19/09/2011

Des colocs' dans les HLM, un système d'intermédiation locative et 4.000 nouvelles chambres par an

Logement étudiant : les annonces de la région Île-de-France pour résoudre la crise

Par Johan Weisz

Entretien avec Emmanuelle Cosse, vice-présidente de la région en charge du logement. Elle présente sur StreetPress la nouvelle politique régionale en faveur du logement étudiant, qui sera officiellement annoncée mardi.

Engagée dès le lycée à la Fidl, présidente d’Act-Up Paris à 25 ans et journaliste engagée, Emmanuelle Cosse – désormais 36 ans, est vice présidente de la région Île-de-France en charge du logement. Elle recevait StreetPress jeudi dernier pour échanger sur la nouvelle politique de logement pour les jeunes et les étudiants de la région.

Vous étiez une militante et une journaliste engagée, maintenant vous êtes une élue, vous êtes passée de l’autre côté. Qu’est-ce qui a changé?

Je pense qu’on peut être militante et en même temps élue. Disons que j’ai un peu changé de posture dans la société, puisqu’aujourd’hui je suis en responsabilité et que je dois trouver des solutions aux gens. Le fait d’être élue quand on a été militante associative pendant très longtemps, ça nous met en possibilité de faire et de tester des choses, de ne pas être seulement dans la revendication.

Ca oblige à des renoncements, le fait d’être élue ?

Le fait d’être élue, non. Franchement non. Parfois, il y a des trucs que je défends et sur lesquels j’échoue. Mais ce ne sont pas des renoncements. Et si on pense qu’on fait de la politique par renoncements, il vaut mieux ne pas en faire.

Il y a une chose pour laquelle vous avez signée en devenant élue, c’est répondre aux questions stupides des journalistes…

Ouais…

… Alors par exemple, est-ce que vous gagnez 3 fois le montant de votre loyer ?

Euh, non. Je gagne 3.000 euros sur lesquels je reverse 15% à mon parti. Il me reste 2.500€ et mon loyer est de 1.980 euros avec les charges. Comme on est deux, on paye chacun environ 1.000 euros.

Et est-ce qu’un promoteur, puisque c’est la mode en ce moment, vous a déjà proposé une mallette de billets ?

Non plus ! Mais je ne vois pas les promoteurs. Je vois surtout les bailleurs sociaux, les maîtres d’ouvrage qui veulent construire.

+ 1.000 logements / an Le nombre de logements en direction des jeunes produits par la région passera de 3.000 à 4.000 unités par an.

Colocation Au moins 5 pourcents de jeunes de moins de trente ans dans le parc social financé par la région, avec des programmes de colocation. Soutien aux colocations solidaires, sur le modèle des kots à projets belges.%

Vous produisez, à la région, déjà 3.000 logements étudiants par an. Vous annoncez que vous allez passer à 4.000. Combien ça coûte de créer un logement étudiant ?

A la région, nous sommes co-financeurs. A chaque logement, on contribue à hauteur de 6.000 à 10.000 euros. Cela représente environ 20% de la construction d’un logement.

Sur le parc privé, l’accès est devenu si sélectif, que beaucoup de jeunes se font de fausses fiches de paye ou ont recours à un prête-nom… Ca vous est déjà arrivé de tricher pour trouver un appartement ?

Non… Mais ça n’a pas été simple pour être accepté. Le dernier appartement qu’on a loué avec mon conjoint – nous sommes tous les 2 élus – certains apparts nous ont été refusés à cause de l’incertitude de la durée de notre mandat… Je sais très bien ce que c’est. J’ai 36 ans, les 3 quarts de mes amis, on est tous cautions les uns les autres ou alors il faut demander aux parents qui sont à la retraite…


[Podcast audio] Parce que 30 minutes d’interview, ça peut aussi s’écouter en podcast, retrouver l’intégralité de l’entretien avec Emmanuelle Cosse en cliquant sur le player.

Vous allez annoncer mardi que la région va mettre en place un système d‘« intermédiation locative » pour les jeunes dans le parc privé. De quoi s’agit-il ?

On va s’appuyer sur des associations locales, comme les Cllaj, les missions locales ou les agences immobilières à vocation sociale, qui vont aller chercher des logements dans le parc privé. Et on les financera pour ça. Elle feront le travail de gestion locative pour le propriétaire : elles trouveront le logement et assureront au propriétaire de trouver un locataire, d’assurer le paiement des loyers et des travaux si jamais il y avait des dégradations, de trouver un autre locataire quand le premier partira…

Ca permettra de rassurer le propriétaire : Son bien sera géré, et générera de l’argent. Mais il ne s’agira pas de se faire du fric sur le dos des gens. Beaucoup de propriétaires veulent juste vivre de leur bien. Ce système leur permettra d’être à l’aise avec ça. Et ça nous permet de proposer du logement abordable dans le parc privé.

Ca sera un succès à partir du moment ou combien de jeunes actifs ou d’étudiants bénéficient de ce système ?

On s’est dit qu’on aimerait capter entre 200 et 300 logements par an sur l’échelle du territoire francilien. On va suivre chaque logement pendant 3 ans. Et après on verra où iront les personnes qui sortent du dispositif. Et on utilisera le contingent régional dans le parc social pour les loger s’ils le souhaitent.

200 à 300 logements sur toute l’Île-de-France ?

De toute façon, la crise est telle en Île-de-France, qu’il faut trouver plein de petites actions. Il y a une action principale qui est de construire. Mais ça prend du temps. Au mieux un programme de logement étudiant, met 2 ans et demi à 3 ans entre le début du projet et la sortie de terre. Donc à côté de ça, il faut trouver d’autres solutions, plein de petites choses qu’on peut faire.

Quand vous annoncez 200 à 300 logements en intermédiation locative, ça correspond à 200.000 à 300.000 euros de financements de votre part. Si le programme était un succès, vous pourriez en assumer plus ?

On verra… Je crains que la mise en branle soit un peu compliquée. Il faut que les acteurs sur le terrain soient prêts. Il faut être patient sur ces histoires.

L’intermédiation locative nous permettra de proposer du logement abordable dans le parc privé.

La crise est telle en Île-de-France, qu’il faut trouver plein de petites actions

On a grandi avec Friends et le mythe de la colocation… Mais dans la réalité les propriétaires, quand on se présente, n’en veulent pas.

C’est très dur. Surtout, ce que je vois, c’est que les propriétaires veulent surtout en colocation des gens avec des contrats de travail. On a des propriétaires très frileux ou qui ne savent pas comment gérer leur bien.

Vous allez soutenir la colocation ?

On va essayer, dans le parc social, où il y a de grands logements – que les bailleurs sociaux ont du mal à louer parce que chers – à faire de la colocation… Et ça marche plutôt bien. Il y a des expérimentations qui ont lieu. Ca fait partie des choses qu’on va annoncer, ça ne va pas révolutionner l’ensemble du marché francilien, mais ça permet, là encore, d’apporter une solution à côté d’autres.

Concrètement, des colocations en HLM, ça se passera comment ?

D’abord, c’est possible par la loi. Le fait qu’on le mette dans nos délibérations, c’est une manière de dire aux bailleurs sociaux « allez-y, faut se bouger ».

On pourra choisir son colocataire ou il sera imposé par l’office HLM ?

La question du recrutement est effectivement très compliquée. Souvent, ça se passera aux côtés des grandes entreprises ou d’écoles. Les jeunes qui arrivent en entreprise ont souvent des besoins en matière de logement qui sont spécifiques. Dans les expérimentations, on a vu ces solutions s’implanter en lien avec les écoles de sage-femmes ou d’infirmières, avec les étudiants qui s’installent et qui cherchent une colocation. Il faut que les jeunes accèdent au parc social.

Vous vous apprêtez aussi à annoncer un programme de soutien aux colocations engagées. A quoi est-ce que cela ressemblera ?

C’est un partenariat avec l’Afev, qui est une association d’éducation populaire. Et qui cherche, en lien avec des municipalités à trouver des solutions de logement pour des jeunes qui ont des projets en lien avec le territoire. L’Afev a des projets sur Paris, en Seine-Saint-Denis et dans le Val-de-Marne, et on veut les aider là-dessus.

En fait, c’est faire se rencontrer des jeunes qui ont envie de monter des projets ensemble.

Oui… Par exemple vous avez une ville où un maire a un bâtiment privé qu’il a pu préempter et qu’il faut réhabiliter parce qu’il était avant la proie des marchands de sommeil. Il y a des mairies qui vont vouloir remettre de l’action politique dans le lieu. La contre-partie c’est un projet en lien avec le territoire : du soutien scolaire ou un service civique. Mais on ne doit pas dire au jeune « si tu veux un logement, tu dois faire ça ».

C’est important que les jeunes se mobilisent des actions concrètes ?

Je pense que c’est important qu’on donne aux jeunes des possibilités de s’engager. Quand vous êtes étudiant, vous n’êtes pas seulement dans une bulle à faire vos études, vous pouvez vous engager, partager, faire des choses. C’est vrai que le monde étudiant est un peu sclérosé…

Il y a 10 ans, vous reveniez dans Technikart sur un engagement d’il y a 20 ans, quand vous étiez à la Fidl, un syndicat lycéen…

Ça, c’était quand j’avais 15 ans…

… Et vous expliquiez : « Je suis partie de la Fidl, parce qu’il fallait attendre que Julien Dray et Harlem Désir aient dit ce qu’ils pensaient pour que les lycéens puissent avoir leur avis »

Oui, c’est vrai.

Vous en avez reparlé avec Julien Dray, maintenant qu’il est votre collègue à la région ?

Non, mais je pense qu’il le sait. C’est mon expérience du syndicalisme lycéen. C’est tout le problème du syndicalisme qui est sur un objet très particulier. Et la Fidl c’était très particulier comme construction…

Pour Regards, il y a 4 ans, j’ai fait une enquête sur les mouvements de jeunes dans les partis politiques et j’ai été extrêmement surprise de l’évolution positive, avec des jeunes beaucoup plus autonomes que ce que nous étions à l’époque. C’est peut-être une question de maturité de ces mouvements de jeunesse.

Il y a dans ces mouvements un côté très formateur mais aussi un autre côté, avec beaucoup de désenchantement…

Je suis partie pour une expérience politique beaucoup plus forte [Act-Up Paris, ndlr] mais je suis d’accord avec vous, c’était très formateur de faire du syndicalisme étudiant, notamment pour savoir ce que je ne voulais pas faire.

Mais je discute avec beaucoup de représentants de syndicats étudiants et je vois des jeunes qui ont beaucoup de courage, qui ont des choses à dire, qui portent un véritable engagement. Ce qui est dur, c’est qu’à l’âge qu’ils ont ou à l’âge que j’avais, il faut avoir une certaine distance et c’est difficile.

Du coup, vous n’en avez pas parlé avec Julien Dray ?

Non. On parle d’autres choses…

Il faut que les jeunes accèdent au parc social

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