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    29/09/2016

    Le street-médic nantais risque un an de prison et 15.000 euros d’amendes

    Un manifestant mis en examen pour port illégal… d’une Croix Rouge

    Par Tomas Statius

    Dans les manifs, Sébastien soigne les bobos des militants. En mars, le médic sera jugé pour avoir porté « un casque sur lequel figurent quatre croix rouges » un emblème protégé par… « la convention de Genève ». Rien que ça !

    En manif, Sébastien la vingtaine, est médic. Avec ses compresses et ses pansements, il soigne les bobos des manifestants anti loi travail. C’est vrai, Sébastien n’est ni médecin, ni infirmier. En habitué des cortèges, il connaît les petits trucs qui permettent de soulager une brûlure, une charge de CRS, ou une inhalation prolongée de gazs lacrymos.

    Une activité qui pourrait bien l’envoyer en cabane. En mars, ce jeune intérimaire comparaîtra devant le Tribunal Correctionnel de Nantes pour avoir participé à une manif interdite et utilisé l’emblème de la Croix Rouge, à Nantes le 9 juin 2016. Sébastien risque un an d’emprisonnement, et 15.000 euros d’amendes pour quatre petites croix rouges qu’il a dessinées sur son casque.

    Manif interdite

    « A Nantes, pendant la loi travail, il y avait une manif chaque jeudi », détaille le jeune homme quand StreetPress lui passe un coup de fil. Mais ce 9 juin le préfet de Loire Atlantique en avait décidé autrement. Il craint des violences et décide d’interdire la manifestation. Plusieurs centaines de manifestants se rassemblent tout de même dans le centre-ville.

    Au milieu de la foule, Sébastien est assez reconnaissable. Il porte un casque siglé de plusieurs croix rouges et un gros sac à dos. Un foulard dissimule la moitié de son visage. Après avoir été encerclé par les CRS pendant plus d’une heure, le jeune homme est interpellé comme 25 autres manifestants. Quand il arrive au commissariat, les policiers lui expliquent qu’il a été arrêté pour « participation à une manifestation illégale, en camouflant son visage pour dissimuler son identité tout en étant armé ».

    Dans son sac, pas de traces de barres de fer mais des compresses, du désinfectant, du Maalox, des pansements et des gants. Les bleus finissent par se rendre compte de l’erreur de casting. Mais Sébastien n’est pas libéré pour autant. Côté policier on semble chercher un chef d’accusation coûte que coûte : en 15 heures, le motif de sa garde à vue sera requalifié 3 fois.

    La justice invoque la convention de Genève

    Mi-septembre, Sébastien est à nouveau convoqué au commissariat. Un brigadier lui remet une citation à comparaître. Désormais, on lui reproche d’avoir utilisé un casque sur lequel figurent quatre croix rouges, « l’un des signes distinctif prévus par la convention de Genève ». Un ensemble de textes qui régule les relations entre adversaires sur le champ de bataille, repris dans le droit français. Bien loin de Nantes et de ses rues paisibles. « Son cas traduit la volonté du parquet d’effrayer les médics » juge son avocat Maître Hurier :

    « Quand il s’agit de réprimer le mouvement social, le parquet de Nantes est toujours à la pointe de l’imagination. »

    Il dénonce un détournement de l’esprit de loi :

    « Ce texte vise à empêcher les belligérants d’un conflit d’utiliser l’emblème de la Croix Rouge pour tromper leur ennemi. Rien à voir avec quelqu’un qui aide les gens en manif’. »

    La Croix Rouge

    Du côté de la Croix Rouge, on ne voit pas vraiment d’un bon œil l’usage du logo par les militants :

    « On fait attention à l’utilisation de notre emblème. Cela nous arrive de porter plainte pour une utilisation indue. »

    L’ONG assure toutefois n’avoir déclenché aucune procédure contre Sébastien ou l’un de ses potes médics.

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