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    31/08/2012

    Ils sont tombés dans la marmite quand ils étaient petits

    Born In Porn

    Par Robin D'Angelo

    Sur StreetPress, Anaïs, pornophage depuis ses 14 ans, est enthousiaste : « le porno a été hyper libérateur. Ça m'a donné l'autorisation tacite de me masturber. » Comme Mathieu, Alex et Clarisse, elle passe au rayon X son régime de films pornos.

    Anaïs – 27 ans – Mate une fois par semaine – Initiée à 14 ans

    « Quand il y a une étude sur le porno, c’est toujours pour en pointer les aspects négatifs ! » Alors pour faire entendre une autre voix, Anaïs a pris son courage à deux mains et a décidé de témoigner à visage découvert.

    Consommatrice régulière depuis ses 14 ans, le porno a pour elle été « émancipateur. »

    Sur les 5 filles qui ont souhaité se faire interviewer par StreetPress, c’est la seule qui a osé aller jusqu’au bout. Ce qui l’excite : le porno amateur sur YouPorn.

    La première fois que tu t’es masturbée devant un porno ? J’ai vu mon premier film pendant un baby-sitting quand j’avais 14 ans. Je faisais des baby-sittings les samedi soirs et je suis tombée sur une chaîne qui s’appelait XXL. Je me faisais chier, je regardais la télé, il était une heure du mat’ et là bim. Je me souviens avoir été vachement… surprise ! J’ai beaucoup gardé ces enfants-là, donc c’était devenu mon rendez-vous du samedi soir. Je me disais « tiens, ce soir il y a baby-sitting, tiens ce soir ça va être cool ! »

    Tu dis que le porno a été « hyper libérateur ». Ça a été hyper libérateur parce que j’avais une activité masturbatoire depuis très longtemps et avoir vu ça, mais putain, ça m’a fait trop du bien ! Mine de rien quand t’es une gamine de 12 ans et que t’essaies d’en parler à deux ou trois copines, c’est no way, c’était le truc hyper sale. Du coup, ça me renvoyait une mauvaise image de moi-même, culpabilisante. Je me sentais hyper mal… Et là, tout d’un coup, tu te dis ça existe. Tu vois des meufs le faire. C’est l’explosion, ça te donne l’autorisation tacite de te masturber.

    Le porno a influencé ta sexualité ? Ça permet de t’améliorer. T’as envie d’être un bon coup et des fois, tu vois une meuf dans un porno et tu te dis respect, que ce truc, tu ne l’aurais pas fait comme ça. Y’a un peu un côté compétition féminine. Par exemple la fellation. Tu vois deux ou trois vidéos de meufs qui sucent comme tu n’y avais pas pensé. Et du coup tu essaies, tu travailles, ça devient un exercice. Mais comme tout… Tout est un exercice, hein ! Les gens te disent « mais la sexualité c’est pas ça. » Mais si, c’est ça ! Parce que je n’ai pas envie que mon mec se dise : « ouais ma meuf elle est cool, mais par contre elle ne suce pas très bien. » Ce n’est pas une bonne pipe qui va le garder à la maison mais j’ai envie d’avoir toutes les chances de mon côté.

    Tu te dis féministe : tu n’es pas gênée par l’image des femmes dans le porno ? Ça pose problème à la société de voir une femme comme ça. On estime qu’une femme, c’est d’abord une mère et qu’elle ne peut pas être une chienne comme dans les films. On ne peut pas imaginer ça ! Mais j’ai une partie en moi qui revendique ce côté « chienne » : oui, on peut être aussi comme ça ! Chez toi, le samedi soir, quand tu as bu trois bières et que t’es avec ton mec, t’es comme ça !

    Dans le couple moderne, l’idée c’est d’être dans la parfaite égalité, le ménage, les courses… Et le porno entre en contradiction avec tout ça. Parce qu’au lit, ce n’est pas l’endroit où on est à égalité. Dans la sexualité, il y a des rapports de domination, et qui s’interchangent.

    Le porno permet de t’améliorer

    J’ai une partie en moi qui revendique ce côté « chienne »

    Au lit, ce n’est pas l’endroit où on est à égalité.

    Alex – 23 ans – Mate tous les soirs – Initié à 12 ans

    Dès 12 ans, Alex a eu Internet. C’est donc grâce au Modem 56k de papa et maman qu’il a regardé son premier porno. Une ressource qui a vite fait de lui la star du collège :

    « C’est moi qui alimentais en film porno les mecs de ma classe. »

    Avec ses études de montage vidéo, Alex aimerait beaucoup travailler dans le milieu de X mais regrette le manque d’opportunités. En attendant, il monte des teasers de film porno pour une société spécialisée dans les vidéos pour smartphones.

