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    océane

    Je suis venue au monde avec aucun talent. Je ne sais ni bien parler ni bien écrire. Je n'ai à mon actif aucun don particulier. Je ne sais ni peindre ni dessiner et la musique reste pour moi le plus grand des mystères. Je cultive un gout modéré pour la danse qui ne représente a mes yeux qu'une obligation nécessiteuse ou alors un vague exutoire ; lorsqu'elle n'est pas une simple représentation narcissique. Je ne suis ni trop peu intelligente ni suffisamment cultivée pour écrire ce qui sera le roman de ma vie. Je ne suis ni vilaine à regarder ni trop belle pour susciter l'engouement. J'ai ce que l'on appelle, une beauté commune a laquelle je me suis habituée et qui a certaines occasion peut susciter l'étonnement. Je ne mets ni poudre ni fard ni bijoux et le seul plaisir que je m'octroie quotidiennement est une immersion partielle de mon corps suivi de mon cerveau *dans la grande cuve ovale. Je ne cultive pas de gout particulier pour la mode et les différents tissus me sont complètement inconnus. Je m'habille exclusivement de noir ce qui n'est en rien original mais qui me procure une grande satisfaction. . Je porte toujours le même pantalon jusqu'à épuisement ou émanation d'odeurs désagréables. Certains jours lorsqu'il me semble utile j'arbore alors une petite robe grisâtre en laine gonflée à la taille, courte et tourbillonnante qui m'écourte la silhouette me conférant l'allure d'une toupille montée en poire. Mes cheveux quoique jolis sont d'une longueur inégale et leurs couleurs est par moment incertaine. Mes origines africaines voudraient qu'ils soient crépus et noirs mais les gènes autoritaires de ma mère en ont décidé autrement. Parfois je les veux blonds alors qu'ils sont aussi bruns que l'essence de henné et souvent je les vois rouge comme la fureur qui coule dans mon sang. D'une raideur déconcertante, ils sont assortis à une peau jaunâtre maladive qui est enviée dans les patelins. Ma santé est précaire, mon souffle est court et mon cœur a tendance à s'emballer très rapidement. Mon corps lui n'est pas forcément un poids lorsqu'il n'est pas un atout. Le buste est ferme et arrondie, le ventre est bosselé par façade, l'arrière quoique rebondi ressemble davantage a un gruyère après pressage a 65 degrés .La colonne du dos forme subtilement un S et les jambes sont égales. Mon patrimoine génétique est à la fois source de curiosité pour le corps médical qui y voit l'objet de recherches scientifiques poussées et en même temps source de revenu pour renflouer les caisses de la sécurité sociale. Je suis en cela très utile à la société et à son bon fonctionnement. Je sers la science comme objet d'étude et alimente les conversations les plus extravagantes. Je n'ai cependant aucun talent. Je ne suis ni une maitresse de maison hors pairs ni une épouse aimante. Les taches ménagères me dégoutent et les préliminaires m'ennuient inlassablement. L'amitié n'est pas pour moi un saint sacrement et les gens se succèdent autour de moi comme bien des mouches autour d'une bouse. Je suis actuellement sans emploi. L'école s'étant fâchée avec moi dès mon plus jeune âge. Je suivis non sans mal un cursus de philosophie qui me valut quatre ans plus tard la médiocre mention de maitre en la matière. La philosophie ne m'apprit rien de bon. Je devins journaliste. Je n'ai aucune opinion politique et je crois n'avoir jamais lu entièrement un seul journal de ma vie. Je n'ai aucune sympathie pour les fouines de ce domaine et je ne vérifie que rarement les sources auxquelles je fais appels. Je n'ai ni bien ni fortune et ma naissance reste pour moi le plus beau jour de ma vie. Les petites espaces m'oppressent et la vie que je mène ressemble a celle d'un *bachoga.