06/11/2019

En partenariat avec Rue89 Strasbourg

Les Strasbourg Offender, ces hooligans agressifs que le Racing tolère

Par Guillaume Krempp

Depuis le début de la saison, la banderole des hooligans d’ultradroite de Strasbourg Offender a refait son apparition à la Meinau. Ses membres se rendent coupables de violences aggravées, d’expressions xénophobes, de saluts nazis ou d’intimidation.

Fin du match Strasbourg – Monaco, dimanche 1er septembre. Dans la tribune populaire nord, plusieurs hooligans de Strasbourg Offender prennent un étudiant à partie. Parmi les spectateurs, Lionel assiste à la scène sans trop comprendre :

« Un des hools (diminutif de hooligans, ndlr) tenait le jeune par le col. Il menaçait de lui casser la gueule s’il ne supprimait pas sa publication Facebook. »

En cause : un post où le supporteur se demandait pourquoi ce groupuscule d’ultradroite bénéficiait d’une telle tranquillité au sein du stade de la Meinau.

Cette enquête est publiée dans le cadre de la première « Semaine de l’investigation locale » de Rue89 Strasbourg. Du lundi 4 au vendredi 8 novembre, cinq enquêtes sont publiées, au rythme d’une chaque matin à 6h. StreetPress publie leur article d’aujourd’hui dans le cadre d’un partenariat.

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« On a bien flippé une fois dehors »

Identifiée, la victime n’a pas souhaité répondre à nos questions, par crainte de représailles. L’ami qui l’accompagnait raconte l’intervention tardive des agents de sécurité :

« La sécurité nous a exfiltrés pendant que les types de Strasbourg Offender nous tournaient autour. Les agents nous ont demandé d’échanger nos vêtements et nous ont indiqué une sortie alternative, parce qu’ils craignaient que ces gars nous attendent au niveau de l’entrée principale… On savait que rien ne nous arriverait dans le stade, mais on a bien flippé une fois dehors. »

Saluts nazis à Strasbourg, bagarre à Lille

Prudents dans l’enceinte du stade, les membres de Strasbourg Offender ont déjà laissé libre cours à leur violence et à leur xénophobie à l’extérieur du stade cette année.

En juillet, Rue89 Strasbourg révélait des photos publiées par le groupuscule suite au match contre l’équipe du Maccabi Haïfa. Les hooligans y brûlaient des écharpes du club israélien tout en affichant des croix gammées et des saluts nazis. Un mois plus tard, ces membres de l’ultradroite étaient impliqués dans une bagarre suite à la rencontre entre le Racing et l’équipe de l’Eintracht Francfort.

Sur le drapeau rouge, des croix gammées figurent en haut à gauche et en bas à droite. A gauche de la photo, un bras tendu est flouté. / Crédits : Capture d'écran de Facebook

Les Strasbourg Offender se lâchent aussi lors des déplacements du Racing à l’extérieur. À quelques heures de la finale de la coupe de la Ligue à Lille, Tristan (1) vient de manger un kebab. Dans un bar à côté, il reconnaît plusieurs membres de ces hooligans strasbourgeois. Son fils est aux toilettes lorsqu’un affrontement éclate :

« J’ai entendu une vitre se casser. J’ai enfermé mon gamin dans les toilettes et je suis allé voir. Les fachos étaient en train de se battre (avec des militants d’ultragauche, selon la Voix du Nord, NDLR). Partout où ils vont, ces types cherchent toujours la merde. »

Un meneur déjà condamné… en 2008

Les membres de Strasbourg Offender font montre de leur violence et de leur xénophobie depuis de nombreuses années. En 2008 déjà, l’un des leaders de ces hooligans, Philippe C., était condamné à huit mois d’emprisonnement avec sursis pour violences aggravées suivie d’une incapacité de travail n’excédant pas 8 jours. Rue89 Strasbourg s’est procuré une copie des condamnations de quatre personnes membres du groupuscule.

