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    01/05/2017

    Ecole, banlieue, médias : ce qu'ils espèrent qu'elle va changer

    La France rêvée des supporters de Marine Le Pen

    Par Inès Belgacem , Lucas Chedeville

    Marine Le Pen réunissait ses troupes dans un dernier grand meeting de campagne, ce 1er mai. L’occasion de prendre le pouls des électeurs FN. Qu’est-ce qui changerait selon eux dans une France bleue marine ?

    Parc des expositions de Villepinte (93) – « Pour moi, avec Marine présidente, ce sera exactement comme son affiche : la France apaisée. » A l’entrée du Parc des Expositions de Villepinte, Elsa*, 18 ans, se roule une clope avant d’aller assister au grand rassemblement du 1er mai de la candidate frontiste. Voilà 6 mois qu’elle participe activement à la campagne, sur internet comme en meeting. La jeune femme aux cheveux bruns, courts et bouclés vient pourtant d’une famille plutôt aux antipodes du FN :

    « Ma mère est de gauche radicale. Et mon père vote Macron… j’ai tellement honte. »

    Que fera Marine Le Pen pour le 9-3 ?

    L’étudiante juge que le programme du FN permettra de « pacifier » une France en proie à « l’ethnicisation ». Elle s’explique :

    « L’immigration a créé des problèmes identitaires énormes. Elle empêche l’assimilation des gens issus de l’immigration. Des quartiers entiers sont aujourd’hui ethnicisés.”

    Elle cite en vrac, les quartiers « arabes, chinois ou juifs ». Mais où ? La réponse fuse : « dans le 93 ». Mais encore ? « En Seine-Saint-Denis ». Bon. Une idée de quartier ou de ville ? Là ça devient plus compliqué pour la jeune femme, qui finit par penser après une minute à Aulnay-sous-Bois, « à cause l’affaire Théo ».

    Et bien quoi faire à Aulnay, « ville ethnicisée » ?

    « À cet endroit précis, Marine ne pourra rien faire. C’est trop tard. »

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    La jolie rose / Crédits : Inès Belgacem

    Une école où on parle moins de Vichy

    Dans la foule qui afflue, un jeune homme alpague Elsa. Son bon copain Arthur vient d’arriver et lui claque la bise. Les deux militants viennent du même lycée à Cachan, dans le Val-de-Marne. Pour lui, la meilleure défense contre le communautarisme, c’est l’école. L’étudiant en première année d’histoire, qui arbore fièrement la rose bleue du mouvement sur son blazer gris, fustige des programmes scolaires trop orientés politiquement. En histoire notamment :

    « On parle trop de la colonisation ou du régime de Vichy. Alors que Napoléon et Louis XIV sont balayés. »

    Il ajoute :

    « Et puis, à propos de l’esclavage, toutes les civilisations l’ont utilisé. Les Européens, comme les Turcs. Ca n’est pas la France qui l’a inventé. »

    Elsa acquiesce systématiquement de la tête : « Si on arrêtait avec la repentance perpétuelle de l’école de gauche, les gens issus de l’immigration se sentiraient plus français. Les cours sur la colonisation les empêchent de s’assimiler ». Selon les deux compères, oui la colonisation c’est « horrible », mais bon la France a aussi fait des trucs cools. On pourrait plus en parler.

    Les deux primo-votants rêvent finalement d’une école du début du siècle. Revenir à un enseignement strict, avec la part belle au français et à l’histoire, serait la meilleure des solutions selon eux. Sans oublier l’uniforme pour tous, évidemment.

    Les fichés S étrangers renvoyés dans leur pays

    Dans un des grands hangars du parc des expo, le Boléro de Ravel accueille les supporters de Marine Le Pen chauffés à blanc. Des « on va gagner ! » et « Marine présidente » fusent, drapeaux tricolores au poing. Sur quatre énormes écrans, disposés de chaque côté de l’espace, les clips de campagne de la candidate défilent.

