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    21/05/2011

    Procès Rue89/Lola Karimova: le compte-rendu

    Par M G

    Jeudi 19 mai, la fille du « président » Ouzbek Islam Karimov réclamait à Rue89 30.000 euros pour l'avoir qualifié de « fille de dictateur ». Même l'avocat de la partie civil était gêné … mais a insisté pour que ce procès ne soit pas p

    Jeudi 19 mai – Tribunal de Grande Instance de Paris: La fille du président Ouzbek Islam Karimov réclame à Rue89 30.000 euros au titre de préjudice pour un article publié le 20 mai 2010, intitulé Sida : l’Ouzbékistan réprime à domicile mais parade à Cannes

    Dictature Lola Karimova avait été outrée par l’expression « filles de dictateur » employée dans l’article, et n’avait pas non plus supporté d’être suspectée de vouloir « blanchir l’image de son pays ». Un mobile « grotesque » pour la défense, au vu de la situation politique et de la liberté de la presse (catastrophique) en Ouzbékistan.

    Rue89 comptait démontrer que l’Ouzbékistan était bien une dictature répressive, et que le parallèle entre les filles et le père n’était pas dénué de sens au vu de leurs liens étroits. Le site d’information a fait venir à la barre 3 témoins à charge: Deux femmes ouzbeks réfugiées politiques en France; ainsi qu’une journaliste de Backchich, qui avait les preuves écrites du montant payé par les sœur Karimova pour faire venir Monica Bellucci à un de leur gala (230.000 euros).

    Viol « Des milliers d’enfants sont exploités dès 8 ans dans les champs de coton, de nombreux meurent, la vie humaine ne vaut rien dans notre pays… » s’insurge Nadejda Atayeva, témoin et présidente de l’association Droits de l’Homme en Asie. « Toutes nos institutions sont soumises à Islam Karimov et aux caprices de ses filles. Les filles Karimov sont strictement liées au pouvoir et leurs actions caritatives sont faites dans une démarche personnelle, elles ne sont pas utiles au pays. »

    Le témoignage de Mutabar Tadjibayeva était particulièrement poignant, et révélateur de la triste situation des droits de l’Homme en Ouzbékistan. Cette femme de 48 ans, journaliste indépendante qui se battait dans son pays contre la corruption, fut kidnappée, violée puis jetée en prison, quand malgré les menaces et le danger elle ne se résignait pas à se taire. Mutabar détenait en effet un rapport de 200 pages qui était la preuve de la culpabilité du gouvernement dans le massacre de 2005 à Andijan . Sans procès équitable, elle est restée 2 ans et 8 mois en prison, torturée, sans vêtement pour l’hiver, et opérée des ovaires sans motifs: « On faisait pression sur moi pour que j’avoue ma culpabilité de terroriste. Ils ont tout fait pour que je me taise car ils savaient que j’avais des informations ». Elle n’a pu s’en sortir que grâce à la pression internationale.

    Diffamation Du côté de la partie civile, l’accusation était légère, mais surtout… embarrassée. Pour commencer sa plaidoirie, et après ce témoignage éprouvant, l’avocat de Mme Karimova, visiblement gêné,  n’a pu s’empêcher de dire qu’il avait ressenti sa douleur et qu’il était désolé pour ce qu’elle avait vécu … mais qu’il n’était là que pour défendre sa cliente. Il s’est ensuite outré qu’on fasse de ce procès un procès politique, alors qu’il n’aurait dû s’agir que de diffamation. Mais ni son discours, ni la vidéo de propagande kitsch présentée (montrant Lola Karimova dans son centre caritatif, embrassant des enfants handicapés, sur une musique douce), n’ont su convaincre le ministère publique, qui a affirmé que « les faits de diffamation ne sont pas caractérisés ». Verdict le premier juillet.


    Mutabar Tadjibayeva, kidnappé et torturée en Ouzbékistan

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