Le juge avait alors retenu les caractères xénophobe et collectif de cette agression, commise devant l’enceinte du stade de la Meinau. Philippe C., ancien membre du Bastion Social, avait été interdit de stade pendant deux ans. L’une des victimes se souvient encore parfaitement de son passage à tabac. « Ils criaient : “Ils sont ou les négros, les bougnoules” et faisaient des cris de singe. Ils étaient des dizaines. Ils se sont déversés sur nous, on s’est pris quelques droites et c’était fini. »

« Ça a dû durer 30 secondes, même pas. Parmi eux, un Benjamin K. s’est pris un an ferme parce que c’était pas la première fois qu’il faisait ce genre de trucs apparemment. »

Intimidation et omerta organisée

Aujourd’hui encore, Philippe C. semble jouer un rôle important au sein des Strasbourg Offender. En septembre, Rue89 Strasbourg faisait un appel à témoignages de hooligans, ou ex-hools. Le multirécidiviste nous a alors contacté : il craignait qu’un témoin parle au nom de son groupuscule. Le meneur d’ultradroite nous a ainsi écrit :

« Je ne sais pas si vous avez déjà un rdv avec une personne mais je peux vous assurer que si c’est le cas cette personne n’est en rien légitime. […] On ne discute pas avec les journalistes. »

Ce message faisait suite à une première prise de contact avec un homme se disant ancien hooligan. Contacté par des membres de Strasbourg Offender, il n’a plus jamais répondu à nos messages. De la même manière, plusieurs personnes nous ont témoigné d’intimidations envoyées sur les réseaux sociaux à ceux qui oseraient critiquer les hooligans strasbourgeois.

Meinau Boys puis Strasbourg Offender

Un éternel débat reprend donc au sein des supporters strasbourgeois. En 2016 déjà, sur le forum Racingstub, rendez-vous de la communauté connectée des supporters du Racing, un internaute dénonçait les « Strasbourg Offender […] recyclés des Meinau Boys. Je suis tout à fait d’accord qu’ils ternissent notre image et c’est inquiétant de voir qu’ils veulent se réimplanter au stade. »

Un utilisateur lui répondait sur les responsables de la situation :

« Ce n’est pas à un quelconque groupe de supporters d’intervenir, mais bien au club qui ne semble manifestement pas pressé mais « surveille » ce coin du stade. »

Le Racing : « Strasbourg Offender ? Connais pas »

Trois ans plus tard donc, le Racing Club de Strasbourg n’a pas changé de position face à cette cinquantaine de hooligans d’ultradroite. Contacté, le secrétaire général du club, Romain Giraud, joue d’abord l’ignorant :

« Strasbourg Offender ? Je ne sais pas qui c’est. Ce n’est pas une association de supporters. »

Romain Giraud rappelle ensuite une culture bien ancrée à la Meinau : « On ne fait pas de politique au stade », rejetant ainsi toute la problématique d’un symbole de l’ultradroite affiché au stade à chaque match à domicile. Interrogé sur l’exfiltration de deux spectateurs lors du match Strasbourg-Monaco, le secrétaire général refuse de s’exprimer sur l’événement. Il répète, à plusieurs reprises : « On sera intransigeant sur toutes formes de comportements répréhensibles dans le stade. » Un message très bien compris par Strasbourg Offender…

Selon une source policière, proche du dossier, le groupuscule Strasbourg Offender n’a pas connu une croissance récente. Il affirme aussi que « la majorité des interdictions de stade prononcées depuis le début de la saison concerne ces hooligans d’ultradroite. »

« Le Racing est un club de migrants »

Interrogé, le président de la fédération des supporters RCS défend une « vision populaire du football où les idées politiques extrêmes n’ont pas leur place et où l’on se fiche des origines. »

Philippe Wolf exprime son malaise face au retour de la banderole Strasbourg Offender : « Moi, la dernière fois qu’une action des hooligans strasbourgeois m’a marqué, c’était quand ils avaient déployé la banderole « Migrant Raus » en 2015. Et c’était ridicule symboliquement : pendant la guerre, les joueurs du Strasbourg ont fui en Dordogne, et c’est là qu’ils ont gagné un championnat en 1940, après l’évacuation de la ville au début de la Seconde Guerre Mondiale. En fait, le Racing est aussi un club de migrants. »

(1) Le prénom a été changé