31/01/2013

Course à l'échalote à la droite du FN : qui aura la plus grosse manif ?

Les skinheads de « Troisième Voie » défileront samedi au coeur de Paris

Par Robin D'Angelo

De Saint-Germain-des-Prés au Panthéon, les nationalistes-révolutionnaires de Troisième Voie attendent un demi-millier de manifestants. Les manifestations de groupes radicaux se multiplient, illustration de la concurrence à laquelle ils se livrent.

C’est l’événement skinhead du week-end à venir. Samedi 2 février à Paris, le groupuscule « national-révolutionnaire » Troisième Voie réunit le Tout-Paris skinhead entre la place Saint-Germain-des-Prés et le Panthéon. Une manifestation avec un mot d’ordre fédérateur « tous unis contre l’impérialisme », qui devrait faire la part belle à la Syrie de Bachar El-Assad. L’organisateur Serge Ayoub – « skin » historique – de spoiler pour StreetPress quelques-uns des slogans : « En Syrie comme à Paris, toujours les même ennemis » ou encore « Obama ferme-là, la France n’est pas à toi. Obama ferme-là, la Syrie n’est pas à toi. »

Compétition à droite du FN Au-delà de la cause syrienne, c’est surtout l’occasion pour le mouvement de Serge Ayoub de montrer ses muscles dans la guéguerre qui l’oppose aux autres familles de l’extrême-droite radicale. Car depuis « la dédiabolisation » au Front National, trois mouvements se livrent une concurrence acharnée pour remporter le leadership à droite de l’extrême-droite : Le Bloc Identitaire, les Jeunesses Nationalistes et Troisième Voie qui se tirent la bourre en comparant la taille de leurs manifs respectives. Une course à l’échalote dans laquelle les crânes rasés de Troisième Voie ont pu ces derniers temps apparaître distancés. Serge Ayoub a ainsi du fermer sa deuxième enseigne parisienne, le Bad Street Shop, l’été dernier.


Saint-Germain-Des-Près, ses intellos et… ses skinheads

Jolis drapeaux Sur le tract qui appelle à la manifestation de Troisième Voie, les drapeaux syrien, russe, serbe, vénézuélien et québécois. Quand StreetPress fait remarquer à Serge Ayoub que la situation en Syrie n’a pas grand-chose à voir avec le Québec, il nous renvoie à notre ignorance :

« Ah bon ? Le Québec, ce n’est pas la même chose que la Syrie ? Ils ne sont pas opprimés par l’impérialisme américain ? Depuis 300 ans ? Oui, c’est la même chose ! C’est toujours la même chose et les mêmes personnes ! »

Le rendez-vous est donc donné à 14h place Saint-Germain-des-Prés, à quelques mètres du Café de Flore cher à Bernard-Henri Lévy, pour manifester contre « l’impérialisme ». Et Serge Ayoub d’expliquer pourquoi il a mis tous ces jolis drapeaux sur ses tracts :

« Tous les peuples qui se battent pour rester libres seront à l’honneur. »

Si des Vénézuéliens sont attendus sous réserve, plusieurs collectifs syriens pro-Assad ont confirmé leur venue. Comme l’Union nationale des étudiants syriens qui a même dédicacé une vidéo à la manifestation de Serge Ayoub. Mais côté people, les manifestants risquent d’être déçus : Ni Dieudonné, ni Alain Soral ou Frédéric Chatillon, animateurs vedettes du fan club de Bachar, ne sont annoncés.

Marqueur idéologique Joint par StreetPress, le politologue spécialiste de l’extrême-droite Jean-Yves Camus, fait remarquer que la thématique anti-impérialiste permet à Troisième Voie « de se démarquer de la concurrence. » Se revendiquant du solidarisme, « une doctrine floue, à l’origine très respectable, qui valorise le travail par rapport au capital et à la spéculation », Troisième Voie reprend aussi à son compte l’héritage des « non-alignés », ces nations qui refusaient de se définir comme soviétiques ou capitalistes. Une rhétorique issue de la guerre froide qui tranche avec celle des Identitaires, qui mobilisent eux contre l’Islam. Quant aux Jeunesses Nationalistes, l’autre mouvement à droite du FN, elles mettent en avant leur « conscience raciale », comme l’expliquait un de ses cadres Yvan Benedetti en septembre à StreetPress. Jean-Yves Camus d’ajouter :

« Et puis l’anti-impérialisme, ça permet de s’associer à des personnes ou des mouvements qui ne sont pas concernés par cette concurrence franco-française entre mouvements nationalistes. »


[vidéo] Le clip d’appel des « étudiants syriens» à la manif


[vidéo] L’incroyable vidéo d’appel à la manif du groupuscule « Lys Noir». La vidéo sans doute la plus LOL-fasciste de Youtube !

Qui aura la plus grosse ? Samedi après-midi, Serge Ayoub pense qu’ils seront au moins 500 à manifester. « Il y aura de 25 à 30 organisations. Et on ne fédère pas ? Mais qu’est-ce qu’on peut faire de mieux ? », tance l’ancien hooligan du PSG, avant de citer différents collectifs serbes ou russes qui ont été invités. Pour lui, Troisième Voie est « le parti qui rassemble le plus. » Il en prend pour preuve une manifestation en 2011 à Lille qui avait rassemblé « 800 personnes ». « Quelque chose d’exceptionnel pour des nationalistes », se félicite Ayoub, qui pousse la comparaison avec les manifestations locales du Front National qui réuniraient en moyenne 1.500 personnes.

Et il en remet une couche : « Ça va changer des manifestations d’extrême-droite qui sont souvent des commémorations ». Une allusion aux 250 identitaires – « soi-disant formation principale » du milieu – qui ont défilé à Paris en janvier dernier en l’honneur de Sainte-Geneviève, la patronne de Paris.

Augmentation du nombre de manifs « Il y a une vraie animosité entre ces groupes », observe Jean-Yves Camus, qui remarque que le nombre de manifestations sur la voie publique a carrément augmenté depuis 2 ans. « Depuis l’arrivée de Marine le Pen, il y a une tentative d’OPA sur cet espace totalement réduit, à droite du FN, qui représente 1% des électeurs ». Ce dimanche encore, les Jeunesses Nationalistes d’ Alexandre Gabriac ont fini en garde à vue à Lyon en marge des manifestations pour le mariage pour tous. Tandis que les Identitaires ont fait un beau carton médiatique en occupant une mosquée à Poitiers en octobre.

Serge Ayoub espère juste que cette première manifestation à l’appel de Troisième Voie à Paris ne sera pas interdite par la préfecture. Cela avait été le cas pour les Jeunesses Nationalistes en septembre:

« Je ne sais pas comment [les Jeunesses Nationalistes] s’y prennent pour se faire interdire partout. Ça pourrait faire jurisprudence. Le ministère de l’Intérieur peut être tenté d’interdire toutes les manifs de la même mouvance.»

La rhétorique anti-impérialiste permet à Troisième Voie de se démarquer de la concurrence