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    09/01/2024

    Ils ont fait partie de l’attaque à Romans-sur-Isère

    Fans du IIIe Reich, agression transphobe et descente raciste, bienvenue chez les Vandal Besak

    Par Christophe-Cécil Garnier

    Depuis 2020, le groupe néonazi Vandal Besak multiplie les agressions contre les LGBT, les militants de gauche et les journalistes à Besançon. Trois d’entre eux ont été incarcérés après l’attaque raciste de Romans-sur-Isère.

    Romans-sur-Isère (26) – Il est 18h15 ce samedi 25 novembre 2023. 80 militants d’extrême droite viennent de défiler et de lancer des slogans racistes dans le quartier de la Monnaie. La police a été prévenue de la descente et des unités de CRS ont été déployées. Ces dernières prennent plusieurs tirs de feu d’artifice et poursuivent les dizaines de militants qui s’enfuient. Devant un restaurant, premier coup de filet : 11 interpellations sont effectuées. Dans le lot, Romain Jacquinot et Vital Voidey. Deux militants de 19 et 25 ans des Vandal Besak – prononcez Beuzak –, un groupe néonazi de Besançon (25). 20 minutes plus tard, un troisième est aussi arrêté : Ilann Fabre, 19 ans. Deux jours plus tard, le trio est condamné en comparution immédiate par le tribunal correctionnel de Valence : huit mois de prison pour Ilann Fabre et dix pour Vital Voidey – qui avait déjà une condamnation pour violence – et Romain Jacquinot, identifié comme un des auteurs des tirs de feu d’artifice sur les policiers.

    42 jours plus tard, ce 8 janvier 2024, les incarcérés ont été libérés, a annoncé un canal Telegram, qui a été spécialement créé pour leur apporter un « soutien ». Durant leur passage en taule, les militants d’extrême droite ont été les nouveaux martyrs de la cause, même si les événements de Romans-sur-Isère ont également mis en lumière les agissements violents de la mouvance de l’extrême droite radicale groupusculaire. Et parmi les interpellés sur place, les Vandal Besak représentent le plus gros contingent. Ce groupe à la tendance néofasciste comporte une vingtaine de membres, dont plusieurs militaires, comme l’a révélé StreetPress. Une appartenance qui a abouti à leur exclusion de l’armée.

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    Durant leur passage en taule, les militants d’extrême droite ont été les nouveaux martyrs de la cause et les appels à les soutenir ont été nombreux. Ils ont été libérés ce 8 janvier 2024. / Crédits : DR

    Des militants racistes

    Les incarcérés de Romans-sur-Isère n’en sont pas à leur premier coup. Ilann Fabre, Vital Voidey et Romain Jacquinot ont participé à plusieurs agressions. Le premier est la recrue la plus récente. C’est un ancien membre de l’équipe de France de roller derby pour les championnats du monde junior. Outre son activité chez les « VDL », il est aussi recruteur pour un canal Telegram nommé Nova Europa. Une resucée de FrDeter, groupe soupçonné de préparer des actions violentes dont les activités ont été révélées par la plateforme Tajmaât en avril dernier. Cette chaîne Telegram, qui comptait 7.800 membres en septembre, a un canal principal qui se décline ensuite par départements. Ilann Fabre tient celui du Doubs. En septembre, il était aidé dans cette activité de recrutement par un autre membre des Vandal Besak : Lukas C. Ce néonazi qui appelle sur ses réseaux sociaux à « nettoyer le pays » était militaire au 35e régiment de Belfort. Il a été suspendu de l’armée comme Raphaël G., autre bidasse qui a fait des actions avec les Vandal, après que StreetPress ait révélé leurs activités.

