24/08/2011

Rencontre avec la coqueluche du roman noir US

Jason Starr: « L'exagération de mes problèmes est le point commun de mes personnages »

Par Robin D'Angelo

Sur StreetPress Jason Starr promet qu'il « ne prend aucun plaisir à la misère de ses personnages » pourtant terriblement malmenés. La preuve leurs problèmes sont une exagération des siens.

Allô Jason ? Vous répondez souvent aux emails que vous envoient comme ça les journalistes ?

Euh oui ! Je réponds aux emails.

Tout le monde n’est pas aussi gentil avec eux pourtant. Et dans vos livres vous êtes plutôt très cynique avec les médias ….

Mais tu sais, je ne sais pas vraiment combien de ma personne je mets dans mes livres. Il y a toujours une part de moi-même mais j’exagère les choses, je crée des situations que je dramatise à partir du monde réel. Ce sont mes personnages et ils sont souvent bien plus extrêmes que je ne le suis.

On peut aussi dire que vous êtes très sadique avec vos personnages, et vos lecteurs aussi, en appuyant là où ça fait mal

Je mets mes personnages dans des positions très difficiles, j’essaie de les mettre face à des responsabilités. Mais je ne le verrais pas comme de la cruauté. En tant qu’auteur je ne ressens aucune joie à la mettre dans ces situations. Je suis plus dans leur observation, je ne suis pas le type d’écrivain qui se dit: « Waouh, c’est vraiment drôle de démolir ce personnage ». En fait j’écris juste de son point de vue. Un peu comme quand un acteur entre de son personnage. Je ne prends vraiment aucun plaisir à leur misère.


Qui es-tu Jason Starr ?

Né en 1966 à Brooklyn, Jason Starr est l’auteur de 9 romans parus en France, en attendant la sortie de The Pack sorti en 2011 aux États-Unis. Chouchou de Brett Easton Ellis – qui va réaliser l’adaptation en série du roman Harcelée pour HBO – Jason est au top du hip-hop depuis que David Fincher a acheté en juin les droits de son roman Crise de Panique. Ses romans mettent en scène des personnages rongés par leurs désirs et qui ont souvent de gros problèmes de communication, le tout saupoudré d’un humour très cruel. Aussi ça se finit souvent par un meurtre.

Est-ce que votre intérêt pour la célébrité, qui apparaît dans beaucoup de vos romans, a évolué maintenant que vous êtes un mastodonte de la littérature US ?

Je veux écrire sur la célébrité mais plus sur le sentiment d’absence de célébrité que ressentent mes personnages. C’est un thème très important pour moi. Quand tu commences à écrire, tu es inconnu et tu te demandes tous les jours si tu vas y arriver, si les gens liront tes livres. Tu te projettes de deux façons: soit tu restes inconnu, soit tu connais le succès. C’est ce qui m’intéresse: quels choix font les gens face à ces situations. Et surtout quels choix ils ne font pas.

J’adore la structure de vos romans: Comment vous les construisez ?

Je démarre toujours avec une situation ou une scène que j’ai dans la tête. Et d’après cette situation je tisse tout le livre. Mais je dois toujours savoir où je vais, comment ça va se finir. Pour moi un livre c’est comme un repas: je sais ce que je mange en entrée et en dessert. Sinon j’ai trop peur de ne pas pouvoir terminer mes livres. Je sais que certains auteurs aiment se surprendre et se dire « et maintenant qu’est-ce qu’on fait ? » Moi j’ai vraiment besoin d’une carte. Et même si je change mes plans je dois toujours savoir ce qui va arriver après pour être sur d’arriver à un gros climax. Je pense toujours à la grosse scène dramatique, à la tension qui sous-tend le livre. Sinon l’intrigue n’est pas solide.

Vous réfléchissez d’abord à votre intrigue où à la névrose dont vous voulez traiter ?

C’est toujours l’intrigue. Et je n’ai pas vraiment d’idée de qui sont les personnages avant de me mettre à écrire. Quand je commence à écrire les dialogues, que j’entends leur voix dans ma tête, c’est à partir de cet instant qu’apparait l’aspect psychologique et que l’histoire prend de l’épaisseur. Pour moi c’est l’attitude du personnage qui est le plus important. C’est plus important que la psychologie, l’intrigue, leur description … La vraie texture du livre vient de leur attitude au monde, aux gens, de leurs sentiments. Et on peut avoir une image des personnages rien que par leur attitude.

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Je ne prends vraiment aucun plaisir à la misère de mes personnages

Quel est le point commun à tous vos personnages ?

Je dirais que c’est l’exagération de mes problèmes. Comme ce qu’on disait au début. Adam Bloom, Tommy Russo, ils sont obsédés par certaines choses, l’illusion du succès. Ça ne prend pas la même forme chez Tommy que chez Adam, mais il y a un point commun. Après ça ne vient pas forcement de moi mais aussi de ce que j’observe.

Dans vos romans, les mecs sont vraiment des nazes. Est-ce que les femmes sont de meilleures personnes que les hommes ?

Probablement oui ! Je n’y avais pas pensé de cette façon. Bon faut pas généraliser et j’ai aussi des personnages de folles. Ça dépend toujours du personnage, je ne m’assoie pas en me disant « Il faut que je dépeigne des hommes qui sombrent dans la folie dans ce livre ». Mais c’est vrai que les mecs ne sont pas au mieux. Je sais que le personnage ne sera pas attirant pour tous les lecteurs. J’y vais pour le meilleur ou pour le pire ! A la fin ce qui fait la force de mes romans c’est que le comportement de ces hommes et ces femmes est le plus réel possible, bien qu’il ne soit pas le plus recommandable.

Est-ce que l’affaire DSK pourrait être l’intrigue pour votre prochain roman ?

Je crois qu’il y a beaucoup d’éléments intéressants pour un roman ! Mais je ne prends jamais de faits réels dans mes livres. Plutôt des choses personnelles, une exagération des trucs qui me sont arrivés. Je crois qu’il y a des auteurs qui écrivent très bien en s’inspirant de faits divers, et j’en serais incapable d’en faire autant. Moi ma force c’est de faire des choses plus personnelles et psychologiques.

Un livre c’est comme un repas: je sais ce que je mange en entrée et en dessert

Quel acteur verriez-vous pour l’adaptation de Crise de Panique par David Fincher ?

Pour Adam, plein d’acteurs pourraient jouer le rôle. Quand j’écris, je ne pense jamais au visage d’un acteur. Je crois que c’est impossible de penser au film, la forme est trop différente. C’est déjà assez dur de faire fonctionner un roman, alors en plus s’il faut penser au scenario … Mais quelqu’un comme Kevin Spacey ou Alec Baldwin ce serait génial. Mais après à Hollywood, c’est toujours une question de disponibilité.

Est-ce que vous portez un do-rag en ce moment ?

Non ! Non ! Ça c’est une question que je n’oublierai pas !

Je me demandais si vous étiez plutôt hip-hop que rock ?

J’aime assez le hip-hop. Il y a un super story-telling et c’est très approprié à l’ambiance urbaine de mes romans. Mais après c’est selon l’attitude des personnages. Par exemple Ryan, il fallait qu’il écoute du rap. Mais je n’aime pas ça autant que lui ! Il fallait que ce soit une exagération de moi-même, encore une fois !

bqhidden. Je sais que le personnage ne sera pas attachant pour tous les lecteurs