02/09/2010

Critique : Submarino de Thomas Vinterberg

Par Emilie Kestler

Retombé doucement dans l'anonymat après son prix du jury à Cannes en 1998 avec l'inoubliable Festen, Thomas Vinterberg se rappelle à nous avec Submarino : un film intense et magistral.

Les Danois sont, des Européens, le peuple qui se dit le plus heureux. Les héros de Thomas Vinterberg n’en font manifestement pas partie.

La douceur dans le malheur : alchimie étrange de Submarino

Deux jeunes frères partagent l’ignoble et injuste responsabilité d’avoir laissé mourir par une seule nuit de négligence leur benjamin, encore nourrisson. C’est cette culpabilité originelle, et la honte d’une mère alcoolique et (auto-)destructrice qui les soudent. Mais elle les condamne en même temps à ne plus jamais pouvoir co-exister, voire exister. L’amour, quand il se transmet comme une substance toxique, ça laisse peu de chances dans la vie.

Il est question de destin et de fatalité dans Submarino et pour autant, une douceur empathique subsiste avec entêtement. Aucune sensation de dégoût, d’écoeurement n’indispose pour de bon. Certes, les émotions sont âpres et frontales, mais elles s’équilibrent avec la délicatesse et la sobriété des interprètes.

Fiche technique

Réalisé par : Thomas Vinterberg, avec Jakob Cedergren, Peter Plauborg, …
Durée : 1h50
Vu au : MK2 Bibliothèque, lundi 20h
Affluence : salle pleine et conquise
J’y vais avec : le réalisateur et l’acteur principal, vikings disponibles et modestes
Glace ou pop corn : smørrebrød et hareng sous toutes ses formes (aneth, vinaigre, curry, cerise, madère) au menu dégustation
Note : 4/5

Lors de l’avant-première parisienne, le réalisateur danois a annoncé qu’il qualifierait son entreprise de succès si les spectateurs sortaient déprimés de la projection. De ce point de vue, le film est un donc échec.

Vinterberg renoue avec l’intensité de Festen

Si la narration perd un peu de son souffle au terme de la première heure, elle déroule implacablement et impeccablement son dessein, collant littéralement le spectateur à son fauteuil près de deux heures. On est rassuré : Thomas Vinterberg a retrouvé l’inspiration de Festen.
Ici, les adultes perdent pied, vulnérables et incapables d’autonomie. Ils prennent alors l’allure de marionnettes déresponsabilisées, involontairement comiques et grinçantes. Les enfants sont seuls à porter un regard tant bienveillant que lucide sur le monde qui les entoure.

Des ongles crasseux de garçonnets donnant le biberon à un bébé, aux doigts qu’on sert dans les siens pour rassurer et se rassurer, d’autres mains giflent, violent, étranglent, saignent, se gangrènent… Mais c’est aussi par ce poing qu’est donnée la rédemption d’un être enfin innocenté. Comme arrachée au forceps du mortifère ventre maternelle et de sa mer intérieure, dans Submarino, c’est bien la vie qui finit par s’affirmer dans un formidable cri d’inextinguible désir.

La bande-annonce

Source: Emilie Kestler | StreetPress