La Défense, 20h30 ce jeudi soir. Un flot ininterrompu d’hommes en noir se presse en direction de l’entrée du métro. Un quadra, costard sombre et visage fermé tente de se protéger de la pluie avec son attaché-case. Les enseignes lumineuses des commerces n’attirent plus grand monde à cette heure-ci, d’autant que la plupart des boutiques ont déjà fermé leurs portes. « Alors qu’on dit aux gens d’éteindre la lumière dès qu’ils quittent une pièce pour faire des économies d’énergie, certains commerces laissent leurs néons allumés toute la nuit », s’indigne Olivier. Autour de lui, une dizaine de militants des jeunes écologistes, armés de manches à balais et autres tiges en bambou attendent l’arrivée des retardataires.
Action Un quart d’heure plus tard le commando entre en action : première cible, l’un des néons qui surplombe l’entrée de la galerie commerciale. A l’aide de leurs crochets improvisés, ils enclenchent un petit levier placé à droite de l’enseigne, à 3 ou 4 mètres au-dessus du sol. Une seconde plus tard, les lumières s’éteignent. Victor, « responsable action des jeunes écologistes », avait prévu le coup :
« Ils sont obligés de mettre un interrupteur à l’extérieur, pour qu’en cas d’incendie les pompiers puissent y accéder »
Le jeune militant, cheveux en bataille, scotche sur la porte un tract « Lights off ». « L’action est bon enfant et pédagogique. Le but c’est que les gens comprennent et arrêtent de laisser allumé inutilement », explique Florence « co-coordinatrice du groupe Paris des jeunes verts. » Sur la feuille, une mise en garde:
« Eteindre la lumière des enseignes la nuit, intérieures et extérieures, c’est économique, écologique… et obligatoire depuis le 1er juillet 2013 ! Vous avez bien failli recevoir une amende d’un maximum de 750 euros. »
Dérogation C’est exact … enfin presque :
> Les commerces en activité avant la publication de la nouvelle réglementation, soit le premier juillet 2012, ont jusqu’à… 2018 pour se conformer à la règle.
> « Les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente », bénéficient de dérogations. C’est le cas de La Défense.
Pour Olivier, là n’est pas la question : «La Défense est un lieu symbolique», un «temple de la consommation où il faut toujours acheter, aussi bien la semaine que le dimanche, le jour comme la nuit.» Certaines enseignes sont allumées 24 heures sur 24, alors même que les portes de la galerie sont fermées à partir d’une heure du matin. « C’est totalement absurde, s’étrangle Florence. Nous vivons une véritable crise énergétique. »
La Défense est un temple de la consommation où il faut toujours acheter, aussi bien la semaine que le dimanche, le jour comme la nuit
Com’ La petite équipe pousse les portes du centre commercial et s’attaque aux néons qui surplombent les boutiques de vêtements. A peine le temps d’en éteindre deux qu’un vigile débarque, au moment où les militants accrochent leur tract. « Je ne viens pas dans votre salon coller des papiers ! » argumente l’agent de sécurité. Après 5 minutes à parlementer la petite troupe bat en retrait. Retour à l’extérieur, la pluie s’est calmée.
« Celui-là, vous savez l’éteindre ? » demande une journaliste du Parisien également présente. Elle est en quête d’une image un peu plus impressionnante pour illustrer son article. Finalement, un lettrage éclairé de plusieurs mètres de haut fera l’affaire pour une photo avant / après. Mais c’est raté : « Je n’ai pas eu le temps de faire une bonne image », s’excuse la journaliste. Victor s’exécute en rigolant : « Rallumer consomme encore plus d’électricité, mais si c’est pour la presse… »
Alors, une opé de com’ ? « Aujourd’hui, un peu », concède Olivier. « Mais on l’a déjà fait à plusieurs reprises sans qu’aucun média ne soit présent. L’idée c’est aussi de faire de la pédagogie auprès des passants et des commerçants. » Et apparemment ça marche. « On a un spot sur les grands boulevards qu’on fait souvent et d’une fois sur l’autre on a de moins en moins de néons à éteindre », assure Victor.
bqhidden. Rallumer consomme encore plus d’électricité, mais si c’est pour la presse…
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