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    27/02/2017

    « A Alep, nous vivons dans la peur »

    Par Fathi , Maxime Grimbert

    Depuis la reconquête d’Alep par le régime de Bachar al-Assad, il est quasi-impossible de recueillir un témoignage qui sort de la propagande. Fathi est un opposant au gouvernement. Il nous raconte la loi du silence qui règne sur la ville.

    Aujourd’hui à Alep, nous vivons un enfer. Ici, ce n’est pas facile d’être opposant à Bachar al-Assad. Les différents groupes armés qui soutiennent Assad contrôlent la ville. On ne sait pas combien sont les miliciens, mais ils sont très nombreux !

    Autour de nous, ils arpentent les rues d’Alep et surveillent toute la population. Lorsqu’ils pensent avoir repéré l’un d’entre nous, un révolutionnaire, ils vont parfois l’abattre directement chez lui. Dans d’autres cas, ils l’arrêtent et le jettent dans une prison secrète. Là, ils le torturent de la pire manière, le plus souvent jusqu’à ce que mort s’en suive.

    La peur règne dans les rues d’Alep

    Nous vivons dans la peur et le secret. Nous mentons même à nos proches, à nos familles et à nos enfants. Maintenant qu’Alep est sous contrôle, aux mains du régime et nous n’osons plus rien dire. Plus un mot sur la révolution.

    Nous n’aspirons qu’à la paix et à la liberté. Nous sommes fatigués de la pauvreté, de la faim et de la peur. Pour cela, certains d’entre nous sont même prêts à répéter une propagande gouvernementale à laquelle nous ne croyons pas. Si nous ne sommes jamais repérés en tant que révolutionnaires, nous pouvons vivre.

    Nous sommes isolés les uns des autres. Personne ne sait qui est un sympathisant de la révolution depuis la reprise de la ville par l’autoritaire Assad.

    Avant, tous les révolutionnaires se connaissaient entre eux, via leurs actions et leurs publications. Nous parlions entre nous sur Facebook et WhatsApp, via le réseau satellitaire [hors de contrôle du gouvernement]. Nous nous entraidions après les bombardements pour évacuer et soigner les blessés, déplacer les décombres et nous occuper des enfants.

    Seulement, à la fin du siège de la ville [et la victoire du régime, fin décembre 2016], l’écrasante majorité des opposants a fuit la ville. Ceux qui sont restés, comme nous, se sont retrouvés dispersés.

    Une nouvelle politique démographique

    À ce moment-là, deux millions de personnes ont été déplacées. Les soutiens d’Assad, eux, sont restés à Alep. Ils sont les propagandistes les plus sincères du régime. Mais comme ils étaient très peu nombreux, le gouvernement a lancé une nouvelle politique démographique. Il a fait venir des chiites libanais, irakiens et iraniens à Alep. Ils ont presque la même religion qu’Assad, contrairement aux révolutionnaires [sunnites] comme nous.

    Pour cette raison, des milices para-militaires iraniennes et d’autres chiites font la loi aux côtés des troupes d’Assad. Leurs membres mettent en avant la défense de cette religion. Ils disent aussi être là pour protéger Assad. Concrètement, ils sont nos premiers tortionnaires.

    Les troupes russes qui quadrillent la ville sont là pour cette raison également. Tous ces hommes armés soutiennent les bombardements et les tueries que nous avons vécu, la politique de terre-brûlée et l’assassinat de milliers de femmes et d’enfants.

    En fin de compte, le régime d’Assad n’a presque plus d’autorité sur la ville d’Alep. Le pouvoir est aux mains de la Russie et de l’Iran.

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