En ce moment

    24/03/2016

    Règlement de compte au Gud

    Le fondateur de « Babtou solide » se filme pendant qu’il passe à tabac un ex-camarade

    Par Mathieu Molard

    StreetPress vous en parlait : la marque de fringues Babtou Solide Certifié fait un carton à l’extrême droite. Aujourd'hui on apprend que son boss Loïk Le Priol est impliqué dans l'agression et l’humiliation collective d’un ex-camarade. Récit et vidéo.

    Le 8 octobre 2015, 5 hommes font irruptions au domicile d’Edouard Klein, ancien leader du GUD, l’un des principaux mouvements étudiants d’extrême droite. Pendant plusieurs dizaines de minutes le groupe va faire vivre un véritable calvaire à Edouard Klein : insultes, passage à tabac et humiliations. Il finira à l’hôpital.

    Trois des membres de ce petit commando ont été identifiés. StreetPress vous en parlait, Loïk Le Priol, le fondateur de la marque de fringues « Babtou solide certifié » figure parmi les agresseurs. A ses côtés Logan Djian et Kleber Vidal, également membres du GUD.

    Cette agression avait déjà été révélée par Marianne en octobre 2015. Mais s’il est aujourd’hui possible de raconter assez précisément le déroulé des événements, c’est grâce à 9 vidéos tournées par les agresseurs, dont Mediapart publie des extraits. StreetPress a pu visionner en intégralité ces 8 minutes d’image.

    Les faits

    Il est un peu plus d’1 heure du matin, le 9 octobre, quand la petite bande arrive au domicile d’Edouard Klein. Sur les images, on le voit avachi dans son canapé, visiblement éméché. L’ex-gudard n’en mène pas large. Première claque balancée par Logan, ce n’est qu’un avant-goût. Nouvelle claque. Le choc est violent : Klein tombe du canapé.

    « Lève-toi », lance ensuite à plusieurs reprises Loïk Le Priol avant d’ajouter :

    « C’est toi l’idole du fascisme ? C’est toi le patron du GUD ? Mais t’es personne, regarde toi ! T’es personne, t’es qu’une merde ! »

    Logan Djian :

    « Dernière chance de te lever ou bien on te fout à poil ! »

    Les injonctions à se déshabiller se poursuivent et Loïk Le Priol chuchote à Logan : « Et on le sodomisera à la fin ! » Avant de partir dans un éclat de rire. Logan tente d’arracher les vêtements de Klein, désormais au sol. Le Priol semble surexcité. Il hurle. « Enlève ton pull pédé ! » Toujours caméra à la main, il lui marche sur le visage. Des images que Mediapart a choisi de ne pas diffuser.

    Humiliations

    Les agresseurs entraînent la victime dans sa chambre. La lumière est éteinte, on ne distingue que des silhouettes mais on entend le son. Des insultes, des bruits de coups aussi. Klein les supplie de s’arrêter. Rien n’y fera. Loïk Le Priol se déchaine :

    « Magne ta chatte putain, t’attends quoi pour te foutre à poil, dépêche-toi ! [bruit de coup] (…)Tu te dépêches ou on te pend avec [son foulard, ndlr.] »

    Sur la vidéo suivante, retour dans le salon. Klein, nu comme un ver, est à genou. Son visage et une partie du parquet sont maculés de sang. Pour s’assurer du silence de la victime, Logan menace de faire circuler la vidéo. Nouveau coup de pied au visage, venu d’on ne sait où. Le Priol sort ensuite un couteau qu’il place sur la gorge de Klein. Terrorisé, il l’implore de s’arrêter.

    (img) Le calvaire de Klein – doc Mediapart sang.jpg

    Dernière vidéo. Klein, toujours nu, est allongé sur le sol. Ses tortionnaires le forcent à se lever. Commentaires scabreux et menaces fusent encore. En fond sonore, on entend la Macarena. Klein est contraint à danser. Dernière phrase :

    « Tu bouges bien en plus, comme une petite salope, comme tu es en fait. »

    Qui sont les agresseurs ?

    Derrière la caméra ce 9 octobre, l’ex-militaire Loïk Le Priol. Dans la vidéo, il se vante d’avoir « buté plus d’un mec là-bas ». StreetPress l’avait rencontré tout début mars en compagnie de sa copine Louise. Ensemble ils ont fondé la nouvelle marque de fringue à la mode à l’extrême droite, Babtou Solide Certifié. A l’époque il nous affirmait ne pas faire partie du GUD.

    https://backend.streetpress.com/sites/default/files/baptousolide.jpg

    David et Gaël de Calais. Julien Rochedy, l'ex-FNJ. Et le général Piquemal. /

    Ce 9 octobre, un autre « Babtou solide certifié » également membre du mouvement étudiant d’extrême droite, est présent dans l’appartement d’Edouard Klein : Kleber Vidal. Sur Facebook et Instagram, le barbu bodybuildé, joue l’homme sandwich pour la marque de fringue et précise qu’on peut le contacter pour passer commande. Mediapart précise qu’aucune image ne le montre portant des coups.

