15/05/2023

« C’est un premier soulagement. Un espoir. »

Mort d’Allan à Saint-Malo : le parquet requiert la mise en examen de quatre policiers

Par Inès Belgacem

Allan, 19 ans, est mort dans une cellule du commissariat de Saint-Malo le 10 février 2019. Après quatre ans d’instruction, le parquet requiert la mise en examen de quatre policiers présents ce soir-là.

« Le 9 février 2019, ma vie s’est arrêtée en même temps que celle d’Allan. » Franck Lambin attend un geste de la justice depuis le décès de son fils de 19 ans, Allan, mort dans une cellule du commissariat de Saint-Malo (35). Après quatre années d’instruction, le parquet requiert la mise en examen de quatre policiers pour homicide involontaire, a indiqué le procureur de Rennes (35), Philippe Astruc, interrogé par Ouest France. « C’est un premier soulagement. Un espoir. », réagit le père :

« Ce n’est qu’un début. Et ça fait quatre ans que j’attends que ça commence. »

Maître Hélène Laudic-Baron, son avocate, complète : « Depuis le début, des éléments objectifs montrent que les agents en charge de la surveillance au commissariat ce soir-là n’ont pas fait ce qu’il fallait. Reste l’autre volet de l’affaire : les blessures d’Allan. »

Une affaire en deux temps

Le soir du 9 février 2019, Franck Lambin et son fils Allan sont à un tournoi de billard à Dinard (35). Ils se dirigent vers un camping où ils doivent rejoindre des amis quand, sous une pluie battante, Allan plante sa voiture dans un fossé. Les pompiers arrivent, avertis par des passants, suivis de la police. « Ils s’en sont pris assez vite à Allan, parce qu’il avait pris une bière dans son coffre », raconte Franck Lambin dans notre documentaire Violences Policières, le combat des familles, disponible sur France.tv Slash. « Allan boit une bière, puis une deuxième. Les policiers ont pris ça comme une provocation et sont devenus agressifs. » Le père et d’autres témoins présents racontent qu’Allan s’est retrouvé au sol et aurait été victime d’un plaquage ventral. Allan se serait relevé hagard, avant d’être emmené au commissariat de Saint-Malo, où il est pris en charge par d’autres policiers.

La vidéo de surveillance de la cellule raconte la suite de cette nuit tragique. L’avocate de la famille l’a visionné et explique qu’après avoir été très brièvement examiné par un médecin, Allan est laissé allongé sur sa couchette. Quelques minutes plus tard, il aurait tenté de se lever, avant de faire un malaise et de s’effondrer à 22h40. Il est déclaré mort à 1h10.

L’autopsie a révélé une hémorragie au niveau du thorax, une mort par asphyxie et une fracture du sternum. Elle explique aussi qu’Allan aurait pu être sauvé si les secours étaient arrivés plus tôt.

« RAS »

Les quatre policiers visés par la réquisition du parquet sont ceux présents au commissariat le soir de la mort d’Allan. « Ils n’ont pas assumé leur mission de surveillance », fustige Maître Hélène Laudic-Baron. L’avocate a déposé plainte pour « faux et usage de faux » et pointe les incohérences de la fiche de surveillance de garde à vue. Elle indique « RAS » – pour rien à signaler – entre 22h40 et minuit 30. Un laps de temps durant lequel Allan gît au sol, d’après l’avocate qui s’appuie sur la vidéo-surveillance. Franck Lambin a également porté plainte pour « non-assistance à personne en danger » contre le médecin qui a examiné Allan.

« Le 9 février 2019, ma vie s’est arrêtée en même temps que celle d’Allan. » / Crédits : StreetPress

« Pourquoi Allan a une fracture du sternum ? Quelles sont les causes de son malaise et de son asphyxie ? Pour l’instant, il n’y a pas de réponse sérieuse à ces questions », pointe l’avocate, qui souhaiterait, après quatre années d’instruction, que les conditions d’interpellation soient interrogées. Le procureur a déclaré à l’AFP ne pas savoir « dans quel délai le magistrat instructeur envisage de répondre à [ses] réquisitions ». L’avocate espère avant la fin de l’été et le départ programmé du magistrat instructeur. Quatre juges d’instruction se sont déjà succédé dans cette affaire, depuis 2019. « Les gens ne se rendent pas compte de ce qu’on vit depuis quatre ans », termine Franck Lambin :

« Quand tu n’es pas concerné, tu vaques à tes occupations et la vie continue. Moi, ma vie est détruite. Quatre ans pour avoir des réponses, quatre ans sous médicaments, quatre ans sans sommeil. Aujourd’hui ça commence, enfin. Je me rattache à ça. »