En ce moment

    01/04/2016

    Ensemble ils dénoncent « le Pouvoir Secret »

    Rockin' Squat signe la préface du dernier livre de Kémi Seba

    Par Robin D'Angelo

    Ex-leader de la Tribu Ka, conférencier panafricain plusieurs fois condamné pour antisémitisme, Kémi Séba sort un nouveau livre « Obscure époque ». Et cette fois, il peut compter sur un ambassadeur de luxe : le rappeur vedette Rockin’ Squat.

    Des réseaux pédocriminels au sommet de l’Etat, des attentats islamistes manipulés par le Mossad, un trafic d’armes organisé par l’Elysée… Le nationaliste noir Kémi Séba fait son comeback en librairie avec un nouvel opus : Obscure époque.

    En vente chez tous les bons libraires d’extrême droite depuis la mi-mars (nous on l’a acheté chez Facta ) , le livre se présente comme « une fiction géopolitique, inspirée de faits réels ». Pour la somme de 20 euros, vous pouvez acquérir ce roman autoédité de 151 pages, au format poche. Et pour le même prix, une préface inédite du rappeur Rockin’ Squat, leader du groupe Assassin.

    Une conspiration américano-saoudo-sioniste

    La couv’ d’Obscure époqueobscure-epoque-kemi-seba-bon.jpg

    Le pitch d’Obscure époque ? Un gang de skinheads néo-nazis et une bande de suprémacistes noirs se livrent à une guerre sans merci dans les rues de Paris, jusqu’au jour où ils découvrent qu’ils sont en fait instrumentalisés par l’Elysée pour créer du désordre. En réaction, ils unissent leurs forces en fondant un cabinet de détectives privés, surnommé « la police du peuple », qui lutte contre « l’élite financière et apatride ».

    Après avoir démantelé un réseau pédophile tenu par un mafieux russe « circoncis » qui alimente les hommes politiques en « jeunes enfants de banlieue », ils découvrent que les Etats-Unis, les pétromonarchies du Golf et le Mossad, se cachent derrière les attentats islamistes perpétrés en Europe ! Heureusement, « la police du peuple » réussit à alerter l’opinion publique sur cette manip’, puis à convaincre l’ONU de s’impliquer, grâce au soutien de l’Iran, de la Russie et de la Chine. Ouf ! L’axe américano-saoudo-sioniste est obligé d’abandonner ses projets destructeurs et la paix règne de nouveau dans le monde.

    Allusions trash et sexe circoncis

    Le livre de Kémi Séba nous emmène de la prison de Fleury-Mérogis à la mosquée de Djakarta en passant par une boite échangiste de la Côte d’Azur. Extrait :

    « Pour exciter Yacoubovitch (qui semblait n’avoir jamais vu d’aussi belles femmes « exotiques » s’offrir à lui) elles s’embrassèrent sensuellement devant lui, tout en caressant de leurs mains son sexe circoncis (qui, clairement, n’était pas très long). »

    Le roman est parsemé d’allusions trash à des personnages publics. Ainsi, « un très populaire ancien ministre de la culture Jacques Coup-Delangues » est arrêté pour avoir violé des enfants. Barack Obama devient « Baraka Bounty-Ma », François Hollande « Francis Pays-Bas » et Nicolas Sarkozy « Niklas Nabot-Léon ». Séba recycle aussi quelques clichés racistes : il s’attarde sur « la faiblesse de bons nombres de blancs pour la drogue ». A l’inverse, il explique que le « point faible » des militants noirs est « la femme blanche ». Quant à son héros black, il se fait successivement trahir par « un homosexuel », puis par « un antifasciste juif », qu’il assassinera finalement d’une balle dans la tête…

    Panafricaniste autoproclamé

    Kémi Séba est une vedette de la nébuleuse dissidente . Depuis plus de 10 ans, il anime un petit mouvement, auto-proclamé « panafricaniste », qui prend la forme d’une succession de groupuscules comme Le Mouvement des Damnés de l’Impérialisme ou Les Jeunesses Kémi Séba. Son éphémère Tribu Ka a connu sa petite heure de gloire en 2006 quand elle a été dissoute par un décret du ministère de l’Intérieur, suite à une descente dans le quartier du Marais pour se bastonner avec la LDJ . Kémi Séba a aussi été condamné à plusieurs reprises pour incitation à la haine raciale à cause de propos antisémites.

    Depuis 2013, ce tenant de Louis Farrakhan a enfilé la tunique de l’essayiste. Il est l’auteur de Supra Négritude, (2013, éd. Fiat Lux) et de Black Nihilism (2014, éd. New African Cultures). Ses conférences, où il dénonce « l’oligarchie mundele (blanche en linguala, ndlr) circoncise » et « les juifs solidaires au détriment du reste l’Humanité », font salle comble à tous les coups. Celui qui aime se présenter comme « un penseur » vit désormais à Dakar où il officie comme chroniqueur dans un talk-show sur une des plus grandes chaînes du pays.

