09/02/2010

Dans le secteur public la précarité peut être pire que dans le privé

Par Noémie Toledano

Dans le secteur public aussi il y a de la précarité. Pour ceux qui en doutaient, l'intersyndicale de l'enseignement supérieur et de la recherche a dévoilé hier les résultats de son enquête.

Une enquête inédite

Il n’existe aucun chiffre officiel de la précarité dans l’enseignement supérieur et la recherche (ESR) française. Alors 19 syndicats ont décidé de se pencher sur la question. Un questionnaire a été mis en ligne en octobre auquel ont répondu anonymement plus de 4.000 personnes qui se reconnaissent comme précaires. Selon Stéphane Tassel, secrétaire général de la Snesup : « cette enquête a cette force d’être inédite et d’offrir un panorama, un paysage, de la précarité. »

Un paysage désolé

Les résultats sont édifiants. Selon l’intersyndicale, 1 chercheur sur 4 est non-permanent comme 20% des personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche. L’enquête tient compte de l’hétérogénéité des situations : vacataires, doctorants, docteurs sans postes et personnels non-enseignants (bibliothécaires, techniciens…) ont décrit leurs conditions de travail, leurs ressources et leurs perspectives d’évolution, entre autres.

“Selon les estimations de l’intersyndicale, les précaires sont entre 45.000 et 50.000 dans l’enseignement supérieur et la recherche”

La créativité de l’université mise en jeu

La précarité ne tient pas seulement au fait de ne pas être permanent. Des rémunérations basses, non adaptées au niveau ou à l’ancienneté, très irrégulières, voire des mois blancs à l’image de François Fourny, enseignant de français langue étrangère, qui a enchaîné pendant plusieurs années des CDD de 9 mois, entrent aussi en ligne de compte pour les répondants à l’enquête. Contrairement au secteur privé, il n’y a pas de prime de précarité dans l’ESR. Le lien de subordination à la hiérarchie est aussi évoqué. Pour Stéphane Tassel, le résultat est clair : « quand on n’est pas libre, la créativité, le potentiel de l’Université s’en voit obéré ».

Les sciences humaines et sociales, parents pauvres de la recherche

La situation des SHS est plus négative que les autres champs disciplinaires tant au niveau des rémunération que des conditions de travail. Par exemple, près de 40% des docteurs en sciences humaines gagnent moins de 1.200 € et 80% moins de 1.800€ alors que plus de 50% des docteurs en sciences de la vie et docteurs en sciences de la matière gagnent plus de 1.800€. Dans le même temps, ils ont quasiment trois fois moins d’ordinateurs attitrés, de bureaux attitrés ou d’accès à la cantine avec un tarif réduit que leurs collègues des autres champs disciplinaires.

Un printemps de la précarité

Selon les estimations de l’intersyndicale, les précaires sont entre 45.000 et 50.000 dans l’enseignement supérieur et la recherche. La publication de ces résultats n’est qu’une première étape. D’ici quelques mois, les syndicats devraient organiser un « printemps de la précarité » pour demander la titularisation de 70% d’entre eux et un droit du travail aussi protecteur que dans le privé.

Source : Noémie Toledano / StreetPress