En ce moment

    18/04/2011

    La dictature est tombée mais les installations du photographe-star sont arrachées des murs

    Dans les rues de Tunisie, gué-guerre entre colleurs d'affiches et censeurs après le passage de JR

    Par raouia kheder

    Le 20 mars, JR, le jeune photographe de 27 ans a créé la controverse en collant des portraits sur des bâtiments du pays au lendemain de la révolution du jasmin. Une expo éphémère, qui n'a pas convaincu. Après la censure, l'autocensure?

    Des centaines de participants. Six photographes, plusieurs modèles et des dizaines de bénévoles pour le collage. Tous ont répondu présents à l’appel de cette aventure. Certains animés par l’espoir que porte cette action dans la reconstruction de la Tunisie au lendemain de la révolution, d’autres ne voulant pas manquer cette occasion de travailler avec l’un des plus grands photographes et d’autres encore tout simplement portés par ce nouveau souffle artistique attendu.

    « Independance day » Artocratie a eu lieu le 20 mars, jour de l’indépendance, une date importante qui a été délaissée au profit du 7 novembre (date de prise du poste de président Ben Ali) selon les dires de plusieurs citoyens. Hela Ammar, Baraket, Dargueche, Dourai, Driss et Tnani sont les photographes formés à la ‘technique JR’’ qui ont shootés une centaine de visages tunisiens de différents milieux, âges, et professions. Les bénévoles étaient là pour les aider à coller les photos.

    Les populations des villes dans lesquelles a eu lieu l’événement étaient aussi là pour les accueillir: « Aujourd’hui, on a collé à Sidi Bouzid. On a été super bien reçu par toute la population. Ils nous ont posé beaucoup de questions, ont parfois discuté certains choix mais beaucoup sont venus nous aider à coller les posters » écrit Sophia Baraket sur la page dédiée à Artocratie sur Facebook.

    Voitures de flics Les photographes comme des nomades ont sillonnés les villes et les rues, de Tunis, à Sfax en passant par Sidi Bouzid. Ils se sont investi en laissant leurs traces un peu partout : à l’intérieur d’un poste de police incendié par les émeutes, sur des monuments emblématiques tels que la porte de France, dans le centre de Tunis, sur la façade du RCD (siège du parti du président déchu) et ont même collé sur une installation créée à partir de voitures de police incendiées…autant dire que l’art n’a pas de limites.

    Un événement aussi grand et aussi inattendu ne pouvait passer inaperçu. L’équipe d’Artocratie relate à chaud les feed back sur le mur Facebook du groupe créé spécialement pour l’événement. On peut y lire pour la ville de Sfax : « les gens ont bien compris et aimé l’idée de donner une place à l’art dans les rues et de remplacer les photos de l’ancien pouvoir par des images de gens normaux. Beaucoup ont posé des questions à l’équipe de photographes et ont aidé au collage.»

    On a été super bien reçu par toute la population.

    Nerfs à vif Malheureusement, ce genre de réaction n’était pas unanime. A Tunis par exemple, et après une longue et fatigante nuit de collage, aidés par les bénévoles, les photographes se sont vus déchirés tous leurs travaux pas plus tard que la matinée qui s’en suivit. Une triste nouvelle pour beaucoup, qui ont dénoncé un comportement anarchique et irresponsable. Pour d’autres, c’est une réaction de personnes qui passent par une phase d’intolérance et de nervosité liées à la révolution.

    A propos de cet incident, Hela Ammar dit : « Nous avons essayé de sympathiser, d’expliquer. Un vrai dialogue de sourds: leur arguments: nous sommes Tunisiens, pas vous, pas eux, plus que vous, plus que quiconque et c’est nous qui décidons de ce qui doit ou ne doit pas figurer sur les murs ! Mais ils sont une minorité. Nous avons travaillé avec une centaine de personnes que nous avons pris en photo et qui eux ont fait preuve de tellement de générosité et de tolérance.C’est pour rendre hommage à cette frange de la société que nous continuons. Des tunisiens authentiques, généreux et tolérants ! »

    Artocratie restera gravé dans la mémoire collective. L’exposition a été bien accueillie par la plupart, en l’occurrence à Sfax et Sidi Bouzid, ce qui prouve qu’une Tunisie nouvelle est réellement en train de se construire. L’arrachage des photos reste toujours une réaction, une preuve que l’art de rue ne passe pas inaperçu, qu’il interpelle d’une façon ou d’une autre et c’est ce que nous véhicule JR à travers ses photos. Et aujourd’hui, pour la première fois depuis 23 ans, le Tunisien s’approprie la rue, possède l’espace public et a son mot à dire. Peu importe que cela passe par l’arrachage ou le gribouillage…la rue est vivante, l’art est éphémère mais son impact est éternel dans les esprits et les mémoires.

    bqhidden. C’est nous qui décidons de ce qui doit ou ne doit pas figurer sur les murs !

    Le journalisme de qualité coûte cher. Nous avons besoin de vous.

    Nous pensons que l’information doit être accessible à chacun, quel que soient ses moyens. C’est pourquoi StreetPress est et restera gratuit. Mais produire une information de qualité prend du temps et coûte cher. StreetPress, c'est une équipe de 13 journalistes permanents, auxquels s'ajoute plusieurs dizaines de pigistes, photographes et illustrateurs.
    Soutenez StreetPress, faites un don à partir de 1 euro 💪🙏

    Je soutiens StreetPress  
    mode payements

    NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
    ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER