13/01/2017

Pécresse veut faire plaisir aux réacs en supprimant les subventions aux études de genre

Par Natacha Chetcuti-Osorovitz ,
Par Inès Belgacem

Les études sur le genre, les inégalités et les discriminations ne seront plus financées par la région Île-de-France. Une décision de la présidente Valérie Pécresse. Pour Natacha Chetcuti-Osorovitz, c’est une victoire de la droite réactionnaire.

A partir du 20 janvier, toutes les subventions allouées aux études sur le genre, les inégalités et les discriminations, en Île-de-France seront coupées.

Ces coupes vont impacter les différents programmes et campagnes contre les inégalités de genre, le sexisme, l’homophobie, etc… J’ai peur d’assister à un rétrécissement du contrat républicain sur les questions de genre et de sexualité.

Pécresse veut faire plaisir aux réacs

Lorsque la Présidente de la région, Valérie Pécresse, prend la décision de supprimer ces budgets, elle répond à tous les mouvements anti-égalitaristes portés par une droite traditionnelle depuis 2011. Date à laquelle a émergé cette polémique sur la prétendue « théorie du genre » dans le nouveau manuel de sciences et vie de la terre. Quatre-vingt députés ont demandé son retrait à cause, notamment, du chapitre « devenir homme ou femme ».

Il y a ensuite l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe, face à laquelle s’est dressée la Manif pour tous. Ce sont des exemples parmi d’autres de polémiques créées par une frange de la droite dans le débat public depuis cinq ans.

Toute cette critique repose sur l’idée qu’il existe une seule et unique manière d’être un homme ou d’être une femme.

Aujourd’hui, la région recule face aux mobilisations de la Manif pour tous sur Internet et dans la rue.

Il y a un problème avec les gender studies en France

C’est incroyable qu’en 2017 ce champ d’études souffre encore d’un manque de légitimité. Depuis leur création dans les années 70, les études universitaires sur le féminisme ou le genre sont fortement liées à des questions politiques. Ce champ s’est créé sur une critique des sciences humaines qui rendaient invisibles la situation des femmes. Effacées dans les textes, les chercheuses de l’époque ont été confrontées à la domination masculine en voulant renouveler les questions autour de l’égalité et de l’universalisme.

«C’est incroyable qu’en 2017 les études de genre souffrent encore d’un manque de légitimité»
Natacha Chetcuti-Osorovitz, sociologue

Mais contrairement aux pays anglo-saxons, les gender studies ne sont toujours pas bien considérées en France. Elles renvoient instantanément au militantisme, à un sujet spécifique et non pas à une thématique générale dont l’étude profiterait à tous.

Un fond chrétien conservateur a reconfiguré l’échiquier politique

Ce qui est certain, c’est que les études de genre débouchent sur la question de la lutte contre les discriminations de genre, de sexualité, de classe, de « race ». Or c’est inconcevable pour cette droite réactionnaire.

On assiste à la fabrique d’un consensus religieux, qui regroupe des catholiques fondamentalistes et une droite dure, mais qui a rendu invisible des catholiques qui seraient d’accord avec le mariage pour tous.

Il s’est en fait construit une illusion de consensus, alors qu’il existe une pluralité de points de vue. Un fond chrétien conservateur – symbolisé par Sens Commun et la Manif pour tous – a reconfiguré l’échiquier politique et représente une réelle influence.

Contre toute attente, plus de trois ans après le vote de la loi du « Mariage pour tous », les mouvements exigeants le retrait de la loi ne faiblissent pas, ou très peu. Des centaines de milliers de personnes continuent de militer contre l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe, contre la PMA et la GPA. Non seulement cette mobilisation ne fléchit pas mais elle surgit dans la campagne des Primaires de droite, en vue de l’élection présidentielle de 2017, en soutien manifeste et déclaré à François Fillon, vainqueur des primaires.

Ainsi, des responsables de Sens Commun, formation politique issue de la Manif Pour Tous, sont-ils invités lors des débats entre les candidats aux Primaires, en soutien à François Fillon, et participent à la soirée durant laquelle se fête la victoire du candidat. C’est la détestation d’ennemis communs qui permet la convergence réactionnaire et redessine en profondeur le paysage politique français.