    En 2012, est-ce que tu te branles encore sans aucun support visuel? C’est compliqué maintenant. Ça m’arrive toujours mais vraiment de moins en moins. Depuis que je ne suis plus chez mes parents, que j’ai Internet chez moi, ça a bien changé. Ça doit encore arriver une fois sur 10 que je masturbe en pensant à des baises que j’ai déjà eues. Ou à une jolie fille que j’ai maté dans le métro. Mais sinon c’est presque toujours devant un porno.

    Il y a un moment que tu privilégies pour ton activité ? Oh non, c’est plus sur des coups de tête. Si je suis tout seul chez moi et que y’a personne… En plus, comme je traîne beaucoup sur des Tumblr, des sites comme Le Tag Parfait où sur Twitter ou je suis le fil American Apparel (marque de fringues connue pour ses pubs très hot, ndlr) … tout de suite ça fait monter le truc. Et après je vais sur les tubes (des sites qui hébergent des vidéo). Ça peut être aussi les trucs un peu déviants. Depuis que je suis gamin, j’ai toujours voulu voir les trucs les plus oufs et le porno, ça en fait partie. Genre 5, 6 mecs avec une fille au milieu. Mais c’est plus pour me marrer. C’est juste fou. Pour me branler, je passe à des trucs plus soft.

    Tu assumes à 100 % d’être un gros branleur ? Oui. De toute façon on est tous comme ça. Ça ou regarder des séries, c’est pareil. A mes copines, je leur dis que je regarde du porno. De toute façon, elles savent que tous les mecs le font. Par contre, je ne leur dis pas exactement ce que je regarde. C’est compliqué. T’as les fantasmes d’un côté et ce que tu fais de l’autre. Et tes fantasmes, tu n’as pas forcément envie de les faire dans la vraie vie. La meuf pourrait penser que je mate ça – un truc où tu vois une nana qui se fait juste démonter – et du coup croire que je suis comme ça. Elle pourrait se faire de fausses idées. Je cache ça parce que ça pourrait être mal interprété. C’est bien de séparer les deux : ce qui est viable et ce qui n’est pas viable… En fait tout est viable mais est-ce que je pourrais assumer ? Il y a des trucs je n’aurais pas les couilles de le faire.

    Ta copine idéale, elle baise comme une pornstar ? Tu cherches forcément un peu un meuf qui baise comme une pornstar. Tu kiffes là-dessus. Après, les meufs que je mate dans les pornos, elles sont refaites. C’est pas vraiment le genre de filles avec qui tu peux sortir. Mais une meuf qui baise comme une pornstar… Ouais ! Ouais j’aimerais bien. Qu’elle se lâche un peu, qu’elle voit que le porno, c’est sympa. C’est bien d’être ouverte un peu.

    Sinon t’as déjà joui sur le visage de ta copine ? J’ai essayé quand j’‘étais plus jeune. Ce n’est pas qu’elle n’était pas forcément au courant… mais… ‘fin, c’était nul. C’est juste nul. Je me suis senti extrêmement seul après. C’est le truc que je ne referai plus jamais. C’est moche. Ça m’a juste rendu triste.

    Ça m’arrive vraiment de moins en moins de me masturber sans porno

    Depuis que je suis gamin, j’ai toujours voulu voir les trucs les plus oufs

    Je ne dis pas à mes copines exactement ce que je regarde

    Avoir joui sur le visage d’une fille, ça m’a juste rendu triste

    Mathieu – 29 ans – Mate une à deux fois par jour – Initié à 9 ans

    D’entrée de jeu, Mathieu confie avoir été « addict au porno. » Alors s’il a accepté de témoigner, c’est aussi pour mettre en garde les lecteurs de StreetPress :

    « Sans dire que le porno a flingué ma vie, je préconise une grande prudence quant à celui-ci parce que des personnes sans un certain équilibre social peuvent s’y enfermer. »

    Aujourd’hui, il estime avoir retrouvé une consommation « pour le plaisir. » Ses objectifs pour 2013 : trouver une copine qui aimerait le X autant que lui et lancer une webradio consacrée à la culture porn.

    Accro au porno, ça veut dire quoi ? Quand t’es accro, ça peut monter à 5 ou 6 fois par jour. C’est tous les jours, sinon tu te sens pas bien. C’est quand tu n’arrives plus à te dire « je peux m’en passer ». Quand tu te dis « plutôt que d’aller draguer, je mate un porn ». Limite, ça te rend flemmard de baiser. Quand tu attends que ta copine se barre pour pouvoir mater. Quand t’en es à ce point-là, il temps de remettre les choses dans l’ordre.

    Le déclic qui t’a fait changer de consommation ? Quand j’ai eu ma première copine, je n’avais connu que cette sexualité. Et je me suis dit : « putain le sexe, c’est pas terrible. » En même temps, c’était les premières fois, on est en droit de se dire ça. Mais la fois suivante quand tu te retrouves avec une fille qui a de l’expérience, tu comprends que c’est toi qui a un problème. T’es là en train d’attendre qu’elle fasse des trucs de fous que t’as vu dans les films… mais en fait ta copine ce n’est pas une pro. Quand bien même elle aimerait le sexe, tu ne peux pas lui faire faire tout ce que tu vois dans les films.

    Je comparais les deux, alors que ce n’est pas comparable. Du coup, je me suis retrouvé à faire une pause par rapport à ça, le temps d’accepter que je ne retrouverai jamais au lit les sensations que j’ai grâce à la pornographie. J’aurai un autre plaisir, qui est tout aussi bien, et en plus que je partage.

    Tu as déjà mis en pratique ce qui te plaît dans les films ? J’ai déjà pratiqué le sexe en groupe, on était 6 mecs sur une femme. Mais ça ne m’a pas plu. En film je trouvais ça excitant. Ça avait l’air bien comme ça, mais en fait ça ne l’était pas du tout. A un moment, je bandais à moitié. Quand elle est occupée avec d’autres mecs, tu fais quoi ? Ben tu discutes avec ton pote : « alors la semaine s’est bien passée ? »

    Mais j’aimerais essayer la double-pénétration. On peut voir le porno comme un truc émancipateur, qui te fait découvrir des pratiques. Il ne faut juste pas que le côté hardcore – le « bourrinage » – fasse mal à la fille. Il y a quand même des risques.

    Tu te vois mater du porno toute ta vie ? Je te dirais ouais. Mais dans l’idéal, faudrait que je me trouve une meuf qui en regarde aussi. Les filles n’osent pas le dire, mais il y en a qui regardent. Celles qui regardent sont vachement open, ça émoustille, c’est bien. Tu te masturbes avec ta copine devant un film.

    Mais des filles comme ça, je n’en ai pas rencontrées beaucoup. Une ou deux, maximum. Il n’y en a pas assez. Si déjà la société arrêtait de mettre la pression sur les femmes, genre : « vous n’avez pas le droit d’assumer votre sexualité…. »

    Quand t’es accro au porno, ça peut monter à 5 ou 6 fois par jour

    je ne retrouverai jamais au lit les sensations que j’ai grâce à la pornographie

    Dans l’idéal, faudrait que je me trouve une meuf qui en regarde aussi

    J’ai déjà pratiqué le sexe en groupe… En film je trouvais ça excitant

    Clarisse – 27 ans – Au plus fort 3 à 4 fois par semaine – Initiée à 20 ans

    Clarisse ne s’appelle pas Clarisse. Et pour se faire prendre en photo, elle insiste pour porter un masque.

    « C’est que je suis très parano »

    Avec son tailleur sombre et ses cheveux attachés, la jeune femme qui travaille dans le marketing a tout de la parfaite working-girl. Une image lisse qui contraste avec sa consommation de porno – parfois 3 à 4 fois par semaine « sur PornHub exclusivement ». Ce que vous allez lire, Clarisse ne l’a d’ailleurs raconté « qu’à une ou deux personnes ». « J’aurais trop peur de me faire juger. »

    Parfois une fois par mois, à d’autres moments 3 à 4 fois par semaine… Qu’est-ce qui fait changer ta fréquence de consommation de porno ? Ma fatigue, si j’ai quelque chose à faire ou pas. En fait ce n’est pas lié au fait d’avoir un mec ou non. En ce moment je bosse beaucoup et quand je rentre je suis crevée. Par contre l’année dernière je travaillais en freelance. Alors il y a eu des périodes où je ne bossais pas. Forcément, on a plus de temps pour soi…

    Qu’est-ce tu aimes regarder ? En fait, je sais surtout tout ce que je n’aime pas ! Toute l’industrie hollywoodienne par exemple, ça ne m’excite pas du tout. Les filles n’ont pas l’air naturelles, c’est hyper sujoué…. Je n’aime pas du tout voir ces filles sans défauts, les seins hyper refaits, les mecs épilés. Et comme je suis une fille, je sais très bien ce que c’est de prendre du plaisir ou pas. De simuler ou pas.

    En fait j’adore toutes les vidéos vintage. Je ne regarde presque que ça. C’est plus naturel, tu sens qu’ils prennent leur pied. Et puis c’est rigolo, il y a un côté festif. Un acteur comme Ron Jeremy, il n’est pas du tout excitant. Mais ses film sont incroyables ! Les histoires sont folles, les mecs ont toujours l’air d’être là par hasard et les filles sont super chaudes. Beaucoup de vidéos actuelles sont violentes, il y a trop de domination.

    J’aime bien aussi tous les trucs un peu japanim’. Mais ce n’est pas facile d’obtenir de bonnes vidéos gratuites. Il n’est évidemment pas question que je mette un sou là-dedans ! Et je regarde aussi un peu de porno amateur. Plutôt des orgies. Mais des trucs équilibrés, pas des gang bang.

    Le porno pour fille t’y crois ? Il y a un an et demi, PornHub a changé de slogan. Ils sont passés de « The site that make your dick hard » à « The site that make your dick hard and your pussy wet ». Et maintenant, ll y a une catégorie qui s’appelle Girl friendly.

    Mais les vidéos qu’il y a dedans, c’est un peu les couvertures de la bibliothèque rose. C’est genre des beaux étalons, chemises ouvertes, jean déchirés, cheveux au vent … Ce que je regarde, c’est vachement lié à mes fantasmes. Et tout ce qui est lisse, ça fait déjà partie de ma vie. Donc ce n’est pas ça que je kiffe imaginer. Je préfère des orgies à tout va. Mais j’ai aussi besoin de retrouver des références du réel. C’est pour ça que tous les trucs violents, je déteste, parce que je n’envisage pas.

    Tu t’es déjà sentie coupable après avoir matté un porno ? Oui. Mais c’est plutôt après la masturbation en général. L’orgasme féminin, ce n’est pas un mythe mais c’est super difficile à atteindre. J’ai déjà eu des petits amis qui ne m’ont pas fait jouir. Ca crée une frustration et à un moment donné, tu as forcément envie de décharger. En me masturbant, je pense aux films et pas à mon mec. Après je culpabilise. Je me dis que je ne partage pas le truc. Et surtout je me dis que je suis une grosse menteuse, parce que je n’ai pas dit à mon mec qu’il ne me faisait pas jouir… Mais je mets au défi n’importe quelle nana de dire à son mec qu’il ne la fait pas jouir et d’avoir une vie saine et équilibrée avec lui après.

    T’as un rituel quand tu mattes un porno ? Oui toujours. Déjà c’est tout le temps dans mon lit. Il faut que ce soit très calme chez moi – ce qui n’est pas trop difficile, j’habite chez ma mère mais elle est très souvent absente. Il faut qu’il n’y ait aucune lumière allumée. Sauf une petite lampe de chevet que je laisse pendant que je regarde les vidéos.

    En fait je vais regarder 10 ou 15 vidéos à la suite pour faire le plein d’images dans ma tête. Puis je ferme mon ordi, et je me masturbe. C’est toujours comme ça que ça fonctionne. L’orgasme vient super vite. Sans accessoire, rien de rien. D’ailleurs ça ne me chauffe pas du tout les sextoys, j’ai super peur de me faire mal.

    T’as déjà fait une sextape ? Non. J’ai trop peur que ça se retrouve. Je n’ai pas du tout envie qu’il y ait des images de moi nue. Mais pour être honnête ce n’est pas l’envie qui m’en manque. Je ne le ferai pas avec 1.000 personnes. Si c’est un mec avec qui j’ai confiance et qu’il me filme avec son iPhone ça peut être rigolo.

    Ma consommation n’est pas liée au fait d’avoir un mec ou non

    Tout ce qui est lisse, ça fait déjà partie de ma vie. Donc ce n’est pas ça que je kiffe imaginer

    En me masturbant, je pense aux films et pas à mon mec. Après je culpabilise

    bqhidden. Je vais regarder 10 ou 15 vidéos à la suite pour faire le plein d’images dans ma tête. Puis je ferme mon ordi, et je me masturbe

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