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    Les Vandal Besak font des fights en forêt – des combats organisés – avec d'autres groupes hooligans d'extrême droite, comme le montre la photo en bas à gauche. Sur d'autres, les militants comme Ilann Fabre affichent leur appétence pour la croix celtique, le symbole de l'extrême droite radicale. / Crédits : DR

    Outre le fait de publier sur les réseaux sociaux des messages comme « White Race Power » (« Le pouvoir de la race aryenne », en version française), Lukas C. s’est affiché devant le drapeau du IIIe Reich avec Ilann Fabre. Ce dernier n’est pas en reste dans l’adoration du nazisme : il masque les visages des différents Vandal Besak avec le logo de la division Charlemagne, les SS français. Avec Romain Jacquinot, ils se sont pris en photo lors d’un repas en novembre dernier avec des recrues de Nova Europa et des figures néonazies locales. Derrière eux, là encore, un drapeau d’inspiration nazie, avec la croix gammée remplacée par une croix celtique. Romain Jacquinot porte même lors du gueuleton un t-shirt « The White Race », parodie suprémaciste de la marque The North Face.

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    Les trois bisontins des Vandal connaissent bien Lukas C., un ex-militaire du régiment de Belfort. À gauche, Ilann F. pose avec lui cet été devant un drapeau du IIIe Reich. À droite, la photo publiée par Romain J. est celle d'une raclette organisée par lui et Ilann F.. / Crédits : DR

    Agressions et défilé nazi

    Cela fait quelques années que l’extrême droite radicale tente de se développer à Besançon. « On a vu de plus en plus d’incursions assurées dans l’espace public, comme des tags ou des défilés. Ils se sont sentis une forme de légitimité à exprimer leur appartenance à ces mouvements d’extrême droite », note la maire Europe écologie les verts (EELV) Anne Vignot. L’édile se rappelle qu’il y a toujours eu des « petits groupuscules » depuis une quarantaine d’années, mais qui restaient discrets et oscillaient entre la France et la Suisse. C’est à l’été 2020 que les Vandal Besak sont créés par des néonazis bisontins comme Sébastien F., – un ex des Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR) proche de Serge Ayoub, incarcéré en 2019 lors des Gilets jaunes – et un ancien militant Rassemblement national (RN) et ex-responsable local de la Cocarde, syndicat étudiant d’extrême droite : Théo Giacone. Ce nouveau groupe néonazi a amené cette mouvance à s’exprimer « de façon plus importante et plus libérée », estime Anne Vignot. Car depuis trois ans, ils multiplient les agressions.

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    Ilann F. est membre du groupuscule d'extrême droite Vandal Besak. Il publie ces deux images avec un drapeau à croix celtique sur son compte Instagram. À gauche, il s'agit d'une raclette qu'il a fait le 11 novembre 2023, avec d'autres néonazis du Doubs et des recrues de Nova Europa. À droite, il s'agit d'une action des Vandal. /

    Le 31 janvier 2021 à Dijon (21), les Vandal Besak, accompagnés de membres de Dijon Nationaliste, ont agressé des militantes féministes du collectif 25 novembre. En mars 2022, une personne est frappée en marge d’un meeting de Philippe Poutou dans la ville doubiste par Alexandre M., membre des Vandal Besak. Il a été condamné à huit mois de prison avec sursis. Un brassard orné d’une croix gammée a été retrouvé à son domicile, indiquait Le Monde en décembre 2022, qui a recensé un grand nombre d’actes racistes et antisémites à Besançon.

    Le jour du jugement de ce militant, le journaliste local Toufik de Planoise, qui a déjà subi des agressions de néonazis, est menacé et violenté par deux Vandal Besak : Vital Voidey et Théo Giacone.

    Quelques jours plus tard, le soir de l’anniversaire du leader des Vandal, une bande d’une quinzaine de personnes déambulent dans les rues pour un défilé fasciste, font des saluts nazis et chantent : « Besançon est nationale-socialiste », selon des militants et assocations locales. Cette propension à s’afficher dans l’espace public inquiète la maire Anne Vignot :

    « Là, je me dis qu’on a un signal extrêmement violent car ça veut dire que d’un point de vue démocratique, ils considèrent qu’ils ont une population qui est en capacité d’accepter leur comportement. »