    « Je ressens comme une violence extrême les restrictions des libertés qui se multiplient dans tout notre pays à travers le développement du fondamentalisme islamiste », assure – face à la mer – Marine Le Pen. Marc*, 22 ans et étudiant en droit à la Sorbonne applaudit :

    « Je serai ravis que dès la première seconde de son arrivée au pouvoir, elle expulse tous les fichés S étrangers. »

    Il admet tout de même que la plupart des fichés S sont français et pas exclusivement surveillés pour des faits de terrorisme. Mais pour ceux là, il voudrait « appliquer l’article 411-2 du code pénal ».

    Qu’est-ce donc ? En gros, une pénalisation systématique des fichés S : « il faudrait les enfermer ! Ou au moins qu’ils aient une amende ». Elsa, elle, voudrait « qu’on ferme enfin toutes les mosquées radicales ». Quand on lui rétorque qu’elles ne sont pas si nombreuses et que l’embrigadement passe surtout par internet, elle objecte :

    « Et bien tout de même, dans la seule mosquée de ma ville, il y a une entrée pour les femmes et une autre pour les hommes. Je ne suis pas féministe, mais je trouve ça aberrant. »

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    De jolis goodies au meeting. / Crédits : Inès Belgacem

    Le Franc sera de retour, parce qu’« avant on vivait »

    La foule est en liesse. Sous les acclamations, Nicolas Dupont-Aignan vient de s’installer derrière le pupitre, tout sourire. Le président de Debout La France, tout juste rallié à Marine Le Pen, joue les guests stars.

    En marge de la foule, Stéphane, 44 ans, agite son drapeau de droite à gauche. Il est venu de l’Yonne pour acclamer sa championne. Voilà 30 ans qu’il milite au Front. Il a même été candidat aux municipales dans sa commune. L’Europe : « il faut réviser les traités ou en sortir. Mais je pense sincèrement qu’on peut trouver des alliés. » L’euro : « il faut en sortir ». Il se souvient de l’époque du franc, où il pouvait sortir avec sa femme au cinéma, au restaurant, aller danser. Aujourd’hui, celui qui bosse à son compte comme peintre en bâtiment galère à joindre les deux bouts :

    « Avant on vivait, aujourd’hui on pense à remplir le frigo. »

    La faute à la monnaie européenne d’après lui. Un peu plus loin, Jean-Louis partage le même constat. Ouvrier sur les chantiers navals de l’Ouest de la France, il s’énerve :

    « Vers Saint-Nazaire, Lorient ou Vannes, vaut mieux savoir parler roumain ou polonais que français ! ».

    Il a rejoint le FN il y a 3 ans. « Depuis que je suis au chômage en fait. » A 62 ans, il votait jusque-là à gauche.

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    Marine Le Pen version grand écran. / Crédits : Inès Belgacem

    Il faudra « changer tous les journalistes »

    Le bonhomme a les yeux rivés sur Marine Le Pen, sur scène depuis déjà plus d’une demie heure. Les thématiques se succèdent : l’Europe, l’immigration, la famille, le terrorisme, du Macron le banquier en voici en voilà, et quelques petits pics en directions des journalistes. Sifflements et hués se prolongent. « De toute manière leur chouchou c’est Macron. Le patron de BFM, celui de FranceTV, ce sont tous ses amis. » Frantz, 22 ans, en a gros sur la patate. S’il n’en veut pas à tous les journalistes, il assure que les patrons de chaînes diabolisent le Front National.

    Le pire du pire pour lui ? « On n’est pas couché de Laurent Ruquier, c’est carrément de la propagande ! Il a comparé l’arrivée à Marine à celle de Pétain, faut arrêter. Et puis d’ailleurs il faudrait les sanctionner. »

    Dans son coin, Claudine, 62 ans et fervente auditrice de la radio catho tradi Radio Notre-Dame, estime qu’à l’arrivée de Marine Le Pen au pouvoir il faudrait veiller à  « changer tous les journalistes en place ». Dans une envolée complotiste, elle conclut : « Même si elle risque de se faire emmerder par le Nouvel Ordre Mondial. Le même qui a placé là monsieur Macron. »

    Toujours au pupitre, sur scène, les bras vers le ciel, Marine Le Pen répète vouloir être la Présidente de la « France apaisée ».

    On lui souhaite bien du courage.

    *Les prénoms ont été modifiés

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