06/09/2012

Roger Madec, maire du 19e : « On ne peut pas dire oui tout de suite aux salles de shoot, ça prend du temps »

Une salle de shoot « prête à être financée » à Paris, pour une ouverture en 2014

Par Paola Schneider

Alors que plusieurs informations ont fuité dans la presse sur l'ouverture de salles de shoot dans le nord-est parisien, le maire du 19e Roger Madec confie à StreetPress que « le lieu n'est pas encore choisi » mais pourrait ouvrir dans 2 ans.

C’était la polémique de la semaine dernière. Dans une interview accordée au Parisien le 29 août , le député de Paris Jean-Marie Le Guen demandait à François Hollande « son accord pour la mise en œuvre » de salles de shoot pour les consommateurs d’héroïne. Quelques heures plus tard, Europe 1 – citant le ministère de la santé – affirmait même qu’une salle était prête à être ouverte à Paris « du côté de la gare du Nord, plus deux ou trois annexes dans l’est de la capitale. » Il ne manquerait plus que le feu vert du cabinet de la ministre Marisol Touraine, qui travaillerait sur le sujet depuis août.

Pendant la campagne présidentielle, François Hollande s’était prononcé pour l’expérimentation de salles de shoot, citant les villes de Marseille et Paris. Dans la capitale, le 19e arrondissement, particulièrement touché par la consommation de drogues dures, est régulièrement cité parmi les lieux qui pourraient accueillir l’expérimentation de salles de shoot. Son maire Roger Madec y est favorable.

Il ne manquerait plus que le feu vert du cabinet de la ministre Marisol Touraine

Comment expliquera-t-on l’ouverture de salles de shoot dans les cours de morale laïque ?

Cela ne se pose pas en ces termes. Il y a un problème de toxicomanie en France comme dans bon nombre de pays, notamment dans les grandes métropoles. Je pense qu’il faut essayer de travailler en direction des usagers qui sont malades. Il ne s’agit pas de faire de morale. Je pense que personne d’entrée de jeu ne va dire que les stupéfiants, c’est une bonne chose ! Mais quand on a dit ça, on n’a rien dit. C’est un phénomène de société très prégnant et il n’y a rien de pire que de baisser les bras, de se boucher les yeux et de ne vouloir régler ce problème que par la police.

Le nord-est parisien se gentrifie, les salles de shoot vont à rebours de cette dynamique. Peuvent-elle s’intégrer dans ces quartiers « bobos » ?

Tout l’est parisien n’est pas bobo ! Il y a une population nouvelle qui arrive, je m’en félicite, ça contribue à la mixité sociale. Naturellement les gens ne sont pas très favorables à ces salles. Même ceux qui sont généreux trouvent que c’est mieux autre part qu’en bas de chez eux. Mais les personnes dites bobos sont quand même plus en situation de réfléchir sur la question que les gens qui vivent dans des quartiers déjà paupérisés.

Pourtant, beaucoup de cadres demandent des dérogations quand il s’agit de mettre leurs enfants dans les collèges du 19e…

Il faut donner à l’éducation nationale des moyens renforcés pour éviter ces tentations de dérogation. Mais on ne peut pas blâmer quiconque, bobo ou pas, de vouloir donner le meilleur pour son enfant. Dire oui tout de suite aux salles de shoot, non. Ça prend du temps.

N’y a-t-il pas un risque que ces salles soient cantonnées dans les quartiers moins favorisés et qu’elles accentuent la ségrégation ?

Le kaléidoscope géré par SOS Drogue International, il est rue Carolis Durand. Ça ne s’est pas fait rue de Tanger ou rue Bellot ! (des quartiers populaires du 19e arrondissement, ndlr) C’est clair qu’on ne réalisera pas ces ouvertures dans des quartiers touchés par la crise, où les gens vivent mal, où il y a différents trafics. Ça n’est pas possible. C’est beaucoup plus facile dans un quartier stabilisé, comme avec le centre Boréal (qui accueille des personnes dépendantes et marginalisée, ndlr) rue de Meaux.

Le message que vous envoyez à vos administrés, c’est d’accepter qu’il y ait des drogués dans votre arrondissement ?

Non, personne ne peut l’accepter. Moi le premier, je n’accepterai pas que mon arrondissement soit une scène de deal. Mais il faut bien apporter des réponses annexes et tirer ces personnes de l’enfer. Quand on avait mis des distributeurs de seringues, ça a fait un tollé. Pourtant ça n’a pas développé la toxicomanie. Ça a permis à des usagers de ne pas se passer des seringues contaminées par le VIH. La morale, ça n’est pas dire forcément ce qui est bien ou mal. C’est expliquer l’évolution de la société, faire des campagnes fortes, démanteler les réseaux. C’est une succession de solutions mises bout à bout pour régler un problème.

Une salle de shoot est-elle prête à être ouverte dans le 19e pour une expérimentation, comme on peut le lire dans la presse ?

Il y en a une qui est prête à être financée d’ici à 2014. Mais le lieu n’est pas choisi encore, ça n’est pas d’actualité pour l’instant. Si du jour au lendemain, les élus décidaient d’ouvrir une salle de shoot, on irait droit à l’échec. Au moment du choix d’un lieu, nous, élus parisiens, nous aurons une réflexion collective. On a ouvert une boutique à Boréal il y a longtemps, ça c’est fait dans la clarté (voir ci-dessus). On a fait aussi un équipement qui reçoit des gens sevrés en réinsertion, il a fallu 4 ans pour bien expliquer la démarche. Moi je suis favorable au concept mais, de toute façon, je souhaite que l’on règle d’abord le problème du crack, qui ne peut pas se faire par des salles de shoot.

Êtes-vous pour une dépénalisation de toutes les drogues ?

Je ne suis ni pour la dépénalisation, ni pour la légalisation des drogues dites dures, mais plutôt pour en ce qui concerne les herbes. On doit avoir une réflexion sur le shit ou le hash. Parce que la législation est complètement obsolète. D’ailleurs je crois que la police n’intervient pas, sauf sur les gros trafics, et elle n’a pas tout à fait tort.

il n’y a rien de pire que de baisser les bras, de se boucher les yeux et de ne vouloir régler ce problème que par la police

On doit avoir une réflexion sur le shit ou le hash. Parce que la législation est complètement obsolète

Même ceux qui sont généreux trouvent que c’est mieux autre part qu’en bas de chez eux

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