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    Photo des Vandal Besak à l'entraînement, publiée par Ilann F. Sur leurs têtes en guise d'anonymat : le symbole de la division Charlemagne. / Crédits : DR

    Coups et insultes homophobes

    Ilann Fabre et Romain Jacquinot, deux des Vandal Besak impliqués à Romans-sur-Isère, ont également agressé deux personnes transgenres, le 4 août dernier aux alentours de 2h du matin. L’une des victimes, un militant pour les droits des personnes transgenres, a été reconnue par les deux VDL. « Il a été suivi après avoir quitté un bar », raconte un de ses proches. Inquiet, il aurait contacté des camarades pour qu’ils le rejoignent. Un ami, également transgenre, vient avec son chien pour l’aider. Les deux néonazis leur tombent dessus devant la Poste du centre-ville. Ilann Fabre décoche une droite à l’une des victimes, en sang. Avec Romain Jacquinot, il tabasse l’autre, les deux donnent même des coups à son animal, et finissent avec des insultes homophobes :

    « Sales pédales. »

    À 2h24, une des victimes envoie un message à ses amis : « On s’est fait éclater la gueule. » Les deux personnes transgenres ont chacune eu quatre jours d’ITT. Elles ont porté plainte mais n’ont depuis aucune nouvelle.

    Des groupes alliés

    Le 18 mai 2023, une vingtaine de militants d’extrême droite s’enfonce dans Besançon, en direction du quartier Battant. « C’est une grosse descente car en général ils sont moins d’une dizaine », note un Bisontin qui est allé « prévenir les gens du quartier, car il y a une librairie libertaire ». Là encore, les militants molestent quelqu’un qui filme et lui éclate son téléphone par terre. L’action des néonazis s’est effectuée dans le cadre d’une « journée de cohésion » entre les Vandal Besak et d’autres groupes alliés : la division Martel – récemment dissoute par le gouvernement –, le Korrigans squad de Rennes (35) ou encore les Infréquentables Dijon – un groupe d’extrême droite qui reprend les codes du hooliganisme.

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    Les Vandal Besak ont de nombreuses amitiés avec d'autres groupes néonazis. En novembre 2022, ils rencontrent différentes bandes de la mouvance comme les Infréquentables Dijon, les néofascistes de Clermont Nationalistes, les Orléanais d'Aurelianorum Corda ou des militants de Bourg-en-Bresse. / Crédits : DR

    « Ils ont toujours été en contact avec d’autres mouvements. Quand on discute avec les experts, on voit qu’il y a une perméabilité géographique. Ils ont cet engouement à se retrouver nombreux et cherchent à se retrouver, c’est évident », pointe la maire de Besançon Anne Vignot à propos des Vandal Besak. La troupe a déjà reçu le soutien du chef des Zouaves et du Gud, Marc de Cacqueray-Valmenier, lors d’une manif contre le pass sanitaire en août 2021.

    Ils se sont déjà rendus à Paris à plusieurs reprises en 2022 pour tenter d’attaquer des personnes LGBT ou des militants de gauche, avec des groupes néonazis locaux. Mais aussi à Lyon (69), lors d’une manifestation en février 2022 contre « les restrictions sanitaires » avec des nationalistes de Lyon ou Bourg-en-Bresse (01). Ces amitiés entretenues ont facilité la descente raciste à Romans-sur-Isère en novembre dernier. Depuis cet échec cuisant et l’incarcération de trois de leurs membres, les Vandal Besak se tiennent à carreau et le ministère de l’Intérieur ne semble pas intéressé par leur dissolution. Tout comme la maire Anne Vignot : « Il ne suffit pas de dire : “Je dissous tel groupe”, pour considérer avoir fait ce qu’il fallait pour lutter contre ces problèmes de dérives démocratiques. Les membres ne vont pas se dissoudre eux-mêmes. Il faut lutter d’une façon plus structurelle et plus forte. » Face à ces néonazis, elle promet :

    « Je ne les lâcherai pas, nous porterons plainte à chaque fois qu’ils feront part de cette idéologie dans l’espace public. »

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