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    13/01/2017

    Touche pas à mon bistrot

    Bienvenue au Bougnat, la première ZAD de Seine-Saint-Denis

    Par Tomas Statius

    Le Bougnat, troquet ouvrier de Pantin est menacé par un projet immobilier. L’asso Pantin Patrimoine et un collectif de riverains ont déclaré le bistrot centenaire « Zone à défendre ».

    Pantin (93) –  Il y avait Notre-Dame-des-Landes, Bure ou Roybon. Depuis le vendredi 13 janvier, la Seine-Saint-Denis a aussi sa Zad. A Pantin, l’association Pantin Patrimoine, accompagnée d’un collectif de riverains, a déclaré le restaurant centenaire Le Bougnat « Zone à défendre ». Le troquet, inclus dans un ensemble de bâtiments industriels, a été acheté par la mairie de Pantin en juin dernier. Il doit fermer ses portes aujourd’hui.

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    La première Zad de Seine Saint-Denis est née / Crédits : Tomas Statius

    A la place, la municipalité compte construire un ensemble de logements sociaux, un parking et des commerces. « Ce projet, on l’a découvert dans les colonnes du Parisien », s’insurge Louis-Pierre Samain, vice-président de cette asso qui mène la fronde. Ce vendredi, ils sont une cinquantaine à écouter le quadra, barbe de trois jours et pull à grosses mailles sur le dos. « 2.000 pantinois ont signé notre pétition pour s’opposer à la fermeture du Bougnat », lance-t-il à la foule au cours d’une conférence de presse :

    « C’est un lieu de convivialité et de mixité. Un lieu de patrimoine et un lieu social. C’est pour ça que l’on a considéré qu’il devait devenir une Zone à défendre. »

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    Non à la destruction du Bougnat / Crédits : Tomas Statius

    Contre les bulldozers

    Les zadistes ont installé leur barda sur la place Olympes de Gouges, à deux pas du Bougnat. Affiches et pétitions de soutien sont empilées sur une petite table de camping. « Cette décision a été un peu prise dans l’urgence, on attend les bulldozers. Il fallait agir », confie Michel Le Bec, le président de l’association Pantin Patrimoine. L’homme connaît l’histoire du lieu sur le bout des doigts :

    « Cette maison a été construite par un architecte en 1910. Regardez la frise de briques en dessous de la fenêtre au dernier étage. Elle est très typique de l’époque. »

    Patrimoine ouvrier

    « Le 93, c’est aussi une population ouvrière qui est là depuis longtemps. Il ne faut pas les oublier » lance Waël. Cet été, le jeune mec a réalisé un documentaire sur les curiosités du 93, dont on vous parlait sur StreetPress. Lui aussi est là pour s’opposer à la destruction du Bougnat :

    « Dans tout le département, les projets immobiliers se multiplient mais ils sont faits sans la population. La démocratie locale, ça n’existe pas. »

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    A l'ancienne / Crédits : Tomas Statius

    A Pantin, les projets d’extension d’Hermès, installé depuis 1993, et l’arrivée de nouvelles boîtes comme BETC ont accéléré l’exode des classes populaires et la réhabilitation à marche forcée du centre-ville. Il y a 10 ans, l’ancien maire, Jacques Isabet, a déclaré une partie du quartier Hoche comme une ZAC, une zone d’aménagement concerté pour rénover plusieurs bâtiments. « C’est vrai qu’il y avait des façades misérables. Ça faisait un peu rue à l’abandon » concède Michel Le Bec. Le Bougnat, avec sa façade en bois et son enseigne peinte à la main, est l’un des seuls vestiges de ce passé ouvrier :

    « Le propriétaire du Bougnat a été le seul à rester. Il a contesté plusieurs fois son expropriation en justice. Mais il a fini par accepter en juin dernier. »

    Les clients sont résignés

    A l’entrée du café Au Bougnat, Valérie et Thomas fument une clope avant de rejoindre leur table. Ils travaillent pour une filiale de la BNP, installée à Pantin depuis 2009. La fermeture du Bougnat, ça les chagrine. « On venait manger ici presque tous les midis. On recherche cette atmosphère typique. C’est un troquet traditionnel » explique Thomas entre deux bouffées de Malbac. « A Pantin, il n’y a plus que des brasseries aseptisées » renchérit Valérie.

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    Valérie et Thomas <3 le Bougnat / Crédits : Tomas Statius

    A l’intérieur du bistrot, une foule compacte se presse au comptoir. « Trois petits blancs et un petit jaune pour vous » lance la serveuse, chapeau bleu à paillettes sur la tête. « On a fait 84 couverts hier, on espère passer la barre des 100 aujourd’hui » explique t-elle à un habitué. Accoudés au zinc, Daniel et Gilles, deux pantinois d’adoption, viennent prendre un dernier canon. Déjà, la nostalgie se fait sentir. « Tout le monde se connaît ici. C’est toujours plein », lâche Gilles :

    « C’est un bar de quartier typique. Il faut garder ça. »

    Si au comptoir, les verres se vident, les langues ne se délient pas pour autant. Ni la gérante, ni la serveuse n’ont accepté de répondre à nos questions.

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    Un dernier canon et puis s'en vont / Crédits : Tomas Statius

    Zad pépére

    Les zadistes de Pantin ne sont pas des va-t-en-guerre. Aucune action coup de poing n’est prévue pour le moment. Les défenseurs du Bougnat comptent sur le bouche-à-oreille pour rallier de nouveaux soutiens. « On va organiser des Bougnat éphémères sur les marchés pour continuer à faire vivre le lieu », explique Louis-Pierre.

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    Un troquet centenaire / Crédits : Tomas Statius

    Du côté de la mairie, on fait la sourde oreille. Dans un courrier envoyé à Pantin Patrimoine, dévoilé par Le Parisien, l’équipe du maire accuse même les zadistes de refuser la mixité sociale en s’attachant à un bâtiment banal. Un argument qui fait frétiller de colère les moustaches de Michel Le Bec :

    « Tout ce que l’on veut, c’est une table ronde pour discuter du Bougnat. On peut garder le café en l’état tout en faisant le projet immobilier. »

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