29/11/2016

Il est seulement condamné à 6.000 euros d'amende et 5.000 euros de dommages et intérêts

Affaire Binti : Soral échappe à la prison

Par Mathieu Molard

Alain Soral était jugé pour insultes, menaces et harcèlements à l'encontre de Binti. Alors que la procureure avait requis 6 mois de prison ferme, il n'est finalement condamné qu'à 6.000 euros d'amende et 5.000 euros de dommages et intérêts.

Verdict

Ce mardi 29 novembre 2016, le verdict est tombé dans l’affaire Binti. Alain Soral est condamné à 6.000 euros d’amende et 5.000 euros de dommages et intérêts pour menaces. Il est en revanche relaxé pour les autres chefs d’inculpation. Le tribunal a considéré qu’en l’absence de constats d’huissiers ou policiers, les faits n’étaient pas caractérisés. La ligne défense de l’avocat d’Alain Soral a donc porté ses fruits.

Palais de justice de Paris – A la barre, ce jeudi 20 octobre, l’ancienne top-modèle aux longues tresses s’exprime d’une voix claire, mais chargée d’émotion. Elle raconte les insultes puis le harcèlement que lui aurait fait subir Alain Soral. Et Binti de conclure son témoignage avec lucidité :

« J’ai compris que je dérangeais. Le but c’était que je disparaisse. Car cette affaire montre son vrai visage aux banlieues qu’il tente de séduire. »
La jeune femme est interrompue par les rires d’un des rares supporters du boss d’Egalité & Réconciliation. La présidente du tribunal s’agace et demande l’exclusion de l’importun. Après près de 2 heures d’audience vient l’heure des réquisitions. La procureure de la République réclame « 6 mois d’emprisonnement », comprenez ferme. L’assistance est stupéfaite. Personne ne semblait vraiment réaliser que « l’affaire Binti », que StreetPress et Marianne révélaient en novembre 2014, pourrait envoyer Soral en cabane. Pourtant il est jugé devant un tribunal pénal pour injures, envois malveillants, menaces et harcèlement…

Insultes sexistes et racistes

Les faits remontent à l’été 2014. Après plusieurs mois d’un flirt à distance, Binti décide d’éconduire le galant qui se fait de plus en plus pressant. D’autant qu’elle apprend qu’il serait engagé dans une autre relation. L’homme n’aime pas qu’on lui dise non et répond par un torrent d’insultes. La magistrate lit à voix haute, visiblement consternée :

« Ton destin c’est d’être un fantasme à vieux blanc juif. »
« Les blancs prennent les blacks pour des putes (ce qu’elles sont le plus souvent). »
« Pute à juifs ! »
Etc… Une longue litanie de propos orduriers tantôt sexistes, tantôt antisémites, tantôt négrophobes, et souvent les 3 à la fois, qui se poursuivent tout au long de la nuit. Et ce n’est que le début de ce que l’avocat de la victime qualifie de « campagne de déstabilisation et de harcèlement ».

Harcèlement

Le lendemain, elle reçoit un premier mail d’Alain Soral avec en pièce jointe quelques photos dénudées qu’elle lui avait envoyé. La menace est à peine voilée :

« Je te renvoie cette photo, j’ai trop peur qu’elle se perde et se retrouve sur Facebook, les gens sont si méchants. »
Suit un peu plus tard un second mail, anonyme cette fois, qui réitère les menaces. Puis un troisième, à nouveau signé par Alain Soral. A l’époque à l’étranger, Binti panique. Au tribunal elle raconte :
« J’avais peur qu’il m’envoie des gens pour me tuer. »
Elle n’ose plus rentrer en France. Elle est d’autant plus inquiète que certains des compagnons de route du boss d’E&R l’auraient contactée pour lui intimer de garder le silence. A la barre, la jeune femme accuse Mathias Cardet et Kémi Séba. « Il m’a dit de ne pas aller voir la juif-stice », assure-t-elle. Aucun fait cependant, ne confirme ces accusations.

La dépression

En quête de soutien, elle se rapproche de Joe Dalton, alors en conflit ouvert avec Alain Soral. Début novembre 2014, le leader des Black Dragon, fait une vidéo ou il fustige en langage fleuri le comportement raciste de Soral. Un selfie d’Alain Soral nu, tiré de sa correspondance avec Binti, est également publié sur le blog du photographe Elfassi, sans qu’on sache vraiment comment il se l’est procuré. En guise de représailles, des photos dénudées de la victime sont publiées sur un compte facebook intitulé « Binti machiavélique ». Histoire d’enfoncer un peu plus le clou, Soral multiplie les commentaires vidéo et les articles sur le site d’Egalité & Réconciliation.

C’en est trop. Elle craque, perd son job de réceptionniste – « Sur mon lieu de travail, il y avait des fans de Soral. » – tombe en dépression et sera même hospitalisée. « Je commençais à avoir des idées noires », explique-t-elle. 2 ans après le début de cette affaire, elle est toujours en arrêt maladie, dévastée par « le tsunami » qui a emporté sa vie. Son avocat Maître Philippe-Henry Honneger réclame 15.000 euros au titre du préjudice moral.

Le procès de la honte

Contrairement à son habitude, Alain Soral s’est bien gardé de faire la publicité de ce procès qui le place dans une situation embarrassante. Il ne s’est pas non plus déplacé. « Il ne se sent pas concerné, il conteste tout », assure à StreetPress son avocat Lahcène Drici. Peut-être craint-il aussi de voir ses explications reprises dans la presse. Comment justifier les propos négrophobes sans rompre un peu plus encore le lien ténu qui le relie aux jeunes de banlieue qu’il tente désespérément d’appâter ? Déjà l’affaire Binti lui a fait du tort. Le rappeur Kery James, très écouté dans les quartiers populaires, a pris position contre lui et nombre de ses fans quittent le navire.

Son avocat Lahcène Drici évite l’embuche en refusant de plaider sur le fond. Les textos ? Sans constatation d’huissier, rien ne prouve qu’ils émanent de Soral. Les mails de menaces ? Sans adresse ip, comment être sûr qu’ils viennent de lui. Les posts sur sa page Facebook ? Mais qu’est-ce-qui nous prouve que c’est bien lui qui tient ce compte… Une défense « technique » qui pourrait en partie fonctionner. De son côté, la procureure considère les insultes comme des faits prescrits. Elle retient cependant les menaces et les appels malveillants, ce qui est suffisant pour envoyer Soral à l’ombre. D’autant qu’il a déjà été condamné à une peine de prison avec sursis. Jugement rendu, le 29 novembre.