01/03/2017

J’ai créé un jeu qui t’apprend à devenir un élu… corrompu

Par Nicolas Kayser-Bril

« Le Bon, La Brute et Le Comptable » est un serious game très drôle, consacré à la corruption des élus locaux. Nicolas Kayser-Bril, un des créateurs du jeu, explique pourquoi la France fait l’autruche sur le sujet.

« Les marchés publics, c’est là que se trouve la fontaine d’argent, là que tout le monde se goinfre ». Ce n’est pas une réplique des Tontons Flingueurs, mais une citation de l’autobiographie d’Emile Diaz, un mafieux marseillais qui y connait un rayon sur la question pour avoir fréquenté pas mal d’élus en 40 ans de carrière.


« Les marchés publics, c’est là que se trouve la fontaine d’argent, là que tout le monde se goinfre »

Emile Diaz, mafieux marseillais

Ne cherchez pas l’agence française anticorruption, elle n’a pas de site web

Les politiques français, toujours prompts à faire la morale aux Roumains et aux Bulgares sur le sujet, font tout pour que la fontaine ne s’arrête pas de couler.

Alors que d’autres pays ont organisé de grandes enquêtes parlementaires pour tout mettre sur la table (les Pays-Bas en 2002, le Québec en 2011), la France continue à faire l’autruche et à nier la gravité du problème. Plutôt que de prendre les choses à bras le corps, les députés français ont créé avec la loi Sapin II une nouvelle usine à gaz, l’Agence Française Anticorruption (ne la cherchez pas sur Google, elle n’a même pas de site web). Elle ne va pas enquêter sur la corruption, mais plutôt donner conseil aux entreprises qui le souhaitent. Si vous vous dite « wtf!? » c’est que vous suivez.


« Sur la corruption, la France continue à faire l’Autruche »

Nicolas Kayser-Bril co-fondateur de Jplusplus @nicolaskb

Evidemment, la corruption n’est pas nouvelle. Dans les années 1950, de Gaulle avait déjà créé le Service d’Action Civique entre autres pour financer ses coups tordus et Jacques Foccart trimbalait des valises de billets pour graisser des pattes en Afrique et ailleurs.

Mais depuis l’avènement du néolibéralisme dans les années 1980, on a un gros problème.

D’un côté, les partis politiques ont de moins en moins d’adhérents, qui sont censés remplir leurs caisses en payant leurs cotisations. Mais les partis doivent toujours financer leurs campagnes électorales d’une manière ou d’une autre.

De l’autre, l’externalisation des services publics et l’encouragement à passer du public au privé et réciproquement a multiplié les opportunités de corruption. Si le personnel politique et administratif est resté aussi honnête depuis les années 1970, le niveau global de corruption en France a nécessairement augmenté.

La bonne nouvelle, c’est que les techniques de corruption sont assez simples

La bonne nouvelle, c’est que la plupart des techniques de corruption sont assez simples. Cartels dans la construction, fausses factures, manipulation des baux emphytéotiques… Tout ça semble compliqué, mais en jouant 10 minutes à Le Bon, La Brute et Le Comptable, vous comprendrez déjà mieux de quoi il s’agit.

Et la prochaine fois que vous entendrez parler d’une mise en examen pour recel de détournement de fonds publics, vous pourrez imaginer ce qui s’est concrètement passé.

C’est la première étape vers une meilleure compréhension du problème et vers l’invention de solutions.