ / Crédits : Champs Elysées film festival

    Mais malgré tout, il faut rester prudent, il y a encore des patrouilles qui vérifient la façon dont tu t’habilles. Un jour, j’étais en train de marcher vers une place et je portais des habits assez proches du corps, des vêtements que je pouvais porter aux Etats-Unis. Une jeune fille est venue vers moi et m’a dit de prendre une petite rue au lieu de passer par la place car une voiture patrouillait un peu plus loin…. »

    La nouvelle jeunesse iranienne

    « Il y a une plus grande tolérance envers la jeunesse. Des jeunes couples habitent ensemble ce qui était impossible quand j’ai quitté l’Iran. Ces mêmes couples marchent ensemble dans la rue, main dans la main, et s’affichent même dans des soirées. Il y a 16 ans, un jeune homme et une jeune femme pouvaient se faire arrêter juste parce qu’ils étaient ensemble dans la même voiture ! Par contre, il est toujours interdit de s’embrasser en public.

    Les jeunes utilisent beaucoup les réseaux sociaux et arrivent facilement à contourner le blocage du gouvernement. Ils téléchargent beaucoup de séries. Games of Thrones est la plus populaire en ce moment. Fans certains magasins, on peut aussi trouver des versions pirates en DVD.

    J’ai l’impression que les jeunes iraniens qui vivent ici veulent partir. Alors que des iraniens de la diaspora ou qui ont vécu à l’étranger, comme moi, veulent y retourner… ils pensent qu’il y a plus d’opportunités maintenant. »

    Substances illicites plus faciles à obtenir

    « L’alcool est interdit mais on peut s’en procurer de manière illégale. Ce n’était pas aussi généralisé à lon époque. Il y a aussi du vin produit localement. La bière, par contre, reste très chère.

    Ce qui a beaucoup changé, c’est l’utilisation de drogues dures comme le crystal meth. Il y a des parcs ou des passages près des autoroutes où des dealers viennent vendre de la drogue aux yeux de tous… Et le gouvernement ne semble pas trop s’en préoccuper. »

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