    Chez les Vidal, l’engagement à l’extrême droite radicale est une affaire de famille. Kleber et son frère Hugo auraient grenouillé dans l’entourage de pas mal de groupuscules radicaux comme le Renouveau Français et l’Action Française. Leur père, Marc Vidal, n’est pas en reste : il serait passé par le Grece et tient aujourd’hui la librairie « Les oies sauvages », à Pontault-Combault (77). Au catalogue, on trouve le gratin des auteurs antisémites : le collaborationniste Henry Coston, le dignitaire nazi Hermann Goering…

    https://backend.streetpress.com/sites/default/files/bandeaubabtou.jpg

    Le Priol en compagnie de Logan Djian puis de Kleber Vidal. Ce dernier fait l'homme-sandwich pour la marque Babtou solide. / Crédits : FB et Instagram

    Le troisième larron impliqué dans ce passage à tabac, présenté par Le Priol comme « le patron de nous tous ici », est Logan Djian. Le jeune homme, au bras tatoué aux couleurs de la division SS Charlemagne, est passé par l’Oeuvre Française et les Jeunesses Nationalistes avant de prendre la tête du GUD à la suite d’Edouard Klein. Il est aussi mis en examen pour violence aggravée à l’encontre de Caroline Fourest et des Femen à l’occasion d’une manif organisée par Civitas, un groupuscule catholique d’extrême droite. Il est par ailleurs le gérant du Crabe Tambour, le bar à la mode chez les « gentlemen fascistes ».

    Difficile de savoir pourquoi la petite bande s’est rendue au domicile de Klein pour ce qui s’apparente à une expédition punitive. Dans la vidéo ils l’accusent d’avoir « trop parlé » et d’être « venu vers les flics comme une merde », sans qu’aucun élément factuel n’accrédite cette thèse.

    Les bonnes fées du GUD

    Comme Marianne l’a révélé, Loïk Le Priol et Logan Djian, ont été mis en examen et placés en détention provisoire, suite à une plainte déposée par Edouard Klein. Après 10 jours de détention provisoire, les deux militants sont remis en liberté contre le versement d’une caution de 25.000 euros chacun.

    (img) Loustau, élu FN – via Mediapart loustau.jpg

    D’après Mediapart, les enquêteurs s’interrogent sur la provenance de l’argent qui a permis la libération de Logan Djian. Car juste au moment opportun, la compagne de ce dernier aurait reçu un versement de 25.000 euros émanant de la Financière Agos, anciennement baptisée Financière SOGAX. Une société fondée par Axel Loustau, conseiller régional FN, acteur majeur du « GUD business ». Loustau n’apparait plus dans les statuts de cette société et contacté par Mediapart, il affirme n’avoir « strictement rien à voir avec ça ».

    Contacté par StreetPress, Edouard Klein, n’a pas donné suite à nos demandes d’interview. Nous avons pu joindre Louise, la compagne et associée de Loïk Le Priol qui explique que « cette histoire touche le côté personnel de Loïk, la marque est complétement en dehors de tout ça ». Et nous précise qu’ils ne souhaitent pas s’exprimer sur cette affaire.

    Edit – jeudi 21 avril : Mediapart nous apprend que le parquet de Nanterre ouvre une enquête financière pour « abus de bien sociaux » et « blanchiment de capitaux ., La justice s’interroge sur l’origine des 25.000 euros utilisés pour payer la caution de Djian.

    Dans son viseur, deux sociétés : la financière Hagos, créée par Axel Lousteau trésorier du micro-parti de Marine Le Pen et conseiller régional FN. Et Olympe Communication, détenue officiellement par des proches de Logan Djian. Du rififi possible pour les proches de Marine Le Pen, puisque les fonds d’une société ne peuvent être utilisés à des fins personnelles.

    Le journalisme de qualité coûte cher. Nous avons besoin de vous.

    Nous pensons que l’information doit être accessible à chacun, quel que soient ses moyens. C’est pourquoi StreetPress est et restera gratuit. Mais produire une information de qualité prend du temps et coûte cher. StreetPress, c'est une équipe de 13 journalistes permanents, auxquels s'ajoute plusieurs dizaines de pigistes, photographes et illustrateurs.
    Soutenez StreetPress, faites un don à partir de 1 euro 💪🙏

    Je soutiens StreetPress  
    mode payements

    NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
    ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER