15/02/2017

Un surveillant aurait brûlé un détenu, la prison lui interdit d'appeler à l'aide

Par Amid Khallouf ,
Par Aladine Zaïane

Laurent D., détenu, s’est fait écraser une cigarette sur la paume, par un surveillant de prison. Mais lorsque qu’il demande l’autorisation de téléphoner à l’Observatoire international des prisons (OIP), la direction de la prison le lui refuse.

En janvier 2016, Laurent D., détenu au centre de détention de Tarascon, souhaitait entrer en contact par téléphone avec l’Observatoire international des prisons (OIP). Il a ainsi adressé une demande d’autorisation à la direction de l’établissement. Cette dernière lui a refusé ce droit, alors même que cela faisait plus d’un an qu’il entretenait une correspondance écrite avec l’OIP au sujet de ses conditions de détention.

Le surveillant aurait écrasé la cigarette dans la main de Laurent D.

Dans ces courriers, Laurent D. dénonçait notamment les agissements d’un surveillant pénitentiaire à son égard et plus particulièrement des faits qui s’étaient déroulés en février 2015. Laurent D. se tenait alors à l’extérieur de sa cellule une cigarette à la main, ce qui est interdit par le règlement intérieur des prisons.

Un surveillant pénitentiaire lui en avait fait la remarque et Laurent D. lui avait alors répondu que sa cigarette était éteinte, « ce qui était faux », avouait-il dans un courrier adressé à l’OIP. Mais d’après ses dires, le surveillant, piqué au vif en constatant qu’elle était toujours allumée, lui aurait écrasé la cigarette sur sa veste puis dans la paume de sa main, causant une brûlure constatée par un certificat médical.

Cet acte, Laurent D. l’a tout d’abord dénoncé auprès de la Direction interrégionale des services pénitentiaires, hiérarchiquement au-dessus de la direction de la prison. Il a ensuite porté plainte auprès du procureur de la République, puis a écrit à l’OIP, à la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) et au Défenseur des droits.

Ce dernier a ouvert une enquête qui a abouti en juillet 2016 à une décision. Cette dernière reconnaît que le surveillant pénitentiaire a exercé un « usage de la force » ne satisfaisant pas à « l’exigence de stricte nécessité », mais considère que « les versions contradictoires en présence ne permettent pas d’établir que [Laurent D.] a été brûlé volontairement ».

Une décision frileuse, mais qui a le mérite d’avoir été rendue rapidement – ce qui est rarement le cas quand il s’agit de violences ou de brimades exercées par des surveillants pénitentiaires à l’encontre de détenus.

La direction de la prison refuse que Laurent nous passe un coup de fil…

Laurent D. a poursuivi sa correspondance écrite avec l’OIP, et a souhaité, en janvier 2016, entrer en contact avec nous par téléphone. Les personnes détenues ne pouvant appeler (sauf exception) un numéro de téléphone sans autorisation préalable, Laurent D. a donc déposé une demande auprès de la direction de l’établissement.

Cette dernière lui a répondu : « Vous pouvez leur écrire, mais il n’y a pas de numéro de téléphone autorisé comme pour la Croix-Rouge ». Cette décision est pour le moins étonnante puisqu’un refus de ce type ne peut être décidé que pour des raisons très spécifiques en lien avec le maintien du bon ordre et la prévention des infractions.

C’est ainsi qu’au mois de mars de la même année, l’OIP a décidé de saisir la CGLPL de la situation. Cette dernière, qui a contacté la direction de l’établissement, a obtenu comme réponse que le fait que Laurent D. ait « multiplié les démarches auprès des associations et des autorités administratives et judiciaires » pouvait porter atteinte « au maintien du bon ordre de l’établissement » et qu’il était ainsi « opportun de canaliser [son] ressentiment persistant en limitant ses relations [avec l’OIP] à la correspondance écrite ».

Les établissements pénitentiaires essayent de faire taire les « détenus procéduriers »

A mon sens, ce refus est typiquement le genre de décision prise à l’encontre de ce qu’on appelle les détenus « procéduriers ». Ce sont ceux qui vont écrire aux autorités administratives indépendantes comme le CGLPL ou le Défenseur des droits, à l’OIP, engager des recours administratifs, porter plainte.

Généralement, plus elles font de démarches, moins elles sont appréciées du personnel pénitentiaire. Et plus on va essayer de les faire taire, leur mettre des bâtons dans les roues.
Laurent D. avait adressé à l’OIP une liste de témoins ayant assisté à l’altercation. Mais ils ont refusé d’aller plus loin par « peur des représailles », nous écrivait-il.


« Il nous arrive souvent de recevoir des témoignages de détenus nous expliquant qu’on les a alertés : “Attention, si tu écris à l’OIP, tu vas avoir des problèmes” »
Amid Khallouf, OIP

Certains, avant même de recevoir des menaces, n’osent rien dire et ne dénoncent jamais les atteintes qu’ils peuvent subir. Il nous arrive souvent de recevoir des témoignages de détenus nous expliquant qu’on les a alertés : « Attention, si tu écris à l’OIP tu vas avoir des problèmes. » D’autres, parce qu’ils ont franchi le pas, vont être victimes de brimades, qui peuvent aller de la provocation à la suppression abusive d’un parloir ou d’une activité.
En 2014, Jean-Marie Delarue, ancien CGLPL, expliquait que le « procédurier » est « celui qu’il faut faire taire absolument »…