20/11/2013

« L'argent et les meufs, c'est les plus mauvaises raisons de faire de la musique »

Guerilla Poubelle, la vie

Par Emilie Tôn

Les mecs de Guerilla Poubelle font des albums de punk-rock « neutres écologiquement », des concerts dont la place ne doit jamais dépasser 10 euros et refusent la Sacem au service « des riches et des patrons ». Punk is not dead!


On croyait le groupe culte de la scène punk-rock, Guérilla Poubelle, mort et enterré, sans doute dans une décharge. Finalement on les a retrouvés, en concert dans un local anar’. Bon, il ne reste qu’un membre de la formation initiale. Mais rassurez-vous, les autres n’ont pas fait une overdose d’héroïne, ils ont juste… eu des marmots! Rencontre avec le dernier guerrier du groupe punk et l’un de ses nouveaux acolytes.

Vous n’êtes pas morts ? J’aurais cru…

Till : Non! Il y a une « nouvelle » formation depuis un an et demi avec Paul à la batterie et Jamie à la basse. Depuis qu’ils sont là, on a fait un EP, un album et trois tournées. Mais avant ça, on avait quand même sorti plein de trucs avec Guerilla, notamment une compil’ « Guerilla Poubelle c’était mieux avant », mais pas d’album. Là, on revient de la tournée organisée pour les dix ans de la Guerilla Asso (un label punk Do It Yourself créé par Till et des amis début 2004) et on repart en tournée en France le 26 décembre avec Great Cynics, un groupe de punk anglais.

Est-ce que votre public a pris un coup de vieux ?

Till : Déjà y’a 10 ans, il y avait des mecs qui venaient à nos concerts parce qu’ils connaissaient mon ancien groupe (Les Betteraves, ndlr). Mais c’est vrai que c’est moins kids qu’avant. Il y a toujours des mecs qui viennent alors qu’ils sont sortis du punk-rock depuis des années. Ils nous disent des trucs comme « Je vous écoutais il y a huit ans et j’ai vu que vous passiez dans le coin donc je suis venu. »

Paul : Mais il y a encore des soirs de concert où la salle est remplie de gamins…

Vous avez un vrai métier, bande de branleurs ?

Till : Je suis gardien dans une Maison des Jeunes en banlieue. J’ai les vacances scolaires, donc 18 semaines par an de libre, c’est pratique pour les tournées.

Paul : Moi je donne des cours de guitare et de batterie. Donc j’ai les vacances scolaires aussi.

Till : On n’a jamais essayé de vivre de la musique. L’argent et les meufs, c’est les plus mauvaises raisons de faire de la musique. A un moment donné, la question s’est posée. On faisait plus de 100 concerts par an, on avait vendu plus de 20.000 albums. Tous les autres mecs qui font ça, c’est leur métier. Mais on l’a pas fait parce que ça t’oblige à vendre tes disques et tes entrées plus cher. Nous on refuse que nos places coûtent plus de 10 euros. Et puis c’est un cercle vicieux : tu passes autant de temps à t’occuper de ta paperasse qu’à jouer de la musique. Je préfère aller au bureau de 9h à 18h et sortir avec la tête dispo pour faire de la musique en dehors de ses neuf heures par jour, quatre jours par semaine.


Clip Un des plus grands classiques de la chanson française

Et vous n’êtes pas non plus inscrit à la Sacem (Société des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique) ?

Till : C’est une question qui revient souvent, comme si on était des terroristes à ne pas y être. On oublie que 99 pour 100 des musiciens ne sont pas inscrits à la Sacem. Pour quelles raisons les 1 pour 100 restant le font ? L’argent! On pense que c’est un organisme fait pour protéger les chansons mais c’est pas vrai ! Ça sert à redistribuer l’argent généré par la musique en arrangeant les riches et les patrons. Tout ce qu’on trouve dégueulasse. Mais effectivement, en refusant de le faire, on s’assoit sur un sacré paquet de pognon. Tant pis.

Il a fallu replanter combien d’arbres pour compenser le papier utilisé pour vos livrets ?

Till : Honnêtement, je ne pourrais plus te dire le chiffre exact. On est passé par une assoc’ anglaise pour le faire avec les deux premiers disques. On va peut-être renouveler l’opération pour notre nouvel album. Faut encore qu’on en parle. Mais c’était sympa de savoir que nos disques étaient neutres écologiquement.

Guerilla Poubelle, ça fait 10 ans. Et dans dix ans, vous serez où ?

Till : Dans des bocaux congelés après une guerre thermonucléaire, tous grillés vu l’état de la planète.

Paul : C’est difficile à dire… Je pense que ça sera à peu près pareil. Nos vies sont consacrées à ça et même si c’est plus Guerilla Poubelle, ou si on est plus tous les trois ensemble, ou si on fait autre chose que du punk-rock, on sera toujours là. Les anciens disent qu’on a pris perpète. Il y a des vieux qui sont encore sur scène à 60 ans, c’est pas toujours beau à voir mais on espère passer au travers des mailles du pathétique.