En ce début de rentrée scolaire, des bacheliers ou étudiants sont encore sur liste d’attente sur la plateforme Parcoursup ; d’autres ont été refusés de leurs vœux. Ils racontent l'angoisse et dénoncent le manque d’accompagnement.
« Parcoursup a bouleversé mon quotidien. J’y pense jour et nuit, je ne dors plus. » Pour la deuxième année consécutive, Ambre, 20 ans, tente d’intégrer un Institut de formation en soins infirmiers (IFSI). Elle a de nouveau déposé son dossier en janvier sur la plateforme nationale du gouvernement Parcoursup et sélectionné le maximum d’IFSI.
Depuis le 2 juin — date des premiers résultats délivrés en ligne — elle est sur liste d’attente pour tous ses vœux. Celle qui rêve de devenir infirmière attend désespérément qu’une place se libère au fur et à mesure des phases d’admission. D’une voix fatiguée, elle souffle : « Je cogite en me demandant constamment pourquoi les autres sont pris et pas moi. »
Mia (1), 18 ans, est dans la même impasse. Elle a rempli le maximum de vœux possibles pour intégrer un IFSI, mais reste en attente pour quatorze vœux et a été refusée pour le reste :
« Je ressens une pression de ma famille par rapport à mon avenir. »
À l’issue de la phase principale qui a pris fin le 10 juillet sur la plateforme, 103.000 candidats étaient toujours sans affectation, soit 18.000 de plus qu’en 2024. Ambre, Mia, Katy (1), mais aussi Hendrix, Sonia (1) ou Naomi (1) font partie de celles et ceux qui attendent désespérément une place quelque part. Le jeudi 11 septembre marquera la clôture de la phase finale, synonyme d’une dernière chance pour pouvoir étudier quelque part.
Alors que la grande majorité des étudiants font leur rentrée, ces refoulés de Parcoursup racontent à StreetPress leur angoisse et leur sentiment d’injustice, face à un logiciel qu’ils considèrent « stressant ». Ils dénoncent aussi le manque d’accompagnement.
Listes d’attente
Le 2 juin, le visage de Katy se fige sur son écran quand elle découvre qu’aucun de ses vœux n’a été validé. « J’étais sur liste d’attente partout. J’étais dégoûtée », retrace la lycéenne de Seine-Maritime (76). Ses 13,5 de moyenne en terminale générale, spécialité histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques (HGGSP), n’ont pas suffi. La néobachelière avait formulé des vœux en licence de droit. Un domaine qui la passionne, depuis qu’elle a découvert l’univers judiciaire avec la médiatisation du procès des viols de Mazan.
Un mois après, Katy est toujours sur liste d’attente et ses vœux sont « archivés », ce qui rend impossible la consultation de son avancée sur la liste. « J’ai passé mon été sur Parcoursup. Ça a gâché mes vacances. » Et ajoute :
« Ce système nous laisse dans le flou total. On ne sait rien. On redoute de devoir déménager à la dernière minute. »
Dans les Deux-Sèvres (79), Ambre, qui rêve d’être infirmière après un bac pro accompagnement soins et services à la personne, a l’impression de revivre la même angoisse qu’en 2024. L’année dernière, sans avancée sur la liste d’attente pour rejoindre un IFSI, elle avait dû se rabattre sur un second choix : « J’ai obtenu une formation d’aide-soignante », retrace-t-elle. « Un IFSI m’avait finalement acceptée au dernier moment mais c’était trop tard, j’avais déjà fait ma rentrée. »
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Un système « opaque » et « injuste »
Elle dénonce l’opacité du système Parcoursup, qui a remplacé Admission Post-Bac en 2018. Cette année encore, sur ses 32 vœux formulés, six ont été refusés et le reste est toujours en attente. « J’avais pourtant pris soin de sélectionner des écoles moins prestigieuses pour maximiser mes chances, mais je me retrouve plus mal classée que l’année dernière. » Il y a un an, elle était à la 1.200e place sur liste d’attente pour la formation à Niort. Ambre s’indigne :
« Cette année, pour la même formation je suis à la 1.600e malgré un diplôme et de l’expérience en plus. »
Naomi, 18 ans, dit avoir effectué dix vœux et deux sous-voeux en Île-de-France orientés vers le droit, l’économie, la psychologie et la sociologie — y compris des « vœux de sécurité » dans des formations moins sélectives, sur conseils de ses professeurs. Ses deux sous-voeux sont refusés et ses dix vœux archivés : « En phase complémentaire, je ne trouve que des doubles licences en allemand alors que je n’ai jamais étudié cette langue. »
Elle qui a obtenu un bac général spécialité HGGSP avec option européenne espagnol avec une moyenne de 12 en Terminale, dénonce un « système injuste basé sur le hasard et la chance » :
« C’est comme si on jouait avec notre avenir. »
Manque d’accompagnement
Même frustration pour Sonia, 18 ans, bachelière en secteur professionnel métiers de la mode, refoulée d’une vingtaine de vœux. Sans justification sur ces refus, elle tente de trouver une explication : « Peut-être que c’est à cause de mon bac pro ? »
Bien qu’espérant intégrer un bachelor universitaire de technologie (BUT) en gestion des entreprises et des administrations, elle a depuis formulé des vœux en phase complémentaire, sans succès. En 2019, le Défenseur des droits, puis la Cour des comptes en 2020 et la Commission nationale consultative des droits de l’homme en 2021 avaient épinglé certains paramètres, dont le lycée d’origine — plus ou moins bien classé —, et plaidaient pour l’anonymisation de l’établissement d’origine.
