21/11/2012

David Allais, coordinateur de La chance aux concours, et Morgan Canda, étudiant au CFJ, étaient nos invités sur Radio Campus

« Dans le journalisme, il y a surtout un problème de compréhension »

Par Elodie Font

C'est un serpent de mer : la grande majorité des journalistes viennent d'un milieu social aisé. Des anciens du CFJ ont donc créé La chance aux concours, asso qui permet à de jeunes boursiers de tenter les concours des écoles de journalisme.

Les meilleurs moments de l’émission

Pouvez-vous nous décrire cette asso en quelques mots ?

David Allais : la chance aux concours, c’est une association qui a été créée en 2007 à l’initiative d’anciens étudiants du CFJ qui avaient fait le constat que, dans leur école, y’avait énormément de profils similaires, soit des gens qui avaient fait des IEP (Institut d’Etudes Politiques, ndlr), soit des gens qui avaient eu une aide de prépa privée, et qui se sont dit qu’il y avait des profils à la fac, par exemple des boursiers, qui pouvaient tout aussi bien réussir et avoir des vraies motivations pour être journaliste, mais qu’ils avaient pas les mêmes chances que les autres. […] Au départ, c’était de janvier à juin, maintenant, c’est à partir d’octobre.

Vous préparez des étudiants boursiers aux concours pour intégrer une école de journalisme. La profession est prisée, combien de demandes avez-vous eu cette année ?

David Allais : depuis quelques années, ça s’est stabilisé autour de 110/120. On a 24 étudiants chaque année, répartis en deux groupes de 12.

Y’a-t-il des profils d’étudiants différents ? Des surprises ?

David Allais : évidemment, [nos étudiants] font souvent des études littéraires (histoire, langues, lettres), ce qui correspond aux filières où il y a des gens motivés par le journalisme. Après, il peut y avoir des gens en sciences, ou autre, puisque les écoles de journalisme sont ouvertes à tous les diplômes.

Morgan Canda : moi, j’étais à Paris 1, en histoire et en sciences politiques.


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Comment vous faites pour vous faire connaître auprès du public que vous visez ?

David Allais : la première année, les gens qui ont monté ça, ils ont photocopié des affiches et les ont mis dans toutes les facs de la région parisienne. Depuis, on a mis les annonces sur les sites des écoles de journalisme, c’est le premier lieu où les gens trouvent l’info. Après, on essaie de se mettre en rapport avec les sites d’info, on travaille aussi avec le Crous et l’Etudiant de Paris:http://www.etudiantdeparis.fr/, qui est un magazine étudiant.

Vous êtes partie du constat qu’il n’y avait pas assez de diversité dans les médias. Qu’est-ce que vous entendez derrière le mot diversité ?

David Allais : on est sur une diversité sociale, il faut des journalistes de tous les milieux en France pour pouvoir représenter toute la société française, c’est cette diversité qu’on entend et qu’on développe à La chance aux concours. Mais le mot diversité, on l’utilise pas tant que ça dans notre association, c’est un mot valise dont on fait tout et n’importe quoi. Nous, [ce qu’on a fait], c’est qu’on a mis un critère social pour aider des gens à entrer dans les écoles de journalisme.

C’est important que les journalistes représentent toutes les couches de la société ?

Morgan Canda : euh… oui. Parce qu’on n’a pas la même matière de traiter une info si on vient du 16e ou si on vient d’une cité. On n’aura pas le même point de vue social sur les questions de société et faut forcément apporter différents points de vue.

Pour prendre un ex d’actu, est-ce que, s’il y avait plus de journalistes issus de différents milieux, est-ce qu’il y aurait moins de Unes comme celles que le Point et l’Express nous livrent chaque semaine ?

David Allais : on peut l’imaginer, en tout cas faut le souhaiter, c’est aussi pour ça qu’on travaille à former des journalistes d’horizons divers. Après, je pense qu’au-delà de représenter, y’a surtout une problématique de compréhension, c’est-dire que quand on connaît un milieu, qu’on a grandi dedans, quand on va pour faire un reportage, on comprend ce que quelqu’un qui ne connaît pas ce milieu ne comprendra pas. Il aura besoin de beaucoup plus de temps sur place or le journalisme aujourd’hui, et là je le regrette, va vraiment de plus en plus vite, beaucoup trop vite, donc c’est un avantage d’avoir une compréhension au préalable, c’est aussi ce qu’on appelle la culture générale au sens large qui est essentielle au journalisme, et d’où on vient, c’est aussi de la culture générale.

Est-ce qu’il y a des jeunes issus de l’immigration dans votre formation ?

David Allais : y’a des jeunes de tous les horizons à La chance aux concours.

Vous cherchez à promouvoir la diversité sociale, mais aussi la diversité multi-culturelle ?

David Allais : oui… multiculturelle…

Morgan Canda : après, je pense pas qu’ils font la sélection en se disant il faut 5 black et 3 beurs.

Morgan, vous qui êtes au CFJ, c’est quelque chose que vous ressentez cette absence de diversité sociale ?

Morgan Canda : désolé, j’ai pas fait d’enquêtes sur le niveau social des étudiants du CFJ.

Beaucoup de formations se sont ouvertes ces derniers temps pour ouvrir l’accès aux médias… entre autres, une formation à Gennevilliers, le Monde académie… y’en a plein qui s’ouvrent… est-ce que c’est en train de devenir une mode ou un marché ?

David Allais : je sais pas… y’a un effet de mode, c’est clair. Après, c’est pas un hasard non plus, c’est-à dire qu’il y a eu des générations de journalistes qui venaient de plein de milieux sociaux différents, et y’a un brassage qui dans l’histoire récente a commencé à plus se faire, et donc après y’a eu une période, le temps de se rendre compte de ça, et après, on y revient. Donc c’est pas non plus par hasard, y’a aussi des mouvements de fond. […] Oui, y’a des effets de mode, mais c’est pas tellement notre problème.

Est-ce que c’est pas difficile de former à devenir journaliste alors que le secteur est bouché ?

David Allais : oui alors ça je l’entends souvent. Figurez-vous que quand on regarde l’insertion professionnelle des jeunes qui ont fait La chance aux concours, ils sont très bien insérés professionnellement. […] Ils avaient une vraie motivation, une vraie pêche et ils savent mettre les pieds dans une porte. Et ils n’ont pas peur de la précarité parce qu’ils l’ont connu avant.

Dernière question, La chance aux concours, c’est un hommage à Pascal Sevran ?

David Allais : non, c’est l’ancien président des anciens du CFJ qui avait eu cette idée et c’est resté, c’est un trait qui lui est venu comme ça, je ne sais pas s’il écoutait Pascal Sevran.