22/08/2012

Catacombes, squats, lits d'appoint et pintes gratis

Crashtest : Trois couchsurfeurs parisiens nous font visiter leur quartier

Par Paola Schneider

Raùl, Anastasia et Mathilde accueillent dans leur appart parisien des coachsurfeurs venus du monde entier. StreetPress a sorti le short à poche, la banane et l'appareil photo pour voir ce que nos guides amateurs avaient dans le ventre.

1 Le 14eme avec Raùl

On s’était dit 15h station de RER Denfer-Rochereau, j’ai 10 minutes d’avance et scrute les passants un léger portrait-robot en tête: trouvé.

Juger sur les apparences c’est mal. Faire des pronostics sur la personnalité du parfait inconnu avec qui vous allez passer les quinze prochaines heures, c’est naturel. Il a les cheveux gominés et ça me fait marrer. Je lui avais demandé de me faire visiter son quartier et Raul m’a proposé les catacombes. Rien de tel que trois quart d’heure de queue et deux kilomètres d’ossements pour briser la glace.

« À chaque fois tu apprends des petits trucs d’autres cultures » Web-designer en alternance pour le moment en vacances, Raul à débarqué à Paris en 2008. Il vit avec Elena, rue du Couedic dans le 14e, il y a deux ans on lui a parlé du CouchSurfing et Raul a trouvé ça cool. Comme sa coloc voyage beaucoup et que lui travaille à la maison il s’est dit que ça lui ferait de la compagnie.

Raul a « arrêté les comptes » mais pense avoir accueilli environ 140 Couchsurfeurs. « J’ai déjà un copier-coller pour les réponses négatives». Pourtant il n’a encore jamais été surfer chez quelqu’un. Tour Eiffel, Arc de triomphe, Champs Elysée…« Je l’ai fait mille fois ce putain de tour ! ».

Des milliers d’os et de crânes plus tard on remonte à la surface pour une bouffée d’air frais dans le Parc Montsouris puis une traversée de la Cité Internationale Universitaire où chaque pays à sa maison. « Les gens viennent avec à l’esprit le soucis de ne pas gêner. Ils regardent comment tu fais les choses avant de faire pareil ». Raul cherche mais ne se souvient d’aucune mauvaise expérience avec des couchsurfers.

Créer un profil CS ? Raul avoue que vivre à Paris à pu influencer sa décision. « Avant je leur donnais les clés mais à Elena ça ne lui plaisait pas trop ». Du coup la plupart du temps lorsqu’il reçoit des couchsurfeurs Raul sort avec eux ou les embarque avec lui. « Tous les soirs tu joues à un nouveau jeu à boire, dans une nouvelle langue ! ».

Chassés du Jardin du Luxembourg à la tombée du jour, direction la rue Mouffetard pour une tournée des bars. De retour au bercail, c’est farfalle au pesto et séance découverte musicale. Le couchage des surfeurs ? Un canapé-futton dépliant tellement confortable que Ziltoid le chat viendra dormir à vos côtés.

Votre couchage: le lit-futton de sa coloc Elena quand elle n’est pas là

Les adresses de son quartier: Les catacombes, le parc Montsouris , la Cité Universitaire Internationale 

Langues: Français, Anglais, Espagnol (du Costa Rica)%

2 Le 18eme avec Mathilde

Le 22 de la rue du Pont Neuf est un sex shop. Eux appellent ça Loveshop et il est vrai qu’avec sa déco rose et violette, le Passage du désir pourrait presque vendre des dragées. Non je ne me suis pas trompée de numéro, c’est là que Mathilde travaille. Elle sort, mince, pas bien grande, cheveux longs et piercing nasal.

Quelques ruelles du 1er arrondissement plus tard, c’est devant une blanche et une assiette saucisson-fromage de l’Art Brut, l’un de ses QG du coin, que Mathilde me raconte. Elle a 23 ans, et si le conseil en lubrifiant paye le loyer de son 17 m2 à Château Rouge, son truc c’est de monter sur les planches avec sa petite compagnie et de surfer sur des sites de rencontre. Mathilde s’est inscrite sur Couchsurfing il y 5 ans, elle a reçu une dizaine de personnes et inversement.

« L’important pour moi c’est que ça soit pas cher ». Mathilde vous montrera le Paris qu’elle aime, à commencer par son quartier. « Les gens s’entraident et se parlent » dans une « ambiance hétéroclite et familiale ». Si c’est un jeudi soir, elle vous emmènera sûrement rue Leon déguster un couscous offert au comptoir des Trois Frères, sinon reste l’antillais de la rue Doudeauville, ses acras de morue et son boudin.

Côté culture, au Jardin du Luxembourg Mathilde préférera celui d’Alice. Mais dépêchez vous, ce squat d’artiste s’apprête à quitter la rue la Chapelle pour laissez place à des logements sociaux. Pas une raison pour déserter le coin puisque à deux pas l’association du Théâtre de Verre dédie 640m2 au déhanchement tango et au bruit des claquettes.

