19/04/2011

Les rappeurs de Bordeaux ne sont pas « dépressifs » mais « dans l'émotion »

Odezenne « Ne pas confondre les choses sombres et les choses profondes »

Par Ouafa Mameche

Odezenne le groupe de rap bordelais joue la carte émotive. Alors souvent ils sont taxés de dépressifs. "Et quand les rappeurs disent que les autres sont des merdes: qui est sombre ?" Prends ça Booba !

Quand avez vous commencé le son ensemble?

Al (M.C.): Aux alentours de 2003 peut-être. Le premier concert, c’était en 2007. D’abord on a fait du son comme ça entre nous, puis un jour on a eu l’occasion de jouer dans une cave à Bordeaux qui s’appelait El Inca, on a fait un concert qui s’est super bien passé puis on s’est dit “On va continuer, on va faire un album.”

Merlin (concepteur sonore): Très vite on a voulu casser les codes du live en rap. C’est vrai que c’est souvent un DJ et un ou deux MCs sur scène, et on voulait apporter vraiment un coté live, musicalement parlant, pour changer un peu! Avec des instruments qui jouent sur scène, des intro… Pas trop le côté chauffage de salle…On est pas là uniquement pour mettre de l’ambiance, on a des morceaux à présenter, on les joue, et les gens qui sont en face et qui sont venus, ils prennent ce qu’il y a à prendre.

Changer l’univers du rap, c’est ce que vous vouliez faire?

Al: Tu sais, on fait la musique qu’on sait faire, c’est tout!

DJ Lodjeez (platines): On cherche pas à faire différent, en fait on fait une musique qui nous ressemble plus ou moins, avec des influences différentes, mais sans penser forcément au résultat, à dire “ah on veut faire ce style de truc, on va se démarquer”… En fait, on se démarque mais involontairement.

Al: Et puis c’est compliqué de faire quelque chose ensemble, j’sais pas si tu vois la gueule qu’on a, on est tous différents, et on écoute tous des trucs différents. C’est une rencontre de groupe tu vois… Tu subis un peu ce qui se passe en studio, la création…Puis à la fin tu regardes ce que t’as fait, et quand t’es pas drivé par quoi que ce soit, que t’as aucun impératif de vente, que c’est juste les envies des uns et des autres qui guident dans les textes et dans les prods etc…ben, au final tu fais un truc, qui, toi même, te surprend.

Comment s’est construit votre nouvel album, O.V.N.I.?

Al: C’était vraiment un an…

DJ Lodjeez: …d’immersion!

Al: Quand tu fais un deuxième album, tu sais que tu es un peu attendu, parce que le 1er, même s’il n’était pas distribué, à part à Bordeaux, il a beaucoup tourné sur le net, on a eu pleins de retours. On a fait le Printemps de Bourges, les Francofolies etc… donc pour le 2éme album, tu te dis “Allez vazy, Odezenne c’est quoi!?”

Odezenne à La Rochelle

C’est quoi le concept de la pochette de  l’album?

Al: On a bossé avec un artiste, qui s’appelle Edouard Nardon, qu’est à New-York depuis 8 ans. Pour chaque son, il faisait une planche. Donc soit un dessin, ou une peinture, une sculpture, quelque chose que ça lui évoquait. Et puis, petit à petit s’est dessiné tout le concept de l’album. Nous, ce qu’on voulait, c’était faire un échange. On aime bien bosser avec des gens qui ne font pas que de la musique, on fait peu de featuring mais on est toujours en collaboration avec des photographes, des artistes, des graffeurs…Lui, on a kiffé son boulot, il a kiffé le nôtre, et on s’est dit “Vazy on va faire un truc comme ça”, et il nous a pondu ça! En fait c’est une carte de tarot de Marseille et ça représente la force.

Parlez nous du titre de l’opus, O.V.N.I.!

Al: Ovni ça s’est imposé comme un évidence, parce qu’on s’est rendus compte qu’effectivement, t’es dans ton projet pendant un an, t’écoutes rien de ce qui se fait, puis au moment où ça va sortir, tu te dis « Tiens je vais voir ce qui se fait », tu tapes « Rap », tu regardes, et puis tu comprends qu’il y a pas beaucoup de gens qui sont dans ce délire là. En tout cas, c’est pas le truc dominant du moment.

Est-ce que vous vous retrouvez dans le paysage de rap français actuel?

Al: Pas du tout, non… Mais je m’en tape grave.

Revenons à votre album… Il est assez sombre non ?

Merlin: C’est ce qu’on nous dit… Pour moi ce n’est pas un album sombre. Ne pas confondre les choses sombres, et les choses, si j’peux me permettre: profondes.
Ca va chercher des choses qui sont importantes, dans l’émotion.

Jaco (M.C.): Prends un comparatif, quand t’écoutes ce qui se fait aujourd’hui dans notre style de musique et que les mecs te disent qu’ils sont les meilleurs, que les autres sont des merdes, qu’ils veulent faire de la thune : qui est sombre? C’est sombre, ça me fait chialer ce qu’ils disent tu vois ce que je veux dire? Même si quand tu me vois tu pourrais te dire “Oh le mec est déprimé”… Je prends pas de Gardénal, je fais pas de tentative de suicide, je suis très heureux dans ma vie, on rigole tu vois!

L’album O.V.N.I en un adjectif par le crew de Odezenne:

Jaco: «Batârd»
Merlin: «Actuel»
Al: «Bon»
DJ Lodjeez: «Du kiff!»

bqhidden. Tu tapes « Rap », tu regardes, et puis tu comprends qu’il y a pas beaucoup de gens qui sont dans ce délire là.