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    24/08/2012

    Le nombre de joueurs continue de baisser et les sites ferment à tour de bras

    Après la teuf, la gueule de bois du poker en ligne

    Par Robin D'Angelo

    Sur StreetPress les joueurs de poker en ligne font part de leur desarroi: «La réserve de mauvais joueurs arrivée en 2010 s'est épuisée.» En 2012 dur dur de gagner de la fraiche sur le web. Et ce ne sont pas les opérateurs qui diront le contraire.

    Coup de blues pour le poker en ligne: L’Autorité de régulation des jeux en ligne a publié au début du mois d’aout son « état des lieux du marché » pour le 2e semestre 2012. Et les chiffres ne sont pas au top : Le nombre de comptes de poker en ligne a diminué de 9% par rapport à la même période en 2011. Un deuxième semestre de baisse consécutive après les – 3% du début 2012.

    Pendant ce temps-là, Patrick Bruel se faisait auditionner par la police dans une affaire de parties clandestines tandis que ton tonton revendait sa malette sur LeBoinCoin.fr comme une centaine d’autres. Bad rush : Elle est loin l’époque des parties entre amis du samedi soir où même ta copine connaissait Gus Hansen.

    Mode

    Petit rappel : Le 1er juin 2010 le secteur des jeux en ligne est ouvert à la concurrence. Les sites de poker en ligne qui opéraient jusque-là de façon illégale en France sont dorénavant autorisés à partir du moment où ils bénéficient de l’agrément de l’Arjel, sorte de ministère des jeux en ligne . Au top de la pokermania, c’est le jackpot.

    Les joueurs du dimanche – initiés sur les conseils de Patrick Bruel sur Canal + – peuvent franchir le pas du poker en ligne en toute sécurité, et les opérateurs touchent le gros lot: 653 millions d’euros de produit brut entre juin 2010 et décembre 2011. A cette époque les pubs PokerStars et Winamax floodent ta télé : Impossible de ne pas savoir ce qu’est un all-in.

    Chaîne alimentaire

    2 ans à peine après l’ouverture du marché, le poker est passé de mode. Premiers témoins, les joueurs semi-professionnels, comme Eloi Relange, 36 ans, qui fait part de son spleen à StreetPress. Il n’y a presque plus de gogos dans les pokerooms.

    « C’est devenu vraiment très difficile de gagner 3.000 euros par mois. Maintenant, un mec avec du talent mais qui ne travaille pas, il se fait exploser, alors qu’avant il pouvait bien gagner »

    Le problème ? Les « fish » – ces joueurs faciles à plumer – se font rares sur les tables de poker en ligne. Eloi Relange, qui a aussi été champion d’échecs, détaille le mécanisme inévitable qui a fait du « fish » une espèce en voie de disparition :

    « Tous les joueurs neufs marketés qui sont arrivés à l’été 2010 et qui ne jouaient pas bien, soit ils se sont améliorés, soit ils ont continué à perdre et donc ont fini par arrêter. La réserve s’est épuisée, et on se retrouve entre semi-pros. »

    Dur, dur pour « les sharks »

    Les joueurs aguerris ne trouvent plus de quoi se substanter et finissent fatalement par disparaître aussi. Julien, 28 ans, a « fortement diminué » son temps de jeu :

    « Pour gagner 100 euros par mois, ça m’intéresse beaucoup moins de jouer au poker en ligne. »

    Nicolas, 32 ans et une participation au World Series Of Poker (le plus prestigieux tournoi de poker à Las Vegas) a complétement arrêté alors qu’il rêvait de passer pro :

    « Ca commençait à me gonfler. Je stagnais, j’y passais trop de temps par rapport à mes projets perso. Et puis avec ma copine ça n’allait pas le faire. »

    D’autres un peu plus « fish » comme Julien, 27 ans, qui a joué de 2010 à 2011, ont laissé tomber parce « qu’ils en avaient marre de perdre. » Le jeune capitaine de péniche dénonce aussi le « côté chronophage » du poker en ligne, « moins ludique » – selon lui – que les parties entre amis.

    L’évolution des requêtes “Everest Poker” sur Google France !

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    Bank run

    Joint par StreetPress, Benjamin Sorge, directeur marketing chez Pokerstars, ne veut pas communiquer sur les bénéfices de son employeur, mais reconnaît que « ce n’est pas évident » de gagner de l’argent. Depuis le début de l’été, c’est l’hécatombe chez les opérateurs de poker en ligne. Au mois de juillet les sites Chilipoker.fr (filière de Free) et Winga.fr fermaient boutique . En juin, la pokeroom codétenue par la Française des Jeux et le groupe Barrière annonçait une perte nette de 29,79 millions d’euros pour l’année 2011 tandis qu’Everest Poker présentait un déficit de 90 millions d’euros . Un coup d’oeil (voir ci-contre) sur l’évolution des requêtes sur Google des mots-clefs « Everest Poker » suffit à vous expliquer pourquoi. On pourrait aussi vous parler des fermetures de Full Tilt et de Sajoo l’année denière.

    A 83 ans révolus, Georges Tranchant – fondateur du groupe éponyme, 3e casinotier de France – n’a aucun regret d’avoir laissé tomber l’activité de poker en ligne en juillet dernier :

    « Ca marchait vraiment très mal, une calamité économique. On a du perdre dans les 300.000 ou 400.000 euros. En France tous les confères perdent de l’argent, même les grands acteurs internationaux… Les joueurs ne peuvent pas se reproduire à l’infini ! »

    Matraquage publicitaire

    Alors caput le marché du poker en ligne ? Eloi Relange, en expert averti, estime que « tous les canaux ont été épuisés. » Avant d’énumérer toutes les pubs qu’il a vu à la télé et sur Internet :

    « A partir d’un moment, tous les mecs qui pouvaient potentiellement jouer ont essayé. »

    Du côte de PokerStars, le directeur marketing Benjamin Sorge confirme que « le coeur de cible des joueurs de pokers ne peut plus grandir. » D’ailleurs coté pub, les budgets sont à la baisse. Et les contrats « des ambassadeurs » Gaël Monfils ou Sébastien Chabal n’ont pas été renouvellés pour l’année 2012.

    Ta mère sur PokerStars

    A PokerStars, on veut néanmoins croire qu’il existe des « cibles complémentaires » pour le marché du poker : « les mobiles, les iPad, les femmes. »

    « Si vous avez ½ heure de transport par jour, vous pouvez jouer à un jeu sur votre smartphone. Et avec l’iPad il y a une approche plus ludique, plus familiale. »

    Plus que le rétrécissement du marché, le directeur marketing de PokerStars pense que la législation française est d’abord la responsable des difficultés du secteur : « Il y a la gaming taxe de 35% sur nos revenus qui complique notre développement économique. »

    Eloi Relange, à la tête de « la Poker Academie »- des masterclass de poker contre rénumération – préfère lui refléchir à une reconversion.

    « On estime que le poker est en train … de souffir. Maintenant on se ré-oriente vers des cours de trading. »

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