01/10/2025

« C’est à nous de nous débrouiller »

« Quatorze heures de train pour trente minutes d’oral » : des candidats contraints de traverser la France pour valider leur BTS

Par Noa Jacquet

Les derniers résultats des BTS viennent de tomber pour les candidats aux rattrapages. Des étudiants concernés racontent avoir été convoqués à leur oral à plusieurs centaines de kilomètres de leur lycée. Aucune aide ne leur a été proposée.

1.000 kilomètres, quatorze heures de voyage et 300 euros de frais de déplacement pour un oral de 30 minutes. Jamais Louis, étudiant en BTS Gestion et protection de la nature, n’aurait pensé qu’une épreuve de rattrapage lui en demanderait autant. Et pourtant : lorsqu’il reçoit sa convocation, il peine à y croire. Étudiant à Lons-le-Saunier dans le département du Jura (39), il est convoqué à Arras, dans le Pas-de-Calais (62), à 500 kilomètres de son lycée.

Comme Louis, autour de 50.000 candidats échouent chaque année au brevet de technicien supérieur (BTS). Depuis 2022, ils peuvent toutefois bénéficier d’épreuves de rattrapage, à condition d’y être autorisés par le jury. Mais parfois, cette seconde chance devient un calvaire comme pour Louis mais aussi Jérémy, Léa, Baptiste ou Maxence, qui ont été convoqués à plusieurs centaines de kilomètres de leur lycée. « Je n’ai pas pu m’empêcher de penser que c’était une façon de faire une sélection entre les étudiants », explique Louis, qui dénonce une injustice et rappelle son incompréhension face à cette décision.

Convocations express

Maxence est en vacances à Bali quand ses professeurs de BTS Management opérationnel de la sécurité lui apprennent qu’il doit aller aux rattrapages. Il étudie à Auxerre (89), c’est à plus de 150 kilomètres et à deux heures de route, à Dijon (21), qu’il est convoqué. Et ce dans 48 heures. « Par chance, je rentrais le lendemain, mais sinon j’aurais dû prendre un vol express pour revenir et avoir le temps d’aller jusqu’à là-bas ! », se rappelle-t-il.

À LIRE AUSSI : Ils ont menti sur leur CV pour échapper aux discriminations

Même scénario pour Baptiste, qui préparait son BTS Gestion de la petite et moyenne entreprise à Angoulême (16). En deux jours, entre la réception de sa convocation et son examen à Limoges (87), il a dû s’organiser en catastrophe pour faire une centaine de kilomètres, sur un trajet inaccessible directement en train :

« On était convoqués à 7 heures avec un copain, donc on s’est levés à 5 h 30 et on a roulé plus d’une heure trente. »

Train et chambre d’hôtel à leurs frais

« J’ai dû partir la veille après le boulot et trouver un hôtel pour éviter la route et les bouchons le lendemain », retrace Léa, étudiante à Avignon (84) en BTS Comptabilité gestion, convoquée à Aix-en-Provence (13), à une centaine de kilomètres de son campus et à 1 h 30 de route. « Mais quand c’est une nouvelle chance d’avoir son diplôme qui se présente, tu fais des concessions », continue-t-elle.

À LIRE AUSSI : L’État abandonne les résidences universitaires

Louis, l’étudiant jurassien convoqué à sept heures de train de son lieu d’examen, a aussi été forcé de prendre une chambre d’hôtel la veille de l’épreuve. « C’était impossible pour moi de faire autrement. » Pour son déplacement, il a déboursé autour de 300 euros entre les billets de train, la chambre d’hôtel et la nourriture — il n’a pas encore le permis. Léa dénonce :

« C’est à nous de nous débrouiller. »

Aucune aide

Louis n’a pourtant pas manqué de solliciter l’aide de la Mission interrégionale des examens (Mirex), responsable des lycées agricoles. Mais, à sa demande de réaffectation de l’épreuve ou d’aide financière pour les frais de déplacement, Louis ne reçoit qu’une réponse lapidaire par mail : « Monsieur, les organisations sont définitives. » Contactée, la Mirex n’a pas donné suite aux sollicitations de StreetPress. « C’est fou parce que je m’estime heureux d’avoir pu me rendre à cet oral, alors que c’est scandaleux ! », balance l’étudiant.

« J’imagine que c’est le fonctionnement des académies mais convoquer aussi tôt quand on arrive d’aussi loin, c’est clair que ce n’est pas la meilleure chose », réagit Jérémy, en BTS Négociation et digitalisation de la relation client à Tours (37) et convoqué à Orléans (45). Il rappelle que l’ordre de passage des oraux de rattrapage n’est déterminé qu’une fois arrivé sur place, et qu’il faut parfois attendre plusieurs heures avant son tour.

Pour Maxence, désormais diplômé, il suffirait de « faire une visio » et qu’un « examinateur surveille l’écran » — il a dû mal à justifier le besoin de passer l’examen en présentiel. Sollicitées par Streetpress, les académies ont renvoyé vers le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Celui-ci, affirmant que l’organisation est la même pour les épreuves initiales, précise que le distanciel est possible pour les candidats « dont la résidence est géographiquement éloignée du centre », sans en détailler les conditions.

À LIRE AUSSI : « Je n’ai pas les moyens de me payer un pass Navigo, alors je fraude »

Cette solution n’a toutefois été proposée à aucun des interrogés. Tous avaient auparavant passé les écrits sur le campus où ils étudiaient. « On n’a pas le choix, ça fait deux ans qu’on étudie pour ça », rétorque Jérémy qui a finalement validé son diplôme. « Malheureusement, le système français n’aide pas toujours au mieux les étudiants », déclare Léa. Baptiste, lui, devra le repasser, tout comme Louis :

« Voyager quatorze heures pour trente minutes d’oral, subir la fatigue et le stress, seul dans une ville que tu ne connais pas… C’est sûr que ça ne m’a pas aidé. »

Illustration de Une par Yann Bastard.