    « Inspiré de faits réels »

    Kémi Séba, désormais auteur de fiction ? Son roman d’anticipation « inspiré de faits réels » ressemble à s’y méprendre à une autobiographie. Comme le héros de son livre, ses premiers discours véhiculaient des idées suprémacistes noires, avant d’appeler plus tard à une alliance avec les nationalistes blancs. Ainsi, on l’a vu animer en 2008 une manifestation avec Thomas Werlet, du groupuscule fasciste le Parti solidaire français. Pendant ses meetings, Séba vante aussi les mérites de Jean-Marie Le Pen qui « n’a jamais été la prostituée de personne ». « Le patriote blanc qui se bat pour les siens est mon frère. On n’a pas à se fondre chez les autres », se justifiait-t-il à la Main d’Or en septembre 2014. .

    Kemi Seba et les fafs

    Aujourd’hui, il estime que chaque culture doit se recentrer sur ses traditions ancestrales et travailler main dans la main pour combattre « le mondialisme ». Il s’inscrit dans le courant pérennialiste. Cette école de pensée, qui s’inspire des écrits de René Guénon, considère comme déviantes les civilisations modernes et exalte un retour aux sociétés traditionnelles et à leur spiritualité antimoderne.

    Peuple élu

    Joint par StreetPress, le pamphlétaire se défend de tout antisémitisme, lorsqu’on lui fait remarquer que dans son livre « les circoncis apatrides » ou le Mossad sont à la baguette derrière les grands désordres du monde.

    « Toi, tu as simplement vu l’histoire du Mossad. Mais j’ai parlé des pétromonarchies arabes qui ont une immense responsabilité dans le mouvement takfiri. Et ça tu n’en parles pas. Pourquoi, ça tu ne le dis pas ? Parce que ça, ça ne te dérange pas. »

    Il nous attaque sur notre supposée judéité :

    « Tu prends ça très à cœur, sans doute en tant que juif, même si tu n’aimes pas le déclarer. »

    Raté ! L’auteur de ces lignes n’est pas juif ! Puis il enchaîne :

    « J’en ai rien à foutre des juifs. T’as l’impression que tu es le centre du monde. Tu as l’impression que cette question doit être au centre du monde. Ceux qui sont autoproclamés élus, moi je n’ai pas voté pour eux. L’être humain est l’être élu dans sa globalité, comme le disait le Christ. Moi, il n’y en a pas un qui est supérieur à un autre. »

    Kémi Séba terminera l’interview en nous raccrochant au nez, avant qu’on ait le temps de lui demander comment il a rencontré Rockin’ Squat.

    Le soldat perdu du rap conscient

    Et Rockin’ Squat ? Contacté par StreetPress, le rappeur a décliné nos demandes d’interviews. Mais dans sa préface, il explique :

    « Je suis fier de faire partie de ce nouveau projet de Kémi Séba qui, depuis plusieurs années, se bat pour ses idées et aide les plus démunis et les plus exclus. »

    Depuis les années 1990, ce rappeur est le leader du groupe Assassin, pionnier du rap français et connu pour ses textes engagés. Puis il s’est spécialisé dans les morceaux conspirationnistes, comme Le Pouvoir Secret dans lequel il affirme que « c’est la famille Rothschild qui a financé le nazisme, qui a créé le communisme et qui gère le capitalisme » et que « la Police Internationale des Illuminatis va être, dans un futur proche, l’OTAN et les Nations Unies ».

    Dans la préface d’Obscure époque, il écrit aussi :

    « Ceux qui contrôlent sont aussi aux manettes de l’Education nationale, des médias mainstream, des réseaux de la grande distribution, de l’armée, des banques, de la médecine moderne ou de la recherche scientifique. »

    Kémi Séba affirme être proche de beaucoup de rappeurs. Il prétend même que Stomy Bugsy est intéressé pour adapter son livre au cinéma ! Sollicité, l’ancien playboy de Sarcelles, n’a pas répondu à nos demandes d’interviews. En attendant, il relaie assidûment les actualités du polémiste sur Twitter. Alors on tente notre chance sur le réseau social :


    Le journalisme de qualité coûte cher. Nous avons besoin de vous.

    Nous pensons que l’information doit être accessible à chacun, quel que soient ses moyens. C’est pourquoi StreetPress est et restera gratuit. Mais produire une information de qualité prend du temps et coûte cher. StreetPress, c'est une équipe de 13 journalistes permanents, auxquels s'ajoute plusieurs dizaines de pigistes, photographes et illustrateurs.
    Soutenez StreetPress, faites un don à partir de 1 euro 💪🙏

    Je soutiens StreetPress  
    mode payements

    NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
    ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER