En ce moment

    30/03/2017

    Petit manuel pour lancer un bar associatif

    Par Julien et Jeanne-Marie , Alice Maruani

    Le Joli Mai à Saint-Ouen a ouvert ses portes en décembre dernier. Julien, Jeanne-Marie et les autres bénévoles ont changé l’ambiance de leur quartier. Vous rêvez de faire pareil? Ils expliquent la marche à suivre.

    Aucun de nous ne connaissait le milieu associatif avant ce projet, mais notre expérience nous a donné quelques clés. On aimerait que ce genre d’endroit fleurisse un peu partout. Alors faites tourner !

    1. Trouver le bon lieu

    Trouver le lieu pour le bar est toujours le point de départ. Ca l’était encore plus pour nous parce qu’on savait quel local on voulait, avant même de savoir ce qu’on allait en faire exactement. Pour le dire autrement, si on n’avait pas ce lieu précis, le projet ne voyait pas le jour.

    En fait, on a monté ce bar pour changer l’ambiance de la place. Éloigner les dealers de l’école où nos enfants étaient scolarisés, sans avoir recours à la police.

    Notre local appartient à la mairie et on a dû négocier avec les pouvoirs publics. Ils l’avaient préempté parce qu’ils voulaient avoir la main sur le prochain commerce qui ouvrirait là. C’est bien sûr tout à fait possible de dépendre d’un bailleur privé.

    Le local était complètement insalubre et infesté de rats : on a pu négocier une franchise de loyer de trois ans en contrepartie des travaux de réhabilitation (60 K€ financés par la CAF, un prêt à taux 0 et un Crowdfunding).

    2. Monter une équipe sympa aux compétences variées

    Notre équipe était composée des parents d’élève de l’école primaire Bachelet, située sur la place. On n’est pas une bande de potes comme dans d’autres projets, même si on tend à le devenir.

    La grande force de notre équipe c’est son nombre : une dizaine de personnes, avec des profils très différents. On est presque tous travailleurs indépendants, donc on peut aménager notre emploi du temps pour venir tenir le bar une matinée par semaine.
    Plus le groupe est important, plus l’effort est réparti (quand l’un de nous est fatigué l’autre prend le relai).

    Ca nous a aussi permis d’avoir en interne les compétences et les réseaux dont on avait besoin pour réaliser ce projet. Dans la bande, il y a par exemple deux architectes qui ont validé le lieu, fait des plans et mobilisé leurs réseaux d’artisans, un responsable marketing, une graphiste, une personne qui avait une expertise dans les subventions et l’économie sociale et solidaire, un photographe qui sait aussi gérer un site internet et les réseaux sociaux, un musicien…

    Cette grosse équipe nous aussi a permis d’avoir l’air sérieux sur le papier, c’est-à-dire quand on a dû déposer un premier dossier à la mairie.

    3. Se rencarder et se former

    En parallèle, notre priorité était de savoir où on mettait les pieds. On a été voir une dizaine de cafés et bars associatifs à Paris, pour leur demander des conseils sur la tarification, les activités possibles, la gestion de ce type de lieu ou les subventions.

    On a pu constituer une petite expertise en voyant ce qui se passait ailleurs, dans d’autres bars mais aussi dans d’autres associations du quartier. Pour la programmation par exemple on a piqué plein d’idées à l’association Parisienne Le Hasard Ludique. Ca nous a aussi permis de nous orienter dans les différentes aides qu’on pouvait demander — il y en a beaucoup plus qu’on imagine.

    En même temps, trois personnes du bureau de l’association, deux présidentes et le trésorier, se sont formées plus professionnellement auprès d’un organisme national, la Ligue de l’enseignement FOL 93
    Ceux qui veulent se lancer dans ce type de projet associatif doivent savoir qu’ils vont devoir affronter une une grosse quantité de paperasse administrative. Mieux vaut avoir au moins une personne dans l’équipe qui aime bien ça ou au moins qui n’est pas allergique ce qui n’est pas évident.

    Par exemple, on va prendre une salariée en emploi aidé, eh bien c’est des dossiers en plus. Ou bien si on veut vendre de l’alcool à certaines occasions type concert, il faut faire un avenant au bail.

    4. Faire parler du projet

    Cette étape là est pratiquement la première. Dès le début du projet, on est allé voir les associations et les acteurs locaux qui font des activités artistiques, écolos, ou du soutien scolaire, pour leur en parler, et savoir si ce type de lieu les intéresserait. Notre idée dès le départ était d’en faire un endroit que les acteurs locaux ou les habitants puissent investir à leur guise.

    On en a tous beaucoup parlé autour de nous, à nos amis, à nos voisins, dans l’école, etc. On a présenté le projet localement à l’hôtel de ville et on n’a pas arrêté de tracter, de coller des affiches pour informer les gens. Ca a aussi joué dans le fait que la mairie nous donne son accord.

    Notre plus beau coup était d’organiser la Fête des voisins sur la place en mai , à la dernière minute. C’était un succès : on avait mis des fleurs partout et le quartier était noir de monde. Les guetteurs ont dû partir. On a montré qu’on était capable de fédérer, alors que le local, encore plein de rats, n’était pas officiellement à nous.

    C’est un de nos conseils : être visible, le plus possible. Ca permet aussi d’avoir une base de bénévoles et de gens prêts à donner un coup de main, à déposer des livres ou d’autres objets par exemple.

    https://backend.streetpress.com/sites/default/files/joli-mai-ouverture_11.jpeg

    Il y a foule à l'ouverture du Joli Mai, le 17 décembre 2016 / Crédits : Julien Caupeil

    La couverture médiatique auquel on a eu le droit a bien aidé, il faut le dire. Si on n’avait pas ouvert sur la place des dealers, ça n’aurait peut-être pas été aussi facile de se faire connaître. L’histoire et l’objectif de notre café étaient forts et clairs, et ça a bien aidé.

    Derrière, ça montre qu’il faut avoir une motivation bien définie dès le départ. Que ce soit animer un quartier, permettre des rencontres ou diffuser de la musique qu’on n’entend pas ailleurs par exemple.

    5. Faire de la récup’

    L’argent est le nerf de la guerre ? Oui mais ça ne doit pas vous bloquer. En fait, la question du financement est venu assez tard dans notre projet.

    Le premier réflexe à avoir est d’essayer de récupérer le plus de trucs possible gratos ou à prix cassés. Par exemple, pour les travaux, on a été voir le patron de Leroy Merlin en lui demandant ce qu’ils nous donnaient gratuitement (on a acheté aussi des choses chez eux, comme le carrelage) : on a eu de la peinture, des pinceaux, etc.

    Pour le bois, on a négocié les chutes avec un fournisseur, pour 250 euros on a pu faire toutes les tables, les bibliothèques, le bar, etc.

    Et puis on a fouillé dans nos placards et les gens nous ont apporté des choses spontanément dès qu’ils ont vu la lumière : on n’a acheté aucun jouets pour enfants ni aucun livre par exemple.

    On a aussi mis la main à la pâte pour faire des économies dans les travaux. Le gros oeuvre était fait par des pros, et nous on a pris en charge les finitions et l’aménagement, en bossant le weekend.

    6. Trouver un peu de sous

    Nous avons obtenu un agrément d‘« espace de vie sociale » qui nous a permis que la CAF subventionne les travaux à hauteur de 60.000 euros, (dont une partie en prêt à taux 0) pour laquelle nous devions apporter 10% de l’aide en fonds propres. Pour ça on a utilisé le crowdfunding qui fût une réussite avec plus de 12.000 euros engrangés. L’engouement autour du projet nous a aidé là aussi.

    Nous avons également contracté un prêt de 20.000 euros à taux zéro auprès d’un organisme de financement solidaire.

    La CAF nous aide aussi pour le fonctionnement car nous allons créer un emploi d’animateur.

    Ensuite, pour se financer, il faut aller fouiller dans les subventions publiques ou privées (Ville, Agglomération, Entreprises…).

    7. Et enfin, ouvrir le plus vite possible.

    On a visité le local en décembre 2015 et on a ouvert pile un an plus tard, en décembre 2016. On voulait ouvrir plus tôt, dès septembre, mais on a eu un gros dégât des eaux, une galère pas possible. On a quand même ouvert pour le café du matin, avec l’eau qui coulait du plafond dans une piscine gonflable…

    Aujourd’hui, on avance pas à pas. On a commencé à vendre des cafés et des gâteaux. Et on va lancer la restauration, qui sera notre principale source d’autofinancement, dès que la cuisine sera installée. On fait appel à un acteur extérieur, Plaine de saveurs, qui est un incubateur local de projets culinaires (traiteur, patissier, foodtruck…). L’idée est d’être prudent au début pour ne pas perdre d’argent, notamment en travaillant principalement sur réservations, un jour par semaine. Quand on n’a pas d’expérience, il faut tester.

    Bilan

    Pour résumer, si vous voulez ouvrir un bar associatif, vous aurez besoin :
    - d’un objectif qui se tient et vous motive
    - d’une bonne équipe, sérieuse et assez grosse
    - d’huile de coude et de débrouillardise

    Mais sachez que c’est possible et que c’est ultra-stimulant, même quand on travaille et qu’on a en plus des enfants à gérer !

    Le journalisme de qualité coûte cher. Nous avons besoin de vous.

    Nous pensons que l’information doit être accessible à chacun, quel que soient ses moyens. C’est pourquoi StreetPress est et restera gratuit. Mais produire une information de qualité prend du temps et coûte cher. StreetPress, c'est une équipe de 13 journalistes permanents, auxquels s'ajoute plusieurs dizaines de pigistes, photographes et illustrateurs.
    Soutenez StreetPress, faites un don à partir de 1 euro 💪🙏

    Je soutiens StreetPress  
    mode payements

    NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
    ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER