En ce moment

    10/11/2011

    Partie 1: Sefyu 2012

    Sefyu: « Voter ne veut pas dire nécessairement choisir un candidat »

    Par Etienne Gin

    Sur StreetPress Sefyu est convaincu qu'en France « la démocratie au sens propre n'existe pas ». Dans son dernier album Oui je le suis, il casse beaucoup du politique. Aussi il s'est mis à la batterie. Interview en deux parties.

    Dans « L’insécurité », un des morceaux phare de ton nouvel album tu dis: « L’insécurité un fond de commerce donc ils ne veulent pas qu’on se casse ». Tu nous expliques ?

    On le voit à l’aube de chaque élection, il y a les mêmes émissions qui reviennent. La question qu’il faut se poser c’est « À qui profite le crime ? ». Il y a des émissions sur des jeunes qui partent en vacances, qui vont dans des stations balnéaires. A coté, on nous montre les quartiers, ou alors, les jeunes qui déambulent à Chatelet-Les Halles ou à Gare du Nord et qui s’en prennent à d’autres groupes. Je pense que le concept est clair : on a envie de montrer qu’il y a des confrontations de jeunes, qu’il y a des embrouilles. Surtout quand ces jeunes viennent des quartiers, des banlieues. On pense alors que tous ces jeunes sont vecteurs d’insécurité.

    Tu penses donc que les politiques jouent là-dessus pour se faire élire…

    Il y a des choses qui sont réelles : je pense que les rivalités entre jeunes existent. Mais je ne pense pas qu’il faut toujours se servir de cet argument à l’aube d’une élection. Je pense que l’on est dans une politique de spectacle où la peur est un argument. Quand tu dis à quelqu’un : « tu es malade, tu vas mourir dans deux mois », la personne tu peux lui donner tous les médicaments possibles, elle va les avaler. Tout ça parce que c’est le médecin, et qu’il a une légitimité. Je pense que c’est pareil pour les politiques : ils nous font avaler n’importe quoi !

    L’Insécurité – Sefyu

    La démocratie c’est jusqu’où ? Il y a une délimitation que l’on ne nous dit pas

    Tu penses que les médias sont complices du pouvoir ?

    Oui, je pense que les choses pourraient être différentes. Aujourd’hui on est dans une guerre des médias et des images. Chaque parti est affilié à un titre de presse ou à une chaine télé. Par exemple, TF1 est proche de l’UMP et France 2 sont un peu plus socialistes. Avec leur audimat, il est évident qu’ils ont beaucoup d’influence. Les politiques se servent des médias pour manipuler l’opinion publique. Les médias nous prennent pour des consommateurs d’images. On consomme la peur : quand il y a la grippe A il faut se faire vacciner, même s’il n’y a pas de risque de l’avoir. En fait, tu es leur mouton et leur cobaye.

    Comment juges-tu la démocratie aujourd’hui ?

    Aujourd’hui la démocratie au sens propre n’existe pas. C’est juste une manière de respecter la charte « liberté égalité fraternité ». En France, on voit que tout est sous contrôle. Il y a une démocratie visible, car chaque personne a le droit de dire ce qu’elle pense. Mais en réalité, l’état français a ses limites. Tu peux influencer un auditoire, mais arrivé à un stade, on te dit « là tu vas trop loin ! ». Donc, la démocratie c’est jusqu’où ? Il y a une délimitation que l’on ne nous dit pas.

    Tu te vois jouer un rôle à la prochaine présidentielle ?

    Je pense que tous les leaders d’opinion peuvent avoir une influence pour inciter les gens à aller voter. Mais le rôle d’un rappeur, c’est plus le rôle d’un citoyen. Mais voter ne veut pas dire nécessairement choisir un candidat…

    J’ai même appris la batterie

    Toujours dans « L’insécurité » tu dis « Pourquoi parle-t-on jamais aux riches d’intégration ? ». Ça veut dire que les rappeurs sont intégrés puisqu’ils vendent des disques ?

    Socialement, on continue à nous demander de quelle origine on est. On me dit souvent « t’es d’où ? ». Donc je réponds « Aulnay-sous-Bois dans le 93 ». Et on me reprend souvent « oui, mais tu es de quelle origine ? ». Comme ça se voit à ma couleur de peau, avant de parler d’intégration il faudrait parler d’intégrité. Car avant tout, il faut voir la manière dont on considère les gens. Et dans le hip-hop, c’est pareil. Si on te dit que ceux qui font de la variété sont des artistes de chanson française, que ceux qui font de la pop sont des artistes de pop et que ceux font du rap sont des rappeurs, forcément c’est une manière de te mettre à l’écart. Donc oui dans le rap, il y a des marginaux, des gens qui ne veulent pas se mettre dans le rang. Mais se mettre dans le rang pour ne pas être considéré comme tout le monde, ça ne vaut pas la peine. Si je viens dans le rang et que j’ai une étiquette de plus, ça sert à quoi ?

    Tes thèmes de prédilection sont toujours l’intégration et le racisme. Mais qu’apporte ton troisième album par rapport aux deux premiers ?

    J’ai voulu être dans la continuité. Sur les thématiques, on m’a déjà entendu, vu que je m’adresse toujours aux jeunes de banlieue. Par exemple, j’essaye d’exposer ma vision vis-à-vis des jeunes qui se mettent dans des rôles de victimes. Car parfois ça ne fait pas avancer les choses. Mais face à ça, il y a la protection sociale avec les forces de l’ordre qui ne font pas toujours bien leur boulot. Ça conditionne les jeunes, et j’en parle dans le morceau « L’insécurité ». Au niveau musical, cet album est plus varié qu’avant, où la touche était très new-yorkaise. Sur cet album, c’est même parfois dans la tendance sur certains sons. J’ai testé des expériences comme sur « Ze boss », où il y a même un batteur ou un bassiste. Mais la première fois que je suis monté sur scène à Aulnay-sous-Bois, j’avais joué avec un bassiste et un batteur. J’ai même appris la batterie, donc c’est quelque chose qui m’intéresse.

    5 minutes – Sefyu

    bqhidden. Se mettre dans le rang pour ne pas être considéré comme tout le monde, ça ne vaut pas la peine

    Le journalisme de qualité coûte cher. Nous avons besoin de vous.

    Nous pensons que l’information doit être accessible à chacun, quel que soient ses moyens. C’est pourquoi StreetPress est et restera gratuit. Mais produire une information de qualité prend du temps et coûte cher. StreetPress, c'est une équipe de 13 journalistes permanents, auxquels s'ajoute plusieurs dizaines de pigistes, photographes et illustrateurs.
    Soutenez StreetPress, faites un don à partir de 1 euro 💪🙏

    Je soutiens StreetPress  
    mode payements

    NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
    ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER