06/01/2022

La mairie a décidé de fermer son service public de fossoyeurs

Mourir à Rennes va bientôt coûter trois fois plus cher

Par Lucie Inland

La majorité socialiste aux manettes à Rennes a décidé de fermer son service municipal de fossoyeurs. Conséquence : enterrer un proche va coûter trois à quatre fois plus cher.

Mourir est un moment de la vie inévitable et coûteux, précisément ce qui se passe après le dernier souffle. Préparer le corps en chambre mortuaire ou en pompes funèbres pour sa future inhumation ou crémation, puis l’accueillir au cimetière dans sa sépulture, qu’il faut ensuite entretenir, autant d’actes obligatoires pour des raisons légales et sanitaires qu’il faut payer. Et la facture est de plus en plus élevée, surtout si la municipalité décide de fermer son service public de fossoyeurs, laissant les prestations funéraires dans les seules mains des entreprises funéraires privées. C’est ce qui se passe à Rennes depuis septembre 2021.

Sylvain Blanchet est un des sept fossoyeurs embauchés par la ville de Rennes. Fin décembre, dans la salle de pause du personnel au cimetière de l’Est, il revient sur leur mobilisation dès l’annonce de la fermeture du service. Ce service a été créé en 1954 par le maire Henri Fréville pour aider les Rennais face à l’augmentation constante des prix des prestations des marbriers, rappelle Sylvain :

« Il n’était pas du tout socialiste, et c’est une maire socialiste qui nous enlève ça… »

Le 10 septembre, ils sortent de leur devoir de réserve et se mettent en grève, soutenus par le syndicat Sud. « On a appris ça à midi, on est parti. L’enterrement prévu l’après-midi a dû être annulé. » Un geste qui a surpris la municipalité, qui s’attendait à une réaction discrète. Puis ils se sont mobilisés tous les jours « sur les marchés, on a obtenu 3.000 signatures de soutien », mais aucun élu n’a accepté de s’entretenir avec eux. « C’est politique » est la seule réponse adressée ou « ce n’est pas le moment d’en parler ». Un mois plus tard, ils retournent travailler mais n’ont rien à faire, la municipalité faisant déjà appel aux services d’une entreprise privée. Depuis, rien n’a évolué et chacun attend son reclassement d’ici fin mai, soit dans le privé, soit dans d’autres services de la ville. Sylvain résume :

« On vit au jour le jour. »

Environ 400 euros de plus

Le site dédié aux cimetières rennais renseigne toujours de nombreuses informations concernant les tarifs en vigueur et l’actualité, mais rien ne mentionne la décision de la maire Nathalie Appéré et son équipe de fermer le service des fossoyeurs. Ni leur lutte pour ne pas disparaître dans l’indifférence et encore moins la différence des prix des travaux, selon qu’ils sont réalisés par la ville ou dans le privé.

Sylvain Blanchet a fait les comptes : « En faisant la moyenne des prix de trois marbriers de Rennes, et même pas les plus élevés ». Ainsi, un creusement de tombe standard pour adulte coûtant 181 euros en 2020 est estimé à 500 ou 600 euros maintenant qu’il est réalisé dans le privé. Mises bout à bout, en plus de la légère augmentation des tarifs de la ville depuis le 1er janvier 2022 pour les actes qu’elle assure encore, ces dépenses rendent l’accès à des funérailles dignes plus difficile car au moins trois à quatre fois plus coûteuses :

« On n’a pas la tête à comparer les prix quand on perd quelqu’un, c’est là que certains en profitent, c’est moche. »

Le fossoyeur évoque également des travaux réalisés de façon pas toujours soignée par certaines entreprises privées, sans rentrer dans les détails, devoir de réserve oblige.

« C’est la mort à crédit. » La fin du service des fossoyeurs municipaux de la ville de Rennes est le premier maillon de la chaîne d’une casse du service public local, comme ce qui se passe aussi à la bibliothèque des Champs Libres. Mais si l’on peut vivre sans emprunter de livres, personne n’échappe à la mort et à son coût fixé par des entreprises obéissant d’abord à des logiques de rentabilité plutôt que de service communautaire. Rennes rejoint la liste des villes ayant fait ce choix, qui aura forcément des répercussions sur ses finances et la qualité des prestations funéraires à long terme. Sylvain Blanchet déplore le manque de réponse de la municipalité de Rennes et de concertation dans cette décision, mais ne regrette rien :

« Personne ne pensait que ça allait être autant médiatisé, mais c’est ce qu’il fallait. »

Photo d’illustration : Cimetière de l’Est à Rennes en 2013, prise par Lektz via Wikimedia Commons. Certains droits réservés.