08/03/2012

Journée de la femme bis

Scènes d'hystérie à H&M : Marni lance une nouvelle collection

Par Françoise Ortie

Un véritable enfer. StreetPress est allé attendre pendant deux heures devant un H&M parisien le lancement de la collection « Capsule » de la maison de couture Marni. Des robes, de la sueur, de la déception et des centaines d'euros dépensés.

Nous sommes tous fous à lier. Ce matin, à 9h30, 500 mètres de queue humaine piétinent devant un bâtiment gris du boulevard Lafayette. Levées aux aurores, les premières arrivées poireautent dans le froid depuis 7h du mat’. Cernes, peau grise, emmitouflées dans de longues doudounes noires, elles s’affligent un châtiment corporel et psychologique. Le but ? Être les premières au lancement de la collection « capsule » de la maison de couture Marni, qui s’est associée pour l’occasion avec H&M. Une collection dessinée par Consuelo Castiglioni : 43 pièces colorées et des accessoires en plastique. « Je veux le collier blanc, celui à pétales épais, j’en rêve depuis un mois », raconte Sophie, 23 ans. Sa copine Madeleine, elle, « préfère le collier à pétales fins.»

Sofia Coppola herself Si elles sont si au courant, c’est que, depuis un mois, la collection a déjà fait le tour du web. Sofia Coppola a réalisé le clip de promo (463 000 vus) et les « lookbooks » fleurissent sur les blogs. A l’image de la blogueuse Balibulle, tout le monde affiche sa wish list (soit pour elle pas moins de 25 articles sur les 70 proposés)

Dans la queue, un homme aux cheveux sales et à la peau rougie par le froid tire sur sa clope, impassible devant les 30 personnes qui râlent autour de lui à cause de l’odeur de tabac. (parmi elles des asiatiques, des personnes à l’odorat sensible : souvenez-vous des masques pour la grippe H1N1). Dans le sac de l’homme à la peau rouge, bien mis en évidence, on aperçoit des carnets de croquis. Cet homme est donc styliste. La profession de styliste – au-dessus du commun des mortels en matière d’accès à la mode – serait donc elle-aussi prête à endurer les pires horreurs pour un bout de chiffon ? Oui.


Afficher H&M La Fayette sur une carte plus grande

Droit d’être belles Heureusement, les vigiles ont compris qu’il fallait éviter de laisser les gens (trop) réfléchir. Les portes s’ouvrent, la foule se jette sur les portiques. En une seconde, tous les articles sont engloutis. La petite veste à pois bleus ? Elle a disparu en moins de 10 secondes. Tous les accessoires aussi. Une demi-heure plus tard, des clientes arrivent après la bataille. « Il ne reste plus rien », soupire un vendeur. Avec ses collègues, il se presse pour remplir les portiques vides par des vêtements H&M normaux.

Sofia et Tania, deux dames de 50 ans, ont de la chance : elles sont koweïtiennes, comme la vendeuse. Elles auront droit aux articles sur les mannequins. Les autres clientes râlent :

« Et moi !! C’est degueulaaaaasse, nous aussi on a le droit d’être belles. »

Le responsable boutique met le holà : «Plus aucun article sur les mannequins ne sera donné aux clientes.» Fin des stratagèmes pour acheter les vendeuses.

La promo par Sofia Coppola

Dans les cabines, dernier endroit où on peut espérer chopper un peu du rêve dans ce chaos, une trentenaire essaie une robe à capuche en boubou africain. Ça ne lui va pas du tout. Elle se rassure : “c’est tellement confortable, je la porterai en pyjama.” Prix de la robe futur pyjama : 99 euros. Puis direction les caisses, où des montagnes d’habits s’entassent sur les comptoirs des vendeuses. A ma gauche : 423 euros. A ma droite : 416 euros. On dirait que toutes les combinaisons d’articles coûtent 400 euros. Les actionnaires vont être contents.

C’est tellement confortable, je la porterai en pyjama

Ebay Pendant ce temps, dehors, dans le froid, des femmes piétinent et trépignent. Celles qui sont arrivées les premières ressortent du magasin avec deux, trois, quatre sacs plein à craquer. Dans la queue, les autres sont furieuses de jalousie. Sophie, grande blonde de 19 ans, abandonne : “moi je rentre chez moi. Ça sert à rien, j’aurai rien.” Sous ses yeux, une quadra sort avec 6 sacs – soit toute la collection au complet (40 pièces et 30 accessoires). Elle a dû en avoir pour 2000 euros. Une heure après l’ouverture, les articles seront déjà en vente sur Ebay pour le double voire le triple du prix. Allez vérifier, la petite robe à pois bleus, vendue 149 € est en vente en ce moment pour 199 €.

Après ce grand 8 émotionnel (ennui/attente/espoir/joie/ jalousie/tristesse/déception), une question surgit dans notre esprit de femme : ces vêtements, s’ils n’étaient pas en stock limité, et filmés par Sofia Coppola, est ce qu’on les achèterait ? Sans doute pas. La crise est là, mais la collection Marni sera restée moins de 5 minutes en boutique.

bqhidden. Et moi !! C’est degueulaaaaasse, nous aussi on a le droit d’être belles