En ce moment

    20/05/2011

    La Mairie de Paris va virer les migrants de leur gymnase mais ils n'ont nulle part où aller

    Bavaria 8.6, joints et bastons pour du pain: Le purgatoire des migrants tunisiens avant l'expulsion

    Par Mathieu Molard

    Au gymnase de la Fontaine-au-Roi où sont réfugiés quelques 200 migrants tunisiens, on se saoule et on fume pour oublier la faim. Hier une procédure d'expulsion a été demandée par la Mairie alors que les hébergements d'urgence sont saturés.

    Devant le gymnase de la Fontaine-au-Roi , les banderoles présentes aux premiers jours du squat ont disparu, emportées par les militants d’extrême gauche . Plus de force de l’ordre non plus. Pourtant le gymnase n’est toujours pas vide: une soixantaine de personnes s’y entassent entre les ordures et les matelas jaunis. « Il y a environ 200 personnes la nuit, explique Taher originaire de Tataouine. La plupart des Français sont partis depuis quatre jours, les journalistes non plus ne viennent plus. » Aujourd’hui quelques soutiens sont revenus mais ils apportent de mauvaises nouvelles: Un document avec le logo de la mairie de Paris circule de main en main et fixe au « 19 mai à midi » l’ultimatum avant « l’expulsion ».

    Bastonnades Emmanuel Grégoire, chef du cabinet du maire de Paris Bertrand Delanoë, confirme à StreetPress qu’une demande d’expulsion va être déposée. « Elle ne sera pas appliquée avant la semaine prochaine », précise-t-il. Il met en avant les dégradations du lieu mais surtout les agressions dont aurait été victime le personnel de la mairie. « Ils se sont fait menacer avec des couteaux et des tessons de bouteilles ! Ils nous ont empêchés d’accéder au lieu. »

    Une femme venue soutenir les migrants raconte elle aussi avoir été copieusement bousculée. « Mais pas par les Tunisiens, seulement par les gens autour. Les militants ont beaucoup desservi leur cause. » Le directeur général de l’association France Terre d’Asile Pierre Henry, déplore aussi l’attitude de certains autonomes d’extrême-gauche: « Impossible de rentrer, on se faisait copieusement insulté. Leur philosophie c’était ni flics, ni journalistes, ni associations, ni mairie. Dans ces conditions comment discuter ? Avec en plus un collectif qui changeait de leader toutes les trois heures… Pour vous dire le bazar que c’était là-dedans : il y a même eu un ‘Collectif de la révolution tunisienne à Paris’ qui s’était formé ! »

    La faim Taher, qui dans une autre vie travaillait dans une usine de CD, raconte que la faim a poussé les migrants à se battre entre eux. « Dès qu’il y a ne serait-ce qu’un peu de pain tout le monde se jette dessus. Il y a des bousculades et des coups ». Des propos que confirme Aymel, allongé de l’autre côté du gymnase « Je n’ai pas mangé depuis hier soir (il est 18 heures, ndlr). On n’a pas de shampoing, pas de savon, ni de vêtements propres. » Ziyad a lui la tête tuméfiée à cause d’une de ces bagarres. A ses côtés Fathi, le visage creusé et les yeux rougis, qui confie souffrir de son dos: « Je ne bouge presque pas. Je dois dormir dans cette position. Marcher est très difficile pour moi. »

    L’alcool Tout au fond du gymnase, derrière un amas de tables de tennis de table, un petit groupe semble s’être isolé. Pour les rejoindre il faut dépasser un amoncellement d’ordures. Dans cette pièce sombre l’odeur est encore plus pestilentielle qu’ailleurs. Les bières bon-marché passent de mains en mains. La plupart des Tunisiens présents dans le gymnase sont passablement éméchés, sans que l’alcool ne déclenche l’euphorie. « Je sais que boire c’est mal, mais je regarde mon futur et il n’y a rien de bien. » se justifie Medhi. « Je suis dégoûté de la vie ». Juste à côté de lui un homme dort, le visage couvert par un vêtement. Hag intervient dans la conversation. « J’ai fait la révolution en Tunisie, j’ai cru que tout allait changer, que des choses incroyables allaient nous arriver. Et je suis là… ».

    300 lits et 345.000 euros Pour la mairie de Paris l’évacuation est inévitable. « Le lieu va devoir retrouver sa mission originale : accueillir les jeunes et les clubs de sports » explique Emmanuel Grégoire. Dans le courrier envoyé aux « Tunisiens de Lampedusa » la Ville de Paris se dédouane en rappelant qu’elle « vient de renforcer son aide (…) par le vote d’une subvention exceptionnelle de 345.000 euros comprenant la gestion de 300 places d’hébergement dédiées à ce public. » Elle se déclare aussi dans l’incapacité « d’assumer toute seule ce problème, pour toute la France ». « Jusqu’à présent nous sommes les seuls à avoir bougé. »

    div(border). h4>La rumeur du tournoi multi-sportUn bruit courrait au gymnase de la Fontaine-au-roi: La mairie voudrait libérer les lieux afin de permettre à l’association Belleville en vrai d’organiser son tournoi annuel multi-sports. Si l’évènement devait initialement avoir lieu au sein du Gymnase de la Fontaine-au-roi, l’association contactée par StreetPress précise qu’elle a décidé de le déplacer vers le gymnase Botzaris.

    Complet L’aide de la mairie est insuffisante comparée à l’ampleur du phénomène pour Pierre Henry, le directeur général de France Terre d’Asile: « Les 300 places sont occupées. Il n’y a plus de places dans le dispositif hôtelier. C’est évident que de manière globale, il y a plus de Tunisiens que de lits ». Même son de cloche du côté de l’association Aurore qui propose des hébergements d’urgence en foyer. « Depuis mardi nous sommes complets tous les soirs ». Pierre Henry, en mode Pascal Boniface: « La situation risque de s’empirer, des Tunisiens continuent d’arriver. Et si le conflit à la frontière libyenne ne s’arrête pas, la situation va devenir très grave. »

    C’est évident que de manière globale, il y a plus de Tunisiens que de lits

    En attendant les migrants du gymnase de la Fontaine-au-roi sont désarmés devant la menace de l’expulsion: « Même avec des papiers italiens, ils ne veulent pas nous embaucher. C’est papiers français ou rien, explique Mohammed un joint entre les doigts. Avant je cherchais du travail toute la journée mais ça ne sert à rien. Si c’est pour se faire arrêter tout le temps par les policiers pourquoi sortir ? »

    Le journalisme de qualité coûte cher. Nous avons besoin de vous.

    Nous pensons que l’information doit être accessible à chacun, quel que soient ses moyens. C’est pourquoi StreetPress est et restera gratuit. Mais produire une information de qualité prend du temps et coûte cher. StreetPress, c'est une équipe de 13 journalistes permanents, auxquels s'ajoute plusieurs dizaines de pigistes, photographes et illustrateurs.
    Soutenez StreetPress, faites un don à partir de 1 euro 💪🙏

    Je soutiens StreetPress  
    mode payements

    NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
    ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER