12/01/2017

Non, le décrochage scolaire n’est pas de la faute des profs !

Par David Cadasse ,
Par Aladine Zaïane

François Fillon fustige le manque d’autorité à l’école. Dans son viseur, les profs et les parents. Pour David Cadasse, le décrochage scolaire est un « dommage collatéral de la République ». En gros, les politiques n’ont pas fait le job.

Depuis presque cinq ans je travaille au sein des collèges situés en zones prioritaires. De Villliers le Bel à Stains, j’ai rencontré des parents et des responsables d’établissement qui se battent contre le décrochage scolaire. Bien sûr, leur combat est difficile et les échecs sont nombreux. Au milieu, il y a des enfants qui ne comprennent pas eux-mêmes la situation qu’ils subissent.

Nous ne sommes pas égaux face au décrochage scolaire. Ne pas le rappeler ou du moins laisser penser qu’il est exclusivement le fait de la négligence des familles et de leurs origines, participe à l’ethnicisation des questions sociales. Avant toute chose, il existe plusieurs profils de décrocheurs. L’élève qui a des problèmes à la maison, sujet à des violences ou tensions familiales. Celui qui décore la classe et a perdu goût à l’apprentissage…

Pourquoi certains jeunes décrochent ?

Avant d’accuser les parents ou même les professeurs, il faut analyser le contexte dans lequel certains évoluent. Il existe des établissements où le décrochage est favorisé par plusieurs facteurs endogènes au système éducatif. Depuis la rentrée 2015, le redoublement, sauf cas exceptionnel, n’est plus possible. Au-delà de la déception des élèves et de leurs parents, le redoublement leur permettait de se remettre à niveau pour poursuivre leur scolarité.

« Les plus faibles se retrouvent laminés et abandonnent par manque de soutien extra-scolaire. »
David Cadasse

Des élèves se retrouvent dans la classe supérieure avec des carences en français, notamment. On en arrive à des situations irréelles dans certains établissements. Ils ne sont pas bons en mathématique car ils ne comprennent pas l’énoncé en français ! Une classe se retrouve bloquée sur un seul exercice durant tout un cours. Il y a également le cas de ce professeur d’histoire qui ne donne plus de devoirs à la maison car les élèves ne les font plus ou alors partiellement. Ajouté à cela la densité des programmes transmis par l’Académie. Les plus faibles se retrouvent laminés et abandonnent par manque de soutien extra-scolaire que les parents ne peuvent assumer financièrement.

Les politiciens n’assument pas leurs échecs

Le décrochage scolaire est aussi la conséquence de l’échec des politiques en matière de délinquance. Et ça, les politiciens ne l’assument pas. C’est plus simple de pointer du doigt les familles et les syndicats de professeurs. Il existe une porosité entre l’environnement extérieur et l’enceinte des établissements scolaires dans certains quartiers.

Une mère de famille de Stains m’a interpellé un jour au sujet de son fils, dépassée par l’attractivité des dealers de drogue de sa cité. Ils proposent de l’argent facile et jouent la carte du grand frère qui veille sur l’adolescent en manque de repères et de reconnaissance. Cette mère d’origine maghrébine travaillait et était très impliquée dans le suivi de son fils. Mais totalement impuissante face à la dure réalité de son quartier. « La rue est plus forte que nous » me disait-elle, abattue.

« Le décrochage scolaire est aussi la conséquence de l’échec des politiques. Et ça, les politiciens ne l’assument pas. C’est plus simple de pointer du doigt les familles et les profs. »
David Cadasse

Comment s’en sortir ?

Alors, qu’est ce qui peut ramener un enfant décrocheur sur le chemin de l’école ? Il faut redonner du sens à l’école. Beaucoup de décrocheurs ont tellement de lacunes qu’ils abandonnent. Cet abandon prend la forme, souvent, de problèmes disciplinaires voire de violences. Cette déviance leur donne un statut et une reconnaissance. C’est la seule existence qu’on leur reconnaît au sein de la société et ils s’y enferment. « Quand je fais pas le bordel, j’ai l’impression de ne pas exister », m’expliquait une collégienne en échec scolaire.

La priorité contre le décrochage c’est de redonner de l’importance à l’élève, lui redonner confiance. Non ils ne sont pas que des « fouteurs de merde » ou des fardeaux pour la société. En cela les Ecoles de la deuxième chance sont intéressantes. Il n’y a pas la pression des notes et en y entrant, ils font volontairement un premier pas pour eux-mêmes. Dans les établissements classiques, le lien entre les parents et les professeurs gagnerait à être resserré car ils travaillent ensemble pour un même objectif : l’avenir de ces jeunes. Les pouvoirs publics, doivent se montrer plus efficaces dans la lutte contre la délinquance afin de créer un environnement plus propice à la réussite. Tant qu’ils attendront qu’il y ait un mort pour intervenir, ces enfants seront les dommages collatéraux de la République.