Si vous êtes un mec, c’est mort. Mathilde n’a qu’un lit deux places et n’accueille que des filles pour moins d’ambiguïté. Elle aura d’ailleurs des anecdotes à vous raconter sur le sujet, comme cette jeune coréenne qui avait préféré dormir toute habillée à même le sol. Une seule pièce que la comédienne a aménagée comme elle a pu pour offrir un peu plus d’intimité aux couchsurfeurs. Devant la salle de bain sans porte, un petit rideau.

Ménilmontant, mais oui Madame. Direction La Miroiterie, électricité défaillante et toilettes à la turc pour un son punk authentique ou des jam sessions multicolores. Porte de bois ? Mathilde à son plan de rechange. En 10 minutes chrono vous voilà à l’International, un bar-salle de concert qui tourne à deux ou trois groupes par soir, en tout genre mais toujours gratuits.

«Les rencontres font partie des valeurs très importantes de la vie ». Si Mathilde surf aussi sur Adopte un mec ou Gay Vox c’est d’une manière un peu aléatoire et particulière. Cette fille a fait un voyage dans le grand nord en stop et un trip en Andalousie avec un transsexuel. Du coup quand elle vous fait découvrir un bar super dans votre propre rue, vous qui vous croyiez aventurière restez un peu bouche bée.

Votre couchage : avec elle dans sont lit deux places (pour les filles exclusivement)

Les adresses de son quartier: Couscousserie Les Trois Frères, Restaurant Antillais Le DoudeauvilleL’Internationale, Le Jardin d’Alice, La Miroiterie

Langues : Français, Anglais (pas parfait mais volontaire !)

3 Anastasia, entre le 10eme et le 19eme

Elle s’est démenée pour trouver un vélib, du coup Anastasia a quelques minutes de retard mais pour se faire pardonner, elle a ramené des cacahuètes. Dimanche soir, 19h15, à l’ombre précaire d’un palmier rachitique, c’est elle qui me reconnaît place Stalingrad, entre la fontaine et la Rotonde.

On gravit les marches jusqu’au toit-terrasse du 25 Degrés Est. L’happy hour termine à 19h mais « il y a moyen de moyenner ». Ana vient pas mal par ici, normal c’est là que bosse André, son mec. Vue sur le canal et pinte de Stella bon marché, l’été parisien comme on l’aime.

Anastasia s’est inscrite sur CouchSurfing en 2009, quelque temps avant de partir pour le Canada. Résultat : un voyage de trois semaines à squatter les canapés, ou presque. « J’ai toujours eu des conditions de luxe ». Notre étudiante en études théâtrales démarre fort, avec lit double et jeu de clé d’un bel appart montréalais. De quoi vous motiver à continuer, et à raison puisque quand Ana retente l’expérience avec André en Guadeloupe, c’est-à-bord d’un bateau qu’on les accueille.

Jusqu’à il y a peu, Ana n’avait jamais hébergé personne ; elle habitait chez son père et ne voulait pas imposer aux invités de « le voir se balader en caleçon ». André s’est moins encombré avec l’intimité de maman : « au début je lui disait que c’était des amis ». À Porto où ils vivaient, l’aéroport Ryanair ramenait pas mal d‘ « amis ».

Maintenant Ana et André habitent ensemble, dans une vingtaine de mètres carrés Rue du Faubourg Saint-Denis. Ils continuent l’aventure CS, mais c’est plutôt Ana qui a repris le flambeau. Elle reçoit une quinzaine de demandes par jour et avec son boulot d’animatrice en centre aéré, « impossible de répondre à tous ». Elle a accueilli sa première couchsurfeuse la semaine passée sur un bon « feeling » et résultat : « Inès c’est ma copine ! »

Sa zone ? De place de Clichy à Bastille. L’un de ses must, le 104, rue d’Aubervilliers. Camion à pizza, concerts et bric-à-brac Emmaüs, l’ambiance est toujours mortelle dans cet ancien bâtiment des pompes funèbres reconverti en espace de programmation et de création. Anastasia vous présentera volontiers ses amis, mais « tout le monde ne comprend pas ». Quand elle a débarqué à un barbecue avec Inès, tous on eu l’air un peu surpris de trouver dans le gazon une slovène inconnue au bataillon.

Peu de touristes font de kayak à Paris. C’était l’idée de Pauline, une amie d’Ana qui organise des événements CS. Ils se sont retrouvés à ramer à une vingtaine. CS c’est donc aussi un bon réseau pour ce qui débarquent à Paris pour y vivre. Ana « n’oublie pas le côté économique » du concept mais apprécie tout autant le « côté
humain ». Un état d’esprit qui habite ses usagers d’après André, même si parfois certains « veulent que tu les héberges mais te montrent gentiment que tu ne les intéresses pas ».

« C’est la maison, c’est toute ton intimité ». Le matelas gonflable est rangé à portée de main, prêt à être déroulé. Pour « le temps qu’il faudra tant que tout se passe bien».

Votre couchage : un matelas gonflable une place

Les adresses de leur quartier : Le 104 , 25 Degrés Est, La Rotonde, Le Point Éphémère

Langues : Français, Anglais (8 mois au Canada ça aide !) Portuguais