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    29/03/2017

    J’ai surmonté ma dyslexie et j’en suis fière

    Par Mathilde , Emmanuelle Lacheny

    En CP, Mathilde galère pour apprendre à lire et à écrire, mais ce n’est qu’en CE1 que son prof comprend qu’elle est dyslexique. Le début d’une scolarité semée d’embûche. Elle raconte ses galères et ses victoires.

    J’ai pris conscience de ma différence en CP, à l’âge où l’on apprend à lire et écrire. Je me sentais perdue. La motivation ne manquait pas, mais à chaque passage devant un texte imprimé, je me heurtais à un mur. Ce n’est qu’en CE1 qu’un professeur parvient à mettre un nom sur ce qui m’arrive : « dyslexie ».

    Mes soucis ont en réalité commencé plus tôt. Une sorte de petite bombe à retardement. Insidieusement, elle commence ses dégâts en maternelle où des difficultés à différencier ma droite et ma gauche me tracassent. Puis vient le CP donc. Les professeurs s’appliquent à m’apprendre à lire et écrire. Je bute sur les mots, sur les lettres. Mes parents me forcent à lire et écrire davantage, jusqu’à ce que le verdict tombe. Je suis dyslexique, un problème d’ADN, puisque transmissible de génération en génération : ma mère en a également fait les frais.

    Cours intensifs de lectures

    Le professeur qui a diagnostiqué mon souci conseille à mes parents de consulter une orthophoniste. Deux à trois heures par semaine, j’essaie de rehausser le niveau de ma lecture grâce aux séances. En cours, les professeurs sont désormais avertis : je suis dys. Ils me donnent des crayons de couleurs pendant que les autres apprennent l’histoire. Je suis mise à l’écart des cours, jugés trop complexes pour moi.

    Je ne comprends pas et personne ne juge utile de m’expliquer ce qui m’arrive. Les cours particuliers, les adultes qui s’échangent mes résultats scolaires, un regard navré dans ma direction, je sens que quelque chose ne va pas dans ma scolarité.

    Le collège, période ingrate

    Je prends conscience de l’ampleur de mes difficultés au collège. On m’explique qu’une auxiliaire de vie scolaire (AVS) va me suivre dans tous mes cours, pour lire et prendre des notes à ma place.


    « Je suis en colère contre l’administration, qui ne tente pas de m’aider, mais tente habilement de me faire rejoindre une classe de Segpa »

    Mathilde, dyslexique

    Les autres élèves m’évitent. Certains viennent me voir :
    « - Pourquoi elle te suit partout ? »

    D’autres pensent qu’il s’agit de ma mère. Pas facile de leur explique que je suis dys. Un jour un élève me sort :

    « – Ça va, physiquement, ça ne se voit pas. »

    Je reste sans voix un instant, avant de lui répondre d’un ton sec que ce n’est pas une maladie physique. Je suis en colère : contre l’administration, qui ne tente pas de m’aider, mais tente habilement de me faire rejoindre une classe de Segpa [Sections d’enseignement général et professionnel adapté] ; contre les professeurs, réticents à l’idée que je puisse me servir d’un ordinateur pour prendre plus facilement en notre mes cours. Je n’ai plus faim, même plus envie de manger. À mon arrivée au collège, je perds beaucoup de poids.

    L’italien et la peinture comme remède

    Pas à pas, les solutions s’installent sans que cela fluidifie totalement ma scolarité. C’est une petite victoire : je prends conscience que la dyslexie n’est qu’une partie de moi. L’italien m’a beaucoup aidé. Cette matière me parle, je me passionne pour cette culture qui m’offre enfin un domaine dans lequel je peux exceller. Je découvre les subtilités gourmandes de l’Italie. Mon appétit revient. Je m’investis à fond.


    « C’est une petite victoire : je prends conscience que la dyslexie n’est qu’une partie de moi. L’italien m’a beaucoup aidé. Cette matière me parle, je me passionne pour cette culture qui m’offre enfin un domaine dans lequel je peux exceller »

    Mathilde, dyslexique

    Une nouvelle AVS – une qui ne sent pas la clope et qui rigole du caractère borné de certains professeurs – m’aide à reprendre confiance dans mon travail. J’apprends à contrer les remarques stupides des élèves, je me sens de plus en plus indépendante. Je commence à m’autoriser des loisirs et je m’inscris à un club de peinture. Ce sera une sorte d’art-thérapie pour moi. Mes parents me font plus confiance ; on fait passer les séances d’orthophonistes de trois à deux par semaine, puis une seulement.

    Le lycée et la fin d’une impasse

    Le premier trimestre de lycée réveille ma vieille peur de l’échec, les angoisses de décevoir. Je projette de tout lâcher. Mes parents me raisonnent. Et puis au lycée, les profs sont plus conciliants, les élèves moins butés et les cours plus denses. Je n’ai plus d’AVS.

    Aujourd’hui, je suis en première et je m’en sors bien. Mon but est d’atteindre la moyenne, pas d’être la première de la classe. Lorsque je regarde le parcours accompli, je suis fière de moi et heureuse. Je suis en première ES. C’est complexe, mais ça me plaît : je ne suis pas coincé dans un CAP qui m’ennuie et je n’ai pas atterri en Segpa, comme l’auraient souhaité certains professeurs.

    La Sécurité Sociale nous a beaucoup aidés : comme mon niveau de dyslexie était suffisamment « lourd », les cours d’orthophoniste et d’ergothérapeute sont entièrement remboursés.

    Je n’ai jamais voulu militer pour l’ensemble des dyslexiques. Mon propre combat me suffit. Mais récemment, j’ai appris qu’une fille de mon lycée allait être virée parce que sa dyslexie était trop difficile à prendre en charge pour l’éducation nationale. Ça m’insupporte que les dys soient traités ainsi. Nous donner plus de temps pour comprendre et apprendre ne serait pas rentable. Le système scolaire devrait être plus indulgent et tolérant envers ceux qui ont des difficultés.

    Photo : Stanley Kubrick, LOOK Magazine Photograph Collection at the Library of Congress.

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