Un tabassage en règle. La dizaine de militants de SOS Racisme qui ont tenté un happening pour dire « non au racisme », dimanche lors du meeting de Zemmour à Villepinte, ont été lynchés par les fans du candidat. Des coups et des chaises venus de partout. Mais sur les images, on distingue plusieurs jeunes hommes aux looks de hooligans et aux biceps protéinés. Même s’ils ont pris soin de garder leurs masques chirurgicaux, certains des cogneurs ont été identifiés. StreetPress a ainsi pu confirmer la présence de plusieurs néonazis des Zouaves Paris, accompagnés de militants provinciaux « alliés ». Avant le meeting, la bande rodait dans Villepinte (93), menant une véritable chasse aux militants anti-Zemmour.
Un leader ultra-violent qui a fait la guerre
Dans cette vidéo du lynchage des https://t.co/ykN6SlmL1c de SOS Racisme, nous reconnaissons distinctement Marc de Cacqueray-Valmenier leader néo-nazi des Zouaves Paris. Miliciens, néo-nazis, royalistes, voilà le service d'ordre d'Éric Zemmour ! pic.twitter.com/krEyoZ9ibX
— Cem Yoldas (@CemYoldass) December 5, 2021
Sur l’une des vidéos tournée dans la salle, on peut voir leur leader, Marc de Cacqueray-Valménier, s’acharner sur des militants de SOS Racisme, tout en évitant de frapper les femmes. Un ultraviolent. À tout juste 23 ans, il est déjà un habitué des bagarres de rue et des agressions. Il est même parti prendre les armes à l’étranger fin 2020. C’était au Haut-Karabakh, région sécessionniste arménienne que dispute l’Azerbaïdjan voisin. Une quasi-guerre sainte selon la propagande d’extrême droite, qui y voit une nouvelle bataille entre l’Occident chrétien et « l’envahisseur » musulman.
Sur ses réseaux sociaux, pourtant soigneusement verrouillés, il avait diffusé une photo (révélée par Libé) de lui kalachnikov à la main, treillis sur le dos et patch « Totenkopf » (un symbole de la SS nazie) sur son gilet tactique. À l’époque, il tente même de recruter. « Dès que j’ai quelques jours de permission, je contacterai les autorités pour tenter de négocier la formation d’une brigade de volontaires étrangers », écrivait-il. Avant de signer du slogan nationaliste-révolutionnaire du Gud : « Europe, Jeunesse, Révolution ! ». Le jeune homme a le Troisième Reich dans la peau. Sur ses jambes bardées de tatouages on distingue encore une Totenkopf ceinte des mots « Ehre » et « Treue ». Une référence à la devise de la SS (encore elle) « Meine Ehre heisst Treue » : « Mon honneur s’appelle fidélité. »
Sur les réseaux sociaux, Marc de Cacqueray-Valmenier diffuse des photos de lui armes à la main. / Crédits : DR
Il a aussi passé une tête en Ukraine, autre terre de conflit qu’affectionne l’extrême droite. Marc y est allé pour un concert néonazi, mais aussi, voire surtout, pour fricoter avec les radicaux du bataillon Azov, comme l’a révélé le site d’investigations anglophone Bellingcat. Tee-shirt du Gud sur les épaules, il a également donné une interview à Olena Semenyaka, figure de la branche politique du mouvement qui combat sur le front dans le Donbass.
Le néonazi est issu d’une dynastie de nobles qui a fourni plusieurs figures de l’extrême droite avec un oncle aumônier de Civitas et un cousin candidat RN au Mans (qui était d’ailleurs au meeting d’Éric Zemmour). À force de bagarres et de militantisme, le gamin bien né est devenu une figure de l’extrême droite radicale. S’il n’a encore jamais mis les pieds en prison, quantité de méfaits commis en France lui sont attribués. Il a ainsi été condamné pour des violences et tags pendant le mouvement des Gilets jaunes. Il était aussi sur le banc des accusés pour avoir avec sa bande attaqué au manche de pioche et en plein jour le Saint-Sauveur, bar antifasciste emblématique de Paris. Le verdict n’est pas encore tombé. Entre les deux, trois ans de bastons et d’agressions de militants de gauche et de violences.
Au centre de l'image (cercle rouge), on peut voir le leader des Zouaves Paris, Marc de Cacqueray-Valménier. / Crédits : DR
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Une bande impliquée dans de nombreuses violences
Les Zouaves Paris, c’est avant tout une belle histoire d’amitié entre des militants du Groupe Union Défense (Gud), un simili-syndicat étudiant violent et la frange la plus radicale de l’Action française, qu’ils ont fini par quitter avec fracas (et quelques coups-de-poing). Le nom, choisi un peu comme une blague, a surtout le mérite de brouiller les pistes et de ne pas impliquer les organisations plus officielles auxquelles peuvent appartenir certains d’entre eux. Ainsi, plusieurs militants faisaient aussi partie de Génération identitaire Paris – dont un responsable de la section – jusqu’à sa dissolution au printemps dernier.
Très actifs, les Zouaves Paris sont pourtant peu nombreux. À peine une quinzaine de bonhommes forment le noyau dur, quand une quinzaine d’autres peuvent à l’occasion le renforcer. Il s’agit avant tout d’une bande affinitaire, dont les piliers se connaissent depuis des années.
Il y a Aloys Vojinovic, le plus politique du groupe. Même ses adversaires politiques le reconnaissent « brillant ». Un « cinglé » aussi, plutôt frêle mais capable d’interrompre une balade avec sa famille pour sauter sur un militant de gauche en pleine rue, glisse à StreetPress une source chez les antifas. Aloys est ainsi l’un des Zouaves qui compte le casier le plus chargé. Hadrien Maine est un autre pilier du groupe. Il a un temps dirigé le Gud Paris et est passé par des groupes d’hooligans du Paris FC. Le gaillard est moins politique. C’est avant tout un cogneur.
Ce qui réunit la bande, c’est la passion pour la baston. Ces gros bras néonazis (même si certains sont plutôt d’essence identitaire) étaient en première ligne à l’Arc de Triomphe, pendant le mouvement des Gilets jaunes. Ce sont eux aussi qui ont attaqué le cortège du NPA en janvier 2019. Les mêmes encore qui agressent des journalistes dans des manifs « Marchons enfants » (janvier 2020)… Ils ont fait renaître le spectre de l’activisme d’extrême droite violent dans les rues de la capitale. Une note du renseignement les qualifie même de « groupuscule de combat ».
Des liens avec la mouvance hooligan
La marque Zouave a inspiré un peu partout en France. Ça donne le « Guignol squad » à Lyon, les Zoulous Nice dans le Sud ou Ambiance scandale à Toulouse… Avec toujours l’idée de réunir un « best-of » des bagarreurs d’extrême droite du coin sans trop s’attarder sur les étiquettes politiques et sans mettre en danger les groupes militants installés. Ils agrègent aussi des hooligans venus des stades, plus attirés par la baston que par les réunions politiques.
Marc de Cacqueray et certains de ses Zouaves ont d’ailleurs leurs entrées dans ce milieu. Ils viennent du Paris FC ou des travées du Parc des Princes et ils ont des alliés chez les Infâmes ou la Milice Paris. Ils côtoient des supporters violents – et d’extrême droite – de Reims, de Lyon ou encore de Strasbourg, chez qui est passé un ancien Zouave. Quand ils ne font pas le coup-de-poing ensemble en manif ou des photos tendance bras tendus, ils s’adonnent à ces « fights » organisées qu’affectionnent les hooligans. Pour se battre, Marc va notamment jusqu’en Suisse avec son copain bisontin Maxime, un ancien légionnaire. Et prend la pose après la baston, torse-nu ou avec un tee-shirt affublé d’un symbole fasciste.
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Une passion pour la violence qu’ils mettent en scène sur Telegram. Quelques heures après le meeting d’Éric Zemmour, ils postaient sur leur chaîne baptisée Ouest Casual plusieurs photos et vidéos prises aux abords de la salle.
Lynchage en règle au meeting d'Éric Zemmour, en pleine salle, devant des centaines de caméras. L'action de
SOS_Racisme</a> a montré de manière crue le vrai visage de l'extrême droite. Mais à quel prix.<a href="https://t.co/Mmslk5C1JE">https://t.co/Mmslk5C1JE</a></p>— Mathieu Molard (
MatMolard) December 5, 2021
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