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    23/06/2016

    Des rings aux maraudes pour SDF

    Kalissa Houicha, championne de boxe thaï et militante associative

    Par Thomas Chatriot , Pierre Gautheron

    Sur les rings, Kalissa Houicha enchaîne les high kick dévastateurs. Dans sa ville de Viry-Châtillon, elle multiplie les engagements associatifs. La triple championne de France de boxe thaï nous emmène au quartier des Erables où tout a commencé.

    Kalissa Houicha prévient d’emblée, pas de blague sur son prénom :

    « On me la fait à chaque fois ! Ouais, j’ai presque le même nom que la reine dans Game of Thrones, mais le jeu de mot est rincé, non ? En vrai mon prénom signifie fière, droite et sincère. »

    Fière. Droite. Sincère. Un peu comme les patates qu’elle est en train de mettre dans un sac de frappe lorsqu’on la retrouve dans le club de boxe thaï de Viry (91). Les bandages qui protègent ses poignets sont tricolores et on peut reconnaître sa bouille sur des affiches placardées aux quatre coins de la salle. La jeune femme de 21 ans est une petite célébrité dans le coin. Et pour cause : trois fois championne de France, plusieurs fois médaillée aux championnats d’Europe et surtout troisième au championnat du Monde en 2012 dans la catégorie poids plume :

    « J’ai toujours fait partie des plus jeunes. A 16 ans, j’étais en amateur, à 17 je rentrais en semi-pro et à 18 ans je faisais partie de l’équipe de France pendant deux ans. »

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    Au pied des tours de Viry-Châtillon / Crédits : Pierre Gautheron

    Que la famille

    Pour Kalissa, le sport, c’est une histoire de famille. Son père l’a inscrite toute petite au karaté. Mais rapidement, Kalissa veut faire de la boxe thaï, comme son frère Ahmed et sa grande soeur Kaïla :

    « Je m’y suis mise à 11 ans. Entre temps, mon frère s’est luxé l’épaule et ma sœur, un peu chochotte, a préféré arrêter. Alors je suis un peu la relève. »

    Son entraîneur Nilar Win, Birman d’origine, bandeau traditionnel bleu sur la tête, fait également partie intégrante de cette famille. Au milieu des affiches à l’effigie de sa protégée, il raconte avec un fort accent :

    « Je la suis depuis le début. C’est plus qu’une élève, elle est un peu comme ma fille. »

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    L'entraîneur de Kalissa. / Crédits : Pierre Gautheron

    Pour la championne, ce cocon est primordial :

    « Dans mon carré, j’ai besoin de mon entraîneur et de mon frère, sinon je panique un peu. Il faut toujours que je sois entourée, ça me protège. »

    La boxeuse est fière de ses titres, surtout parce qu’ils rendent heureux ses parents. En revanche, elle refuse systématiquement qu’ils assistent aux combats, comme lors des championnats de France, en mars dernier :

    « Ça me déstabilise. Je n’ai pas envie que ma mère me voit en train de taper des gens ! »

    Maison de quartier

    Hors du ring, Kalissa n’a pas la réputation d’être une dure à cuire, c’est même tout l’inverse. Grâce à son militantisme, elle s’est fait un nom dans sa ville.

    Avant son entraînement, on la retrouve dans son bureau à la MJC Aimé Césaire située entre le quartier des Erables et celui des Emmaüs. Les 900 m2 du bâtiment sentent le neuf. Kalissa a signé ici un contrat d’animatrice pour trois ans. La MJC est plutôt peace et laisse Kalissa gérer son emploi du temps selon ses compétitions. La jeune femme est tombée dans le bain du social dès ses 19 ans :

    « Avec des potes on organisait des maraudes pour distribuer des repas aux SDF. La MJC nous prêtait la cuisine, on préparait le tout, on montait dans des voitures direction Paris. Au début, c’était mal organisé, on débarquait à 20 autour des gens, ils flippaient ! »

    En ce moment, elle est en train de rédiger les statuts de sa future association Jeunesse, mobilise-toi :

    « En gros, j’ai envie de faire sortir les jeunes des halls et de les sensibiliser à la misère qui est juste en bas de chez eux. Le but c’est de leur donner envie de se bouger et de s’en sortir, parce que dans une banlieue c’est parfois plus compliqué. »

    L’entrée dans le tissu associatif lui a permis de se rapprocher d’autres collectifs proches comme Zonzon 91 ou le No Joke. En parallèle, elle cherche une formation pour passer un brevet d’éducatrice dans le secteur du sport.

    Made in Viry

    Au cœur du quartier Emmaüs où elle a grandi, nombreux sont les habitants qu’elle considère comme ses « grand frères ». Et ça se vanne sec :

    « C’est ça d’avoir vécu au même endroit toute sa vie. On connaît tout le monde, on a nos délires. C’est une famille à la taille d’un quartier. Les grands sont là pour moi et moi je suis présente pour les petits. »

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    Avant d'enfiler les gants. / Crédits : Pierre Gautheron

    Aux Emmaüs, les barres d’immeubles se suivent et se ressemblent, entrecoupées d’espaces verts. Kalissa connait par cœur l’endroit et chaque recoin à sa petite anecdote. Comme ce banc posé sous un arbre près du stade, ou désormais elle court pour s’entraîner :

    « J’avais un peu un tempérament de garçon manqué, donc j’étais souvent avec des gars. On jouait au petit pont massacreur. Celui qui perdait devait s’asseoir sur ce banc et se faisait victimiser. On le pointait du doigt en se moquant gentiment. Ça parait violent comme ça, mais en vrai, c’était bon enfant ! »

    Muaythai féminin

    A l’entraînement de Kalissa, pas mal de filles sont en train de s’échauffer au son d’une musique traditionnelle thaïlandaise. Nilar, l’entraineur s’en félicite :

    « Grâce à la notoriété de Kalissa, nous avons beaucoup d’inscriptions féminines. Ça les motive ! »

    L’intéressée reconnaît qu’il y a un regain d’intérêt pour la boxe féminine dans son sillage.

    « En plus d’être jeunes et d’un quartier dit sensibles, nous sommes des femmes. On cumule les difficultés. Mais au contraire c’est ce qui nous motive. »

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