Les concernés mentionnent la complexité de la plateforme, renforçant les inégalités entre les élèves accompagnés et ceux ayant un accès limité à l’information. Scolarisé dans un établissement prestigieux en Île-de-France, Hendrix, 19 ans, dit avoir « fait (s)es vœux à l’aveugle », « seul ». Racisé, issu d’une banlieue populaire et d’une famille modeste, il regrette cette différence de chance :
« Les élèves issus de milieux aisés de mon lycée recevaient des conseils personnalisés pour viser les grandes écoles. »
« Moi, je ne savais pas quelles formations étaient accessibles avec mon profil et lesquelles étaient plus sélectives. » Avec un bac général spécialité sciences et vie de la terre et sport, il n’obtient aucune formation parmi des BUT, des licences de biologie et de sciences et techniques des activités physiques et sportives. Hendrix parle aussi d’un racisme ambiant qui aurait lieu dans son lycée : « Contrairement aux autres élèves de ma classe, je n’ai pas été guidé par mes profs. » Il ajoute :
« On m’a souvent fait sentir que je n’étais pas à ma place. On me répétait que viser des études ambitieuses n’était pas pour moi, que je n’allais jamais réussir. »
Démarcher les universités comme dernier recours
Pour trouver des solutions et faire face à la solitude engendrée par les refus et les listes d’attente interminables, chaque académie propose un accompagnement pour les candidats sans proposition d’admission via les commissions d’accès à l’enseignement supérieur. Naomi a sollicité la commission en juillet, sans succès : « J’ai l’impression d’être abandonnée par le système éducatif. »
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Comme de nombreux jeunes qui partagent leurs astuces sur les réseaux sociaux, elle s’accroche et décide de contacter directement les établissements supérieurs. Pour Katy, « aller voir les universités pour obtenir une place est une démarche humiliante, c’est comme si je n’avais pas mérité ma place ». D’autres pensent même à se tourner vers des écoles privées, moins surchargées. « Les écoles que j’ai trouvées coûtent 8.000 euros l’année ! », s’indigne Mia. Naomi, de son côté, a cherché des établissements hors de sa région d’Ile-de-France. « C’est un investissement. Ça veut dire que je devrais payer un loyer, et on ne roule pas tous sur l’or. »
Perdre « espoir »
Hendrix a fini par obtenir une licence en sciences du langage, bien loin de ses envies mais il a accepté par crainte « de perdre une année ». Il envisage déjà une réorientation l’année prochaine. En 2024, 169.000 candidats en réorientation se sont inscrits sur la plateforme, soit une augmentation de 3,7 % par rapport à l’année précédente. Alors que la phase complémentaire se termine le 11 septembre, Sonia, la diplômée du secteur de la mode, est prête à tout pour reprendre les études.
L’année dernière, sans formation, elle avait dû trouver un job alimentaire. « Si je reste encore un an hors des études, ça sera encore plus compliqué de reprendre. » Ambre, de son côté, compte travailler à l’hôpital comme aide-soignante et retenter, encore et encore, Parcoursup en 2026. Ce sera sa troisième tentative pour devenir infirmière : « Je perds espoir. Je ne sais plus si ce métier est vraiment fait pour moi, et si j’en suis capable. Je me demande quel est mon avenir… »
(1) Les prénoms ont été modifiés.
Illustration de Yann Bastard.
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