09/12/2020

« Le Bondy Blog est la mauvaise conscience des médias »

La grande histoire du Bondy Blog

Par Inès Belgacem

Le Bondy Blog est né après les émeutes de 2005 d’un constat : les médias mainstream sont incapables de raconter honnêtement les quartiers populaires. En 15 ans, il est devenu une institution. Retour sur un parcours semé d'embûches.

« Au dernier jour d’octobre 2005, j’ai eu honte de ma profession », écrit le journaliste Edwy Plenel. À l’époque, les quartiers s’embrasent. Zyed et Bouna, 15 et 17 ans, sont morts électrocutés après s’être réfugiés dans une centrale EDF, pour éviter un contrôle de police à Clichy-sous-Bois. Conséquence : deux mineurs morts, trois semaines d’émeutes partout en France et des médias incapables de saisir la colère. « C’est alors que le surgissement du Bondy Blog a sauvé l’honneur du métier. »

Ces quelques mots, au ton prophétique, sont les premières lignes de « Jusqu’à quand : 15 ans de reportages dans les quartiers ». Le fondateur de Médiapart Edwy Plenel a rédigé la préface de ce livre, qui se veut un florilège d’articles du Bondy Blog. Le média fête ses 15 ans. Depuis sa création en 2005, il a accueilli des centaines de blogueurs, jeunes et moins jeunes, issus de la société civile, encadrés par des journalistes, et censés recueillir la parole des quartiers avec davantage de justesse. « C’est une des Mecque du journalisme. Aujourd’hui, beaucoup de médias voudraient avoir sa crédibilité », assure Jalal Kahlioui, nouveau rédacteur en chef du Bondy Blog. Ajoutant :

« Notre rédaction ne ressemble pas à beaucoup d’autres. C’est précieux. »

Le Bondy Blog a fait bien plus que parler des quartiers – bousculant au passage les politiques et sortant quelques enquêtes mémorables. Il a ouvert un nombre d’opportunités incalculables à beaucoup de jeunes, aujourd’hui journalistes, écrivains, documentaristes, etc… Surtout, il a participé à ouvrir les rédactions, refermées sur elles-mêmes. « On ne se la raconte pas assez là-dessus », sourit Latifa Oulkhouir, directrice du Bondy Blog depuis janvier 2019. Avant elle, il y a eu Nassira El Moaddem et, surtout, Nordine Nabili, directeur historique resté dix ans. Lui préfère définir le média comme une école :

« Il y a une vraie culpabilité du métier derrière des initiatives comme le Bondy Blog. Des gamins, sans forcément le savoir, se sont mis à accomplir le travail qu’auraient dû faire les journalistes. »

Parler des quartiers

« Les périphéries n’existaient pas en 2005 », constate Nordine Nabili. Dans les médias, elles ne sont racontées qu’à travers des affaires traitées par les journalistes police-justice : des faits divers. « Ce qui craque, ce qui est déviant. » Le quotidien des habitants de ces zones périurbaines n’existe pas à l’écran, et leurs préoccupations non plus. Octobre de cette année-là, le drame de Zyed et Bouna va les mettre sur le devant de la scène. Des émeutes éclatent dans des dizaines de quartiers français. La couverture médiatique est catastrophique. La plupart des journaux relayent les communiqués de la préfecture, sans forcément tendre le micro ni aux habitants ni aux émeutiers.

Les plumes du Bondy Blog, comme Mehdi Meklat, Faïza Zerouala et Badroudine Saïd Abdallah, font parfois la Une de magazines. / Crédits : DR

Heureusement, quelques-uns s’intéressent malgré tout à cette France parallèle et oubliée, dont une équipe du magazine suisse l’Hebdo. Parmi eux, Serge Michel. Il décide d’emménager à Bondy pour quelques semaines. Si la Seine-Saint-Denis fait partie des premiers départements à s’être embrasé, le point de chute est choisi presque au hasard. Une amie syndicaliste de la femme du journaliste y réside. Pourtant, dans le milieu des années 2000, la démarche est « une belle leçon », juge Latifa Oulkhouir. « Il a fait le choix de passer de l’autre côté du périphérique, pour venir au cœur d’un quartier pour mieux le raconter. »

Durant trois mois, les journalistes de l’Hebdo se succèdent sur place, dans la rédaction improvisée. Dans un édito datant du 7 février 2006, le rédacteur en chef Alain Jeannet fait le point sur l’expérience : « Dans mon for intérieur, je me posais la question : allait-on trouver à Bondy, sur la durée, assez d’histoires intéressantes à raconter, les lecteurs n’allaient-ils pas se lasser ? Le succès a dépassé tout ce que nous avions imaginé ». Il en est certain, il reste des centaines de sujets à explorer sur place. « Mais est-ce à nous de les écrire ? », s’interroge-t-il. En partant, le journal décide de laisser les clés des lieux aux habitants, pour qu’ils racontent leurs histoires. Pour donner la parole aux premiers concernés. Le Bondy Blog est né : une association, dont la vitrine est un média sur internet, accessible à tous.

La dernière génération du BB. / Crédits : DR

Justice sociale, violences policières et Islam

« Le BB est la mauvaise conscience des médias. Il est né d’une faille du journalisme français », contextualise Faïza Zerouala, journaliste à Médiapart. Elle débarque au Bondy Blog en 2009. Durant ses premières années, le média participatif est centré sur Bondy. C’est quand il s’ouvre plus largement aux jeunes de toute l’Île-de-France – autour de 2007 – que l’étudiante en histoire pousse les portes de la rédaction. « J’ai mis longtemps à y aller. J’étais persuadée de ne pas être à la hauteur… » Serge Michel et Mohamed Hamidi – le réalisateur et scénariste originaire de Bondy (La Vache, La Marche) a activement participé à lancer le BB – ont confié les clés à Nordine Nabili. Le journaliste et animateur de BeurFM est originaire des quartiers de Mulhouse. Avec d’autres, ils s’appellent « les encadrants » et accueillent les blogueurs motivés, prêts à raconter leur quotidien :

« Il y avait de l’authenticité dans les écrits. On faisait parfois des sujets que pouvaient faire les grands médias, mais avec l’œil des jeunes. Le point de vue était un angle supplémentaire à faire. »

Comme Mehdi et Badrou, arrivés aussi en 2007. Ils ont 15 ans et sont ensemble en seconde à St-Ouen. Aujourd’hui auteurs de romans et documentaristes, ils se souviennent de leur premier sujet sur l’élection municipale de La Courneuve : « C’était un Arabe qui se présentait pour l’UMP. Dans la ville où Sarkozy a promis de “nettoyer la racaille au Karcher”, ça nous a interpellés », racontent-ils. À leur retour, l’équipe les corrige et publie. « C’était un moment assez particulier, la publication », se rappellent-ils émus. Il y a aussi des billets d’humeurs, dont Idir Hocini, la plume la plus ancienne du Bondy Blog, est devenu le champion. À ses débuts, il écrit une dizaine d’articles par mois. Il explique dans « Jusqu’à quand : 15 ans de reportages dans les quartiers » :

« On me donnait la parole, donc j’en profitais. »

« Le BB a été notre caisse de résonance d’une certaine manière. On a pu y mettre nos combats, nos colères, nos envies, nos points de vue et sentiments sur le monde qui nous entoure », expliquent Mehdi Meklat et Badroudine Saïd Abdallah. Complétés par Faïza Zerouala : « Violences policières, justice sociale, islam, etc. On s’est emparés de ces sujets. C’était lourd, mais on s’est soutenus ». Des papiers marquants – comme récemment l’histoire de Gabriel, ce lycéen de 14 ans lynché en garde à vue, ou la contre-enquête sur le café de Sevran, qui n’a jamais refusé d’accueillir des femmes – illustrent le propos. Ilyes Ramdani, également journaliste à Médiapart, ajoute :

« Dans cette grande partition, on a mis la lumière là où personne ne la mettait. On a pris plein de petites photos à un moment T. À la fin, on espère que ça forme une mosaïque utile. »

Les blogueurs et les encadrants racontent surtout les quartiers dans toute leur perplexité et non plus de manière manichéenne, en sortant des success story et des faits divers. Badroudine Saïd Abdallah :

« On n’a jamais été porte-parole des quartiers. Le Bondy Blog a toujours été un objet honnête intellectuellement, pour arrêter d’avoir un regard biaisé sur les quartiers. »

Le Bondy Blog a fait des partenariats avec d'autres médias, comme Libé. En 2015, le journal avait fait un numéro spécial avec les blogueurs. / Crédits : DR

« Centre de formation »

Ilyes Ramdani arrive au BondyBlog en 2013. « C’était un moment de changement général. » Les blogueurs racontent leur passage en « époque » ou en « promo ». Il y a eu celle des Bondynois, avec Idir Hocini et les autres. « En 2013, il y avait Faïza, Widad [Ketfi], Nassira [El Moaddem], ou encore Mehdi et Badrou. » Cette génération est la première à être mise sur le devant de la scène, notamment grâce au Bondy Blog Café, diffusée sur LCP. Une émission de débats devenue incontournable pour la classe politique. « Certains chez LCP faisaient la gueule. On avait des invités prestigieux. Leurs sous-titres étaient : “Ce n’est pas à vous de faire ça” », se rappelle, amusé, Nordine Nabili.

Le Bondy Blog est une émission de débats devenue incontournable pour la classe politique et médiatique. / Crédits : DR

« Je me souviens particulièrement des gens de droite, qui venaient faire leur mission banlieue », raconte Mehdi Meklat. Les blogueurs sont les intervieweurs et Nordine Nabili, présentateur, passe les plats. « Les politiques étaient toujours surpris d’avoir des gens avec des cerveaux en face d’eux. Pour certains, il y avait sûrement une forme de condescendance. Dans leur agenda, il devait être écrit : “Interview avec les petits jeunes” », complète Badroudine Saïd Abdallah. Les deux compères passent régulièrement à l’antenne. Ils se souviennent de Valérie Pécresse, ministre de Nicolas Sarkozy, qui opinait à toutes leurs questions, alors même qu’elles allaient contre son bilan. « Une tactique pour que ça passe mieux, c’était très déstabilisant. » Ou de Jean-François Copé. « Il nous a présenté sa femme, Nadia, qu’il a installée juste derrière nous pendant l’interview. Je crois qu’il s’était dit qu’on serait plus sympa avec lui parce qu’elle est Arabe… »

Les intervieweurs-blogueurs changent presque chaque semaine. « Tout le monde avait sa chance », explique Ilyes Ramdani. À 20 ans, il interviewe Manuel Valls, alors Premier ministre, lors d’un événement co-organisé avec RFI, France24 et Libé. « C’était troublant. » Ses collègues d’un jour discutent poliment avec l’homme politique :

« Nous, on ne parlait jamais aux politiques avant et après l’interview. On avait appris ça avec Nordine. On arrivait en tram, on s’installait, on l’allumait pendant une heure, et on repartait. »

« C’est un truc de fou de traiter tout le monde de la même manière ! Ils posaient les mêmes questions à François Fillon ou à un chauffeur Uber », observe Jalal Kahlioui. Le rédacteur en chef actuel n’a pas été formé au Bondy Blog. Mais il suit assidûment les blogueurs :

« J’étais impressionné par cette volonté d’être fort avec les forts et doux avec les fragiles. »

Les jeunes journalistes sont « dans l’interpellation », comme le dit Ilyes Ramdani. « On avait rien à perdre. On n’avait pas de carrière et on n’avait pas besoin de les revoir. Alors on était francs ! » C’est Nordine Nabili, le directeur, qui sert de paratonnerre. « Il a mené beaucoup de guerres invisibles. Nordine a toujours été au front pour nous donner toutes les libertés et les chances qu’on a pu avoir », assure Faïza Zerouala. Pour le renouvellement du programme sur LCP. Pour les subventions qui ont permis de faire vivre le Bondy Blog depuis 15 ans. Mais également pour faire exister la Prépa égalité des chances, en partenariat avec l’ESJ Lille, une prestigieuse école de journalisme.

En plus d'être un média, le Bondy Blog propose des masterclass avec des journalistes, accessibles à tous. / Crédits : DR

Faïza Zerouala, Ilyes Ramdani, Latifa Oulkhouir, par exemple, ont pu profiter de cette formation. « Plus de 200 personnes sont passées par la prépa », contextualise Latifa Oulkhouir. Dont des profils surprenants, comme Alexandre Devecchio, aujourd’hui au Figaro et Figaro Magazine, plutôt orienté très à droite. « Si ça n’est pas une preuve que le Bondy Blog est très ouvert… », sourit Faïza Zerouala. Autre personnalité surprenante à avoir écrit pour le Bondy Blog : Marlène Schiappa ! « Oui, on a eu une ministre », rit Latifa Oulkhouir qui poursuit :

« Le Bondy Blog est un magnifique centre de formation. »

Ces journalistes sont aujourd’hui dans tous les médias de l’Hexagone. « Nos présences sont exceptionnelles dans les rédactions. Plus on sera nombreux, plus les quartiers et la diversité seront bien traités », assure Faïza Zerouala.

Ilyes Ramdani et Latifa Oulkhouir ont assuré la rédaction en chef et la direction en 2019. / Crédits : DR

Equilibriste

Voilà cinq ans que Nordine Nabili, le directeur historique, a quitté son poste. Il en est sorti lessivé. « J’étais obsédé par la gestion des découverts, par payer tout le monde en temps et en heure. » De manière plus personnelle, il raconte son « tunnel de dix ans, où [il n’a] pas vu grandir [ses] mômes ». « C’était épuisant. » Il parle avec beaucoup d’admiration de tous les journalistes qui sont sortis du Bondy Blog. Mais il est aussi celui à raconter l’expérience avec le plus d’amertume :

« On était des singes savants ! Tout le monde nous regardait les yeux écarquillés. Mais je ne voyais rien. Je m’en suis rendu compte quand je suis parti. »

Directeur, Nordine Nabili court les plateaux, les débats radios, pour parler du Bondy Blog et pour défendre son travail. « C’est important d’incarner le média. Mais on nous invite parfois pour des mauvaises raisons », explique Latifa Oulkhouir, à qui incombe maintenant cette mission. Violences policières, justice sociale, mais également islam, terrorisme, séparatisme, etc… Tous les sujets pouvant être reliés, de près ou de (très) loin, aux quartiers. Des invitations encore symptomatiques des clichés de certains médias, comme l’explique Nordine Nabili :

« On est devenues les personnes faciles à inviter. On ne voulait pas de ce rôle de porte-parole des banlieues et en même temps on était légitime sur beaucoup de sujets… »

Il poursuit : « Et puis on était aussi un caillou dans la chaussure des médias ». Alors quand l’un des blogueurs, mis en lumière par le Bondy Blog, est pris la main dans le sac à écrire des tweets homophobes et antisémites, c’est tout le collectif qui prend. L’affaire Mehdi Meklat remonte à février 2017. Avec d’autres bondy-blogueurs, il fait les Unes de Libé, Télérama, les Inrocks, est chroniqueur sur France Inter et « interpelle » sur les réseaux, dans la tradition de sa rédaction. La chute est rude lorsque le grand public découvre une série de tweets, discriminatoires et répréhensibles, publiée entre 2011 et 2015 sous le pseudonyme Marcelin Deschamps. « C’est la métaphore d’une famille : par provocation, un va aller à l’encontre de la famille. Et ça lui retombe sur la gueule cinq ans plus tard…. », regrette l’intéressé. Il poursuit : « Ce qui nous a tous touchés, c’est que mes tweets sont devenus la faute de tout le BB : on était tous homophobes, racistes, sexistes… ». « C’est une initiative perso qui a blessé tout le collectif. J’ai fait le dos rond… Je n’en suis pas fier. J’aurais pu être plus véhément », commente Nordine Nabili, complété par Ilyes Ramdani :

« Les tweets étaient terribles, les papiers sur le sujet hyper violents. Et on avait évidemment de la compassion pour ce que traversait Mehdi. Dans le même temps, il y avait un violent unanimisme pour descendre tout le BB. Et toutes les voix qui auraient pu nous défendre étaient terrorisées. »

Un article ou une prise de parole publique étaient systématiquement suivis d’un « et l’affaire Meklat ? », « et votre affiliation avec telle pensée extrémiste », raconte le journaliste de Mediapart. Surtout, le Bondy Blog dépend de subventions du gouvernement et des collectivités. Et si la polémique remettait en question la mission de la structure ? « En 15 ans, il y a eu deux moments où j’ai eu peur pour la survie du BB. Celui-là en fait partie… », souffle Nordine Nabili.

Implosion

Le second moment date de l’été 2018. Depuis deux ans, Nassira El Moaddem a pris la direction du Bondy Blog, succédant à Nordine Nabili. Arrivée en 2008, la journaliste est un pur produit du BB, passée par la rédaction, la prépa aux écoles de journalisme, les différents projets dont le Bondy Blog Café. Elle arrive avec l’ambition de garder l’ADN du média, tout en y apportant un plus grand professionnalisme. La nouvelle directrice lance une nouvelle version du site internet – qui n’avait jamais été changé en dix ans. Elle organise aussi une campagne de crowdfunding, pour financer davantage d’enquêtes. Plus de 50.000 euros sont levés. Ce projet est porté avec Leïla Khouiel, rédactrice en chef adjointe, elle aussi enfant du BB. Pendant leur période, le média enchaîne les enquêtes et les beaux partenariats, avec notamment France Bleu et Médiapart. « Il y avait une volonté de faire entendre le BB pour son travail journalistique », explique Nassira El Moaddem. « De mon époque, on n’a jamais levé un lièvre. Là, la rédaction a sorti des infos et des enquêtes », contextualise Nordine Nabili.

Les participations à l'émission du Bondy Blog Café étaient tournantes. Ici, Widad Ketfi, Ilyes Ramdani et Faïza Zerouala. / Crédits : DR

« Et il y a eu un clash entre Nassira et Leïla », poursuit-il, peiné. Latifa Oulkhouir parle « d’une dissension dans l’équipe éditoriale ». « Elle a voulu mettre la main sur le Bondy Blog et le comité d’administration a choisi de l’écarter », commente Nassira El Moaddem, sans vouloir plus entrer dans les détails. Leïla Khouiel n’a de son côté pas souhaité répondre à nos questions. Elle a porté plainte contre Nassira El Moaddem. « Elle m’accuse d’avoir fouillé dans son Facebook. Elle a été déboutée mi-novembre. Elle n’a pas fait appel », assure l’intéressée. Leïla Khouiel a également intenté une procédure devant les prud’hommes pour contester son licenciement.

« On n’a compris ni la version de l’une, ni celle de l’autre. On leur a demandé de partir », poursuit Nordine Nabili. Nassira El Moaddem tient à préciser qu’elle est partie d’elle-même (1). « Ça a été une période catastrophique en terme de DRH. S’est créé un vrai gouffre pour les jeunes, qui sont partis pour la plupart… », poursuit Nordine Nabili. La crise pousse des anciens à revenir. Le bureau de l’association s’inquiète de la pérennité du Bondy Blog. Latifa Oulkhouir et Ilyes Ramdani prennent les rênes, en qualité de directrice et rédacteur en chef, en janvier 2019. Ilyes Ramdani, passionné de sport, use de la comparaison footballistique pour dédramatiser la situation :

« Les tensions internes ont vidé le vestiaire. Il n’y avait plus suffisamment de monde, d’énergie et de sérénité pour que le média continue à fonctionner normalement. Mais ça arrive dans toutes les associations et les médias. »

Renouveler

« Le Bondy Blog a été une sorte de refuge pour moi. J’y allais tous les mardis pour la conférence de rédaction et j’étais bien. C’est une maison pour beaucoup d’entre nous », explique Ilyes Ramdani, dont l’envie est de revenir aux fondamentaux avec Latifa Oulkhouir :

« On voulait partager ce que le Bondy Blog a pu nous offrir. Pour moi, venir discuter de politique, de culture, de notre quotidien, d’hybridité, ça a été incroyable. Tu ne connais pas les gens quand tu arrives, mais ils te ressemblent et tu les comprends. »

La directrice raconte avoir appris des erreurs de ses aînés, sans rien réinventer. En essayant humblement de prendre le meilleur. Elle poursuit le travail d’éducation aux médias, dans les collèges et les lycées. D’éducation au journalisme à la rédaction. Et la prépa aux écoles de journalisme, aussi. Ilyes Ramdani, resté de janvier 2019 à août 2020, a laissé sa place à Jalal Kahlioui qui, pour la première fois pour un membre de la direction, n’a pas été formé au BB. Après des expériences à Clique et AJ+ France, il atterrit à Bondy :

« Le Bondy Blog n’a clairement pas la force de frappe de ces rédactions. Mais j’avais besoin de retrouver du sens à ce que je faisais. Et c’est une opportunité autant de responsabilité à 27 ans. »

Comme leurs prédécesseurs, les deux cadres enchaînent les journées à rallonge, et s’épuisent sur des questions de financement. Le Bondy Blog a toujours été une association, avec des subventions publiques incertaines. Alors, Latifa Oulkhouir et Jalal Kahlioui ont décidé d’ouvrir les financements aux lecteurs depuis début décembre. S’ils le veulent, ils peuvent faire un don, spontané ou mensuel, pour soutenir le travail du Bondy Blog. « On nous demandait régulièrement comment on pouvait nous aider. Comme ça ! », explique Latifa Oulkhouir, qui raconte qu’un lecteur leur a offert leur machine à café. Entre autres :

« Une fois, j’ai blagué sur les réseaux en disant qu’on avait besoin d’une voiture. Un lecteur nous a offert sa 206… »

(1) Edit du 10/12/20

Notre journaliste Inès a écrit quelques papiers au Bondy Blog et a eu Nordine Nabili comme professeur. (Elle s’excuse pour tous ceux qu’elle n’a pas pu citer.)

Photo d’illustration de Delphine Ghosarossian